Tunisie

Tragédie en silence : le cri ignoré de Fadhel Jalloul

Tragédie en silence : le cri ignoré de Fadhel Jalloul
Dans les pays qui se respectent, le suicide d’un enseignant en raison d’une situation intenable dans son établissement provoquerait un véritable séisme. Fadhel Jalloul, professeur d’éducation islamique au collège Ibn Charaf de Chebba, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Il s’est immolé par le feu et a succombé à ses blessures, un acte désespéré qui soulève des questions profondes sur l’état de l’éducation et de la société en général. Depuis le drame, pourtant, l’opinion publique est rapidement passée à autre chose.

Fadhel Jalloul était victime d’un harcèlement constant, orchestré par des élèves extérieurs à son établissement. Une campagne de dénigrement et d’intimidation, comme tant d’autres qui se multiplient dans le silence des institutions, a fini par briser un homme. Peu importe l’âge, le statut ou la santé mentale, nul n’est totalement insensible à des attaques incessantes. Elles érodent la dignité et plongent les victimes dans une spirale de solitude et de désespoir.

Le suicide, acte ultime de désespoir, ne peut être réduit à un geste de faiblesse ou de courage. C’est avant tout un cri d’alarme, un signal que le système a échoué. Dans le cas de Fadhel Jalloul, ce cri d’alarme a été ignoré. Le silence des autorités scolaires face au harcèlement qu’il subissait souligne un problème systémique : le manque de soutien et de protection pour les enseignants confrontés à des situations intolérables.

Cette tragédie a des répercussions bien au-delà de la perte d’un individu. Elle laisse une empreinte indélébile sur ses collègues, contraints de continuer à enseigner dans un environnement où la violence psychologique semble banalisée. Elle affecte également les élèves, qu’ils aient été proches de l’enseignant ou qu’ils aient, directement ou indirectement, contribué à son mal-être. Que dire de ceux qui, sous l’effet de groupe ou par insouciance, ont nourri cette campagne de harcèlement ? La culpabilité et le traumatisme pourraient les suivre longtemps, marquant leur vie bien après la fin de leurs études.

Les établissements scolaires, censés être des sanctuaires d’apprentissage et de croissance, deviennent parfois des lieux de tensions, voire de violence. Pour les enseignants, les défis sont multiples : charges de travail écrasantes, manque de reconnaissance et, désormais, un harcèlement croissant qui fragilise leur position. Fadhel Jalloul n’est pas une exception. De nombreux enseignants souffrent en silence, craignant des représailles ou l’inaction de leur hiérarchie. De nombreux élèves subissent l’horreur du harcèlement sans qu’aucun sérieux ne soit accordé à leurs cris d’alerte.

Cette situation reflète également un problème plus vaste : l’érosion du respect envers la profession enseignante. Ce respect, autrefois central dans la relation entre les élèves, les familles et les enseignants, semble s’être effrité avec le temps. Le harcèlement, qu’il vise un enseignant ou un élève, est souvent sous-estimé, voire ignoré, jusqu’à ce qu’un drame se produise.

Pourtant, il est possible de transformer cette tragédie en un appel à l’action. Lutter contre le harcèlement scolaire et professionnel doit devenir une priorité nationale. Cela implique plusieurs mesures concrètes. Il est impératif de mettre en place des mécanismes de signalement efficaces et confidentiels, permettant aux victimes de harcèlement, qu’il s’agisse d’élèves ou d’enseignants, de demander de l’aide sans crainte de représailles. Il faut aussi former le personnel éducatif à identifier les signes de harcèlement et à intervenir rapidement pour protéger les victimes.

Sensibiliser les élèves et les familles sur les conséquences du harcèlement, à travers des campagnes d’information et des ateliers interactifs, est une autre étape essentielle. Renforcer le soutien psychologique dans les établissements scolaires, en intégrant des conseillers disponibles pour accompagner les victimes et leurs proches, est tout aussi crucial.

La mort de Fadhel Jalloul ne doit pas être réduite à un fait divers tragique. Son geste, bien que douloureux, doit être un catalyseur de changement. Chaque acteur de la société a un rôle à jouer pour prévenir de telles tragédies à l’avenir. Les enseignants méritent d’être soutenus, protégés et valorisés. Les élèves doivent apprendre non seulement les mathématiques et les langues, mais aussi le respect, l’empathie et la responsabilité.

Il est impératif aujourd’hui de tirer des leçons de ce drame et nous assurer qu’aucun autre enseignant ne se sente aussi seul et abandonné que Fadhel Jalloul. Et que plus aucun élève ne soit condamné à souffrir en silence.

Par Synda Tajine

Sources infos: businessnews.com.tn

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