Alexeï Navalny est en route vers la Russie, certains de ses alliés arrêtés à Moscou.


Plusieurs alliés de l’opposant ont été arrêtés ce dimanche à l’aéroport de Moscou
Par L’Obs avec AFP

Publié le 17 janvier 2021 à 08h34 Mis à jour le 17 janvier 2021 à 16h54
Après plusieurs mois de convalescence en Allemagne où il se remettait d’un empoisonnement présumé, Alexeï Navalny est en route vers la Russie. Malgré les menaces d’arrestation quasi immédiate brandies par la justice russe, le principal opposant au Kremlin a embarqué avec sa femme Ioulia dans un vol à destination de Moscou, ce dimanche 17 janvier peu après 15h.

« Je suis certain que tout va bien se passer. On va m’arrêter ? Ce n’est pas possible, je suis innocent », a lancé Alexeï Navalny en montant à bord, avant d’ajouter:

« En Allemagne, c’était bien, mais rentrer à la maison c’est toujours mieux. »
A l’aéroport Vnoukovo de Moscou, où l’opposant est attendu à 19h20, la police antiémeute était présente en force. Et plusieurs alliés d’Alexeï Navalny ont été arrêtés alors qu’ils étaient venus l’accueillir. « Lioubov Sobol, Rouslan Chaveddinov, Ilia Pakhomov, le juriste Alexeï Molokoïedov, l’assistant de Navalny Ilia Pakhomov, la directrice de campagne Anastasia Kadetova et Konstantin Kotov ont été arrêtés », a indiqué sur Twitter Ivan Jdanov, l’un des plus proches collaborateurs d’Alexeï Navalny.

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Une dizaine de personnes arrêtées
Une vidéo diffusée par le média d’opposition MBKh Media montre la police escorter dans le calme plusieurs personnes, dont Lioubov Sobol, figure montante de l’opposition russe déjà interpellée il y a quelques semaines. Parmi les autres personnes arrêtées figure Rouslan Chaveddinov, un collaborateur d’Alexeï Navalny connu pour avoir été envoyé de force en 2019 effectuer son service militaire obligatoire dans l’Arctique après une perquisition visant l’organisation de l’opposant.

Konstantin Kotov est également un militant bien connu de l’opposition russe, qui avait été libéré en décembre après avoir purgé une peine sévère d’un an et demi de prison pour « violation répétée » des règles d’organisation des manifestations.

Le journal d’opposition « Novaïa Gazeta » a également rapporté l’arrestation de sa correspondante à l’aéroport moscovite de Vnoukovo, où l’avion avec Alexeï Navalny à son bord doit atterrir dans la soirée. Selon MBKh Media, une dizaine de personnes ont été arrêtées avant le retour en Russie de l’opposant, qui risque lui aussi d’être interpellé immédiatement à son arrivée sur ordre de la justice russe.

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« Voilà à quel point ils sont lâches, pathétiques et ridicules », avait lâché un peu plus tôt Alexeï Navalny sur Instagram, avant le décollage, tournant en dérision dans d’autres messages sur Twitter les mesures drastiques prises par l’aéroport Vnoukovo. « Comme d’habitude, les autorités russes sont caractérisées par leur peur », avait encore dit l’opposant de 44 ans, en montant dans l’appareil, tout en se disant « très heureux » de revenir et assurant « n’avoir rien à craindre en Russie ».

Tombé dans le coma en août
Depuis que le pire ennemi de Vladimir Poutine a annoncé le 13 janvier son intention de rentrer, les services pénitentiaires russes (FSIN) l’ont mis en garde et assuré qu’ils seraient « obligés » de l’arrêter pour avoir violé les conditions d’une peine de prison avec sursis reçue en 2014. Alexeï Navalny a balayé ces manœuvres visant selon lui à « l’effrayer » et appelé au contraire ses partisans à venir l’accueillir à l’aéroport moscovite.

Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’un voyage en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, une grande ville de la région, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches.

Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique, conclusion confirmée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques malgré les dénégations de Moscou. L’opposant accuse les services spéciaux russes d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct de Vladimir Poutine.

Au gré des versions, les autorités russes ont elle mis en cause les services secrets occidentaux, ou l’hygiène de vie d’Alexeï Navalny. Jusqu’à présent, Moscou a refusé d’ouvrir une enquête pour découvrir ce qui est arrivé à Alexeï Navalny, arguant notamment du refus de l’Allemagne de transmettre ses données à la Russie.

2 000 personnes attendues
Samedi, Berlin a toutefois annoncé avoir transmis à Moscou des éléments de son enquête judiciaire, notamment « des procès-verbaux » d’interrogatoires d’Alexeï Navalny et « des échantillons de sang et de tissus, ainsi que des morceaux de vêtements », disant s’attendre à ce que Moscou commence désormais à « faire la lumière sur ce crime ».

Selon le FSIN, Alexeï Navalny n’a pas respecté quand il était en Allemagne les conditions d’une peine de prison avec sursis reçue en 2014, qui l’obligeait à pointer au moins deux fois par mois à l’administration pénitentiaire. L’opposant est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraudes, soupçonné d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons.

Plus de 2 000 personnes ont tout de même annoncé sur Facebook avoir l’intention de venir accueillir l’opposant ce dimanche, mais la justice a mis en garde contre la participation à tout « événement public » organisé à l’aéroport Vnoukovo, non autorisé. L’aéroport a lui déclaré qu’il n’autoriserait pas les médias à travailler dans le terminal, à cause de la pandémie de coronavirus.

La manière forte
S’il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l’opposition en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d’abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites.

Malgré les perquisitions, les pressions et les condamnations à de courtes détentions visant régulièrement Alexeï Navalny ou ses alliés, il a réussi à organiser plusieurs manifestations très suivies ces dernières années, et à provoquer plusieurs revers embarrassants pour le pouvoir lors de scrutins locaux.

Pour les experts, le retour annoncé d’Alexeï Navalny est une épine dans le pied du Kremlin : le laisser libre serait une démonstration de faiblesse, l’emprisonner risquerait de provoquer un nouveau scandale. Mais « le Kremlin est fatigué de ce jeu » et pourrait choisir la manière forte, estime la politologue Tatiana Stanovaïa : « La confrontation avec Navalny dure depuis trop longtemps ».

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