Immigration clandestine : Une tentative instructive !

Immigration clandestine : Une tentative instructive !

Tribune

Après‐midi à Yaoundé. La chaleur est étouffante et l’ambiance est, comme d’habitude, chargée de cette odeur si caractéristique, du bruit du trafic, de l’agitation du marché et du chaos de la circulation.

À la porte de l’hôtel nous attend une voiture, moins délabrée que les taxis jaunes de la ville et présentant une apparence améliorée.

Nous voulons bien connaître Robert Alain Lipothy, “le soldat contre l’immigration″ et fondateur de l’Association des Rapatriés et de la lutte contre l’Émigration Clandestine du Cameroun (ARECC).

“Donnez l’adresse au chauffeur du taxi, tout le monde connait l’endroit″ et nous arriverons avec plus ou moins de chance au point de rencontre.

Parmi les embouteillements, oui, d’embouteillements à Yaoundé, le bruit des rues, les haut‐ parleurs, les stands de rue, il y avait, à côté d’une entreprise de pompes funèbres, étrange paradoxe du destin, une grille noire à travers laquelle l’on accède au bureau de l’association. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons compris qu’en vérité le moteur de tout ce travail était le souhait d’aider.

Robert nous accueille et nous présente son équipe. Il s’agît de quatre personnes surprises par le fait que depuis l’Espagne nous tenons à mieux les connaître et à en savoir plus sur ce travail avec des migrants retournés. Ensuite, nous nous submergeons dans une conversation très intéressante de plus d’une heure et demie qui nous a laissé le cœur accablé.

Robert nous raconte son parcours depuis son Cameroun natal vers l’Espagne. De Yaoundé à Melilla, comme l’indique le titre de son livre De Yaoundé à Melilla, Cahier de mon Aventure, qui a été traduit en espagnol comme Las Luces de Melilla (maison d’édition Sciencia Scripts).

Lors des premiers ans du XXIème siècle, cet ancien étudiant camerounais, plein de rêves et plein d’aspirations légitimes à trouver du travail en Europe et à envoyer beaucoup d’argent à sa famille, s’est lancé à la recherche de “el dorado″. Il avait épargné quelques millions de francs CFA (1€ correspond à environ 655 CFA au taux de change actuel).

Cependant, la route terrestre n’a pas été un chemin facile. La centaine de personnes qui l’accompagnaient lors de son voyage ont souffert d’agressions physiques, de conflits parmi les communautés, de viols, de vols et de meurtres. “Lorsque nous avons traversé le désert, nous avons découvert horrifiés des ossements humains ou de restes de dépouilles dépecées par les charognards″, nous raconte‐t‐il. Il est impossible de rester impassible face à autant d’horreur et si tu y parviens c’est parce que tu n’es pas une personne. À Tamanrasset il a épuisé son argent, il a vécu dans des grottes, dans des logements insalubres, ayant peur de sortir par crainte de pouvoir être interpellé par la police. En vivant à la dure, en gagnant un peu d’argent provenant de travaux dégradants, en volant afin de se nourrir.

Robert a été détenu à 6 reprises par la police marocaine et finalement il a été déporté vers son pays. L’aventure avait pris fin.

Même si l’aventure n’avait peut‐être fait que commencer. De retour au Cameroun et épouvanté par son expérience et par les nouvelles des milliers d’autres candidats décédés dans la mer, qui s’étaient embarqués sur la voie maritime, il a fondé ARECC.

Selon les commentaires de Lipothy, nous avons noté qu’entre 70% et 80% des jeunes veulent émigrer en raison du manque d’emplois dans le pays et des mauvaises conditions de vie. Par conséquent, je vous prie de ne pas miser sur l’immigration clandestine, de rester dans vos pays et de travailler dur afin de joindre les deux bouts.

Robert a commencé à créer de campagnes de sensibilisation dans des écoles, des collèges et d’universités parce que ce sont les jeunes qui vont incarner l’avenir du pays, l’avenir de tout un continent, ils sont ceux qui doivent se rendre compte du fait que la vie en Europe n’est pas comme les réseaux sociaux la montrent. “N’investissez pas vos économies ni celles de votre famille dans une aventure sans issue. Il ne sert à rien de quitter le pays pour vivre comme un animal″, voilà la recommandation principale de Lipothy dans ses conférences.

Le travail d’ARECC va au‐delà de la sensibilisation, même si celle‐ci est pour nous, sans aucun doute, la mission la plus importante. Il s’agit d’accompagner et de fournir de l’aide sociale et psychologique aux retournés.

Il y a un stigmate envers les retournés. Ils ressentent comme un sorte d’échec le fait de retourner vers son pays d’origine, comme s’ils auraient laissé tomber leurs familles qui, dans la plupart des cas, ont hypothéqué un argent dont elles ne disposent pas pour le financement de la traversée. Rien n’est plus faux. Le retour aux origines, aux familles, à sa terre. Le fait de ne pas être décédé en cours de route doit être un alléchant plus que suffisant.

L’association encourage l’investissement d’argent, destiné autrement à la traversée, dans des plantations de cacao ou dans d’autres produits fournissant un emploi et une sustentation digne aux personnes occupées, retournées ou à des candidats de l’immigration clandestine.

Peut‐être, juste peut‐être, l’aventure de Robert Alaín Lipothy n’as fait que commencer parce que combien de ces jeunes ont décidé de rester dans leurs pays et de ne pas se laisser la vie sur la route soit‐elle terrestre ou maritime ? Nous ne connaîtrons jamais cette donnée, mais nous connaissons bien l’importance de véhiculer le message de cette association et celui d’autres au plus grand nombre de personnes possible.

Contexte économique du Cameroun

Peut‐être, tandis que vous lisez cet article vous auriez besoin de vous faire une idée du contexte économique du Cameroun et de sa situation dans le continent africain.

Nous n’allons pas vous ennuyer avec une centaine des données, tout simplement, nous tenons à mettre le décor concernant certains volets de l’économie du pays.

Le Cameroun se trouve sur le golfe de Guinée et il est limitrophe du Nigeria au nord‐ouest et de la Guinée équatoriale et du Gabon au sud du pays.

Le Cameroun a une population de 23,7 million de personnes et d’importantes ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, des minéraux et du bois de construction. Il produit du café, du coton, du cacao et du maïs. Selon la Banque mondiale, la croissance économique s’est élevée de 3,2% en 2010 à 15,7% en 2015, même si elle s’est essoufflée un peu en 2016 à cause d’une épidémie de la grippe aviaire dans la région occidentale et à la maturation des gisements de pétrole.

L’agriculture, qui emploie plus de la moitié de la population active constitue une valeur primordiale pour l’économie. Il y a près de deux millions de fermes familiales. La pauvreté est un phénomène généralisé dans les milieux ruraux qui touche huit millions de personnes dans le pays.

Le manque d’emploi, d’accès à l’eau, le réseau électrique, le réseau routier ; le manque d’établissements scolaires et d’établissements médicales, la corruption et la mauvaise gestion des fonds publics sont de facteurs qui intensifient la pauvreté. Les jeunes des milieux ruraux constituent l’un des groupes les plus vulnérables.

En raison du développement insuffisant de l’agriculture commerciale, le Cameroun importe de vastes quantités de denrées alimentaires. Malgré tout, le pays dispose d’un grand potentiel pour combler la demande de produits alimentaires et pour améliorer les conditions de vie de la population rurale.

Soumis par  Alassane Amadou Athié

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