Sahara marocain : les enjeux du rapprochement Maroc-pays andins

Sahara marocain : les enjeux du rapprochement Maroc-pays andins
Publié dans lematin.ma par Hicham Oukerzaz, 17 juillet 2022 à 15:58

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Sahara marocain : les enjeux du rapprochement Maroc-pays andins
La ville de Laâyoune a accueilli le 4 juillet les travaux de la session ordinaire du Parlement andin, une première du genre en dehors des frontières des États membres de ce groupement régionale. Ce rapprochement entre le Royaume et les pays andins fait honneur à la diplomatie parlementaire qui, parallèlement à la diplomatie officielle, a opéré une percée stratégique en Amérique du Sud où, par le passé, les ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc avaient pu rallier nombre de responsables à leurs thèses illusoires.

Pour la première fois de son histoire, le Parlement andin s’est réuni en session ordinaire le 4 juillet à Laâyoune. Ce choix de se réunir hors du sol des pays membres de cette organisation régionale dans la plus importante ville du Sahara marocain renseigne clairement sur les excellentes relations bilatérales et multilatérales entre le Maroc et les pays de la Communauté andine. Cette session ordinaire du Parlement andin à Laâyoune a eu lieu quatre ans après la décision historique de cette assemblée régionale de soutenir le plan d’autonomie, sous souveraineté marocaine, comme une solution réaliste et crédible pour mettre fin à ce conflit artificiel.

La décision du Parlement andin de tenir sa session ordinaire à Laâyoune constitue une nouvelle consécration de la marocanité du Sahara, ont affirmé les présidents de la Chambre des conseillers et de la Chambre des représentants, Naam Miyara et Rachid Talbi Alami. La tenue de la session ordinaire de cette organisation, composée de parlementaires représentant quatre pays (Bolivie, Colombie, Équateur et Pérou), renferme une signification particulière et appuie les efforts consentis par la diplomatie officielle et celle parlementaire, a déclaré à la presse M. Talbi Alami, en marge de la visite des membres du Parlement andin à la capitale du Sahara marocain.

La tenue «très symbolique» de cette réunion du Parlement andin est une nouvelle confirmation de la marocanité du Sahara, a-t-il soutenu, ajoutant que cet événement phare s’inscrit dans le cadre de la stratégie de la première Chambre et sa relation avec le Parlement andin, en application des Hautes Directives de S.M. le Roi Mohammed VI visant à soutenir la coopération Sud-Sud et à partager les expériences entre pays d’Afrique et d’Amérique du Sud. Par ailleurs, le président de la Chambre des représentants a indiqué que les membres du Parlement andin, qui étaient en visite au Royaume, du 1er au 9 juillet, sur invitation de leurs homologues marocains, ont été «impressionnés» par les chantiers d’envergure lancés à Laâyoune et les efforts consentis par le Royaume pour le développement de ses provinces du Sud.

Pour sa part, M. Miyara a indiqué que la tenue de la session ordinaire de cette organisation parlementaire confirme de nouveau le soutien à la marocanité du Sahara, ajoutant que ce déplacement à Laâyoune a permis à la délégation parlementaire andine de s’informer de visu des projets de développement en cours à Laâyoune. Il a noté que ces projets illustrent à merveille le niveau de progrès socio-économiques dans la région Laâyoune-Sakia El Hamra et les efforts de développement visant à répondre aux aspirations de la population locale.

Visites des chantiers des provinces du Sud

Les visites de chantiers effectués par les membres de la délégation à plusieurs projets économiques, sociosportifs et culturels à Laâyoune s’inscrivent dans le cadre des efforts consentis par la Chambre des conseillers en vue de promouvoir la coopération Sud-Sud, notamment entre les pays d’Amérique latine, l’Afrique et le monde arabe, a fait remarquer M. Miyara. Le président de la Chambre des conseillers a, en outre, mis l’accent sur l’importance de cette visite dans le développement économique et l’augmentation du volume des échanges commerciaux, ainsi que l’échange d’expériences et d’expertise, conformément aux Hautes Orientations de S.M. le Roi Mohammed VI, en matière de consolidation de la coopération Sud-Sud.

Le Maroc pourrait ouvrir un important marché de 1,3 milliard de consommateurs au profit des pays andins, qui constituent environ 32% du marché latino-américain, dans le cadre d’un accord de libre-échange continental, a fait savoir M. Miyara à l’ouverture du «Forum parlementaire Maroc-communauté andine» le 5 juillet à Rabat, notant que les deux parties ont la capacité de construire une chaîne de valeur commune, notamment au niveau des industries agro-alimentaires et électroniques, des engrais et des industries marines. Il a appelé dans ce sens à réfléchir à la possibilité de créer un mécanisme de concertation et de coopération politique afin de promouvoir le développement, le commerce et l’échange des meilleures pratiques technologiques, et à œuvrer pour l’émergence d’un cadre de coopération pratique et efficace qui peut atteindre le niveau d’une zone de libre-échange ou d’un espace économique avancé dans le futur. Il a également souligné la nécessité d’encourager la création de fonds d’investissement entre le Maroc et la Communauté andine pour favoriser l’implantation conjointe d’activités industrielles, agricoles et de services, et de réfléchir à la création d’une institution de financement du développement conjoint, outre l’importance de la coordination des efforts afin de développer des plans innovants pour suivre le rythme des transformations majeures du système commercial mondial.

