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Trafic de drogue en Mauritanie : d’une route de transit à un marché intérieur en pleine expansion

La Mauritanie, nouveau carrefour du trafic de drogue au Sahel, voit émerger un marché local alarmant, entre instabilité, corruption et consommation croissante.

Trafic de drogue en Mauritanie
Longtemps simple maillon du trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe, la Mauritanie devient un épicentre préoccupant du narcotrafic en Afrique de l’Ouest. Une mutation aux conséquences sanitaires, sécuritaires et politiques majeures.

Un territoire stratégique au cœur du narcotrafic ouest-africain

Au large des côtes mauritaniennes, en juin 2023, les autorités interceptent un navire transportant 2,3 tonnes de cocaïne. Cette saisie record est loin d’être un cas isolé : elle illustre la transformation silencieuse du pays en plaque tournante du trafic international de stupéfiants.

Située à l’intersection des routes transatlantiques, sahéliennes et méditerranéennes, la Mauritanie est devenue un couloir logistique incontournable pour les cartels sud-américains, qui exploitent les failles des États de la région. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ce corridor, allant de la Guinée-Bissau jusqu’aux portes de l’Europe via la Mauritanie, alimente une économie parallèle en pleine expansion.

De zone de transit à marché de consommation locale

Mais au-delà du trafic de transit, la consommation locale explose, marquant une nouvelle étape dans la progression du phénomène. Dans les centres urbains comme Nouakchott ou Nouadhibou, les drogues circulent plus librement, affectant de plus en plus la jeunesse mauritanienne.

La résine de cannabis, longtemps dominante, partage désormais le terrain avec des opioïdes comme le tramadol, des psychotropes, et même de la cocaïne. Les professionnels de la santé alertent sur l’insuffisance des structures de prise en charge et l’absence de politique publique cohérente en matière de prévention ou de désintoxication.

Un levier de financement pour les réseaux criminels et armés

La montée en puissance du narcotrafic alimente également un écosystème criminel transfrontalier. Selon plusieurs sources sécuritaires, des groupes armés opérant dans le nord du Mali ou à la frontière algérienne profiteraient de ces circuits illégaux pour financer leurs opérations.

Le trafic devient ainsi un moteur d’instabilité régionale, brouillant les frontières entre criminalité organisée et insécurité politique. Les autorités mauritaniennes, souvent sous-équipées et sous-formées, peinent à répondre efficacement à la sophistication croissante des réseaux.

Corruption et impunité : des freins internes à la lutte antidrogue

Autre obstacle majeur : la corruption présumée de certaines élites locales. Plusieurs enquêtes journalistiques et rapports d’ONG pointent l’implication possible de hauts responsables dans des réseaux de protection ou de complicité passive avec les trafiquants.

Cette érosion de la confiance publique fragilise davantage un appareil d’État déjà sous pression. Des policiers dénoncent sous anonymat des pressions hiérarchiques ou l’absence de suivi judiciaire des affaires sensibles, rendant toute stratégie antidrogue largement inefficace sans réforme structurelle.

Quelle réponse face à l’ampleur du fléau ?

L’ONUDC et plusieurs partenaires internationaux appellent à une approche intégrée mêlant répression, prévention, traitement et coopération transfrontalière. Mais la réponse actuelle reste fragmentée, entre initiatives ponctuelles d’ONG locales, promesses diplomatiques et réalité du terrain.

Sans une stratégie nationale claire et coordonnée, incluant la société civile, les services de santé, la justice et les forces de l’ordre, le risque est grand de voir la Mauritanie glisser durablement dans une économie criminelle semblable à celle que connaissent déjà certains pays du Sahel.

Conclusion : un moment charnière pour la Mauritanie

La Mauritanie se trouve à un tournant critique. Laisser prospérer le narcotrafic sur son territoire, c’est courir le risque d’un affaiblissement durable de l’État, d’une génération sacrifiée à la dépendance et d’un pays otage des intérêts criminels internationaux.

Mais une autre voie reste possible : celle de la transparence, de la coopération et de la résilience institutionnelle. Encore faut-il la volonté politique de l’emprunter.

À retenir
+2 tonnes de cocaïne saisies en 2023 au large de Nouadhibou.

Explosion des usages locaux de drogues, notamment le tramadol.

Groupes armés et cartels internationaux impliqués dans les réseaux.

Allégations de corruption freinent la lutte contre le narcotrafic.

L’ONUDC appelle à une réponse régionale coordonnée et multidimensionnelle.

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