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Cher Professeur, Ely Ould Sneiba

Cher Professeur, Ely Ould Sneiba
J’ai lu votre article avec beaucoup de sourire.
Du haut de votre assurance, vous affirmez que Chinguetti a été fondée par les Maures.
Même moi, qui ne suis pas universitaire, ni historien je peux affirmer qu’il est impossible que les Maures soient à l’origine de la fondation de Chinguetti.
Car tous les historiens s’accordent à dire que la région était déjà sous le contrôle des Berbères Sanhadja et faisait partie de la sphère d’influence de l’Empire du Ghana, bien avant l’avènement des Maures.
Je vous invite à lire Ibn Khaldoun, qui décrit les Sanhadja comme les acteurs majeurs du développement des villes dans cette région.
Vous citez Paul Marty, mais ce dernier n’a jamais affirmé que les Maures dans leur ensemble avaient fondé Chinguetti, mais plutôt que des tribus locales, souvent métissées, y vivaient.
Vous affirmez aussi que les fondateurs de Chinguetti étaient des “Maures Ansar”, ce qui constitue une double erreur. Historiquement, le terme Ansar désigne les habitants de Médine qui ont accueilli le Prophète (PSL) lors de l’hégire, sans lien direct avec l’Afrique de l’Ouest. Associer ce terme à une ethnie spécifique en Mauritanie est donc une extrapolation abusive sans fondement historique.
De plus, il est important de noter que les Maures, en tant que groupe culturel et linguistique arabo-berbère, se sont formés à la suite des migrations arabes et de la sédentarisation des tribus nomades à partir du XIVᵉ siècle, bien après la fondation de Chinguetti.
Votre tentative de présenter Chinguetti comme le produit exclusif d’une seule communauté dénature profondément son histoire et trahit une méconnaissance des dynamiques sociales, culturelles et économiques de l’époque.
Ce type de propos, réducteur et non étayé par des faits solides, est d’autant plus surprenant venant de vous, en tant que diplomate mauritanien représentant notre pays en Angleterre. Un diplomate se doit d’être un modèle d’impartialité, d’érudition et d’unité nationale. Or, vos affirmations divisent plus qu’elles ne rassemblent et ne reflètent ni la complexité ni la richesse de notre patrimoine commun.
Chinguetti est un carrefour historique qui a vu converger des influences berbères, africaines et arabes, bien avant l’apparition des Maures en tant que groupe socioculturel distinct. Ignorer ce contexte revient à réduire des siècles d’interactions humaines et commerciales à une lecture simpliste et biaisée de l’histoire. Un tel discours ne sert ni la vérité historique ni l’image de notre pays sur la scène internationale.
Il est vraiment regrettable qu’un intellectuel adopte une démarche aussi biaisée, non seulement historiquement inexacte mais aussi politiquement nuisible. Votre discours simplifie à outrance un passé complexe pour des fins idéologiques, au mépris des faits établis.
L’histoire ne peut être manipulée au gré des sensibilités identitaires. Comme le souligne l’historien François-Xavier Fauvelle dans Le Rhinocéros d’or, l’Afrique médiévale était un espace de rencontres et d’interactions. Chinguetti, ville-phare de la Mauritanie, en est un parfait exemple. Réduire sa fondation à une seule communauté revient à effacer une partie essentielle de son héritage.
Votre texte est un exemple désolant d’un enseignement biaisé. Si la Mauritanie aspire à un avenir basé sur la vérité et l’unité, il est impératif que de tels discours soient déconstruits avec rigueur et humour. En d’autres termes, cher Professeur : il serait peut-être temps de mettre à jour vos sources… et votre perspective.

Siley Djigo

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