Il est à noter que le Parlement marocain et le Parlement andin avaient signé, en juillet 2018, au siège de la Chambre des conseillers, un mémorandum d’entente visant à instaurer des canaux de communication et d’interaction parlementaires à travers l’échange de visites, d’expériences, d’informations et de documents. En vertu de ce mémorandum d’entente, le Parlement marocain bénéficie du statut de partenaire avancé auprès de cette organisation parlementaire créée en 1979 dans le but d’harmoniser les législations et d’accélérer l’intégration entre les pays membres de ce groupe.

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Éclairage du Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales

«La diplomatie parlementaire marocaine a montré sa capacité de projection géopolitique dans une région traditionnellement hostile à l’intégrité territoriale du Royaume»

Le Parlement andin a tenu sa session ordinaire à Laâyoune, le lundi 4 juillet. Il s’agit d’une première pour cette organisation régionale qui regroupe la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Mohammed Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat, nous présente ici la Communauté andine et son Parlement. Il nous fait également part de l’importance hautement stratégique de la tenue de la session ordinaire de ce Parlement à Laâyoune, qui reflète bien la percée diplomatique du Maroc en Amérique latine.

Qu’est-ce que la Communauté andine ?

La communauté andine a été créée le 26 mai 1969 à Carthagène, en Colombie. Elle est constituée de quatre pays, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Le Venezuela a rejoint en 1973 le groupe, mais s’en est retiré en 2005. Le Chili y a été aussi pour une courte période, de 1969 à 1976.
Formellement, la Communauté andine, anciennement Pacte andin, est un espace de libre-échange, une intégration économique en constitution. Elle aspire à devenir une union douanière avec, à terme, l’établissement d’un tarif extérieur commun. Traditionnellement, les pays latino-américains ont un penchant naturel pour l’intégration régionale : Mercosur (Marché commun du Sud), Marché commun de la communauté du bassin des Caraïbes (Caricom), Association latino-américaine d’intégration (ALADI)…
La Communauté andine compte des pays associés (Argentine, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay) et des pays observateurs (Maroc, Mexique, Panama). Les quatre pays constitutifs totalisent environ 110 millions d’habitants, une superficie de 3.798.000 millions de kilomètres carrés et un PIB dépassant les 610 milliards de dollars.

À l’heure actuelle, la Communauté andine, qui a donc remplacé le Pacte andin, est, depuis 1997, une organisation internationale dont le siège est à Lima, au Pérou. Cette organisation est dotée d’un Secrétariat général de nature exécutive, au même titre que la Commission de l’Union africaine. Elle est en outre constituée d’un Conseil présidentiel et d’un Conseil des ministres des Affaires étrangères, les deux étant chargés des fonctions d’orientation et de direction. Ces deux organes sont assistés par une Commission. La Communauté andine dispose en outre d’un Parlement et d’une Cour de justice.

Quel est le rôle du Parlement andin au sein de la communauté ?

Le Parlement andin (Parlandino) a été créé en octobre 1979. Les objectifs qui lui sont assignés par le traité constitutif de la Communauté andine (articles 42 et 43) concernent, entre autres, le renforcement du processus d’intégration régionale, le soutien à la justice sociale et à la démocratie, le respect des droits de l’Homme, l’harmonisation législative et l’appui aux bonnes pratiques. Cette institution encourage aussi la participation des populations dans le processus d’intégration andine et la création d’une conscience communautaire par le développement d’une identité commune. Enfin, le Parlandino œuvre pour la promotion de la paix et de la liberté. On notera de passage que les membres de ce Parlement sont, depuis l’adoption du Protocole de Trujillo (1996), élus au suffrage indirect. Le siège de cet organe se situe à Bogota, en Colombie.

Le Maroc et le Parlandino

Depuis 1996, le Royaume du Maroc est membre observateur auprès du Parlement andin. Cet organe est normalement délibératif (article premier de son traité constitutif) et ses membres sont élus pour un mandat de deux ans. Conformément à son traité fondateur, cette instance dispose de la personnalité juridique internationale et, comme tel, elle a le droit de conclure des accords internationaux. Et c’est à ce titre que ce Parlement a accordé au Maroc le statut précité. En outre, en 2018, un mémorandum d’entente conclu entre la Chambre des conseillers et le Parlandino érige le Parlement marocain en tant que partenaire avancé. Cela rappelle, entre autres, le statut dont dispose le Royaume auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, depuis 2011, en tant que Partenaire pour la démocratie.

La tenue du 1er au 9 juillet 2022 d’un forum parlementaire entre le Parlement marocain et le Parlandino est un événement stratégiquement important, par le format et par le contenu. Les thèmes mobilisateurs sont d’actualité : «coopération économique et échanges commerciaux» et «sécurité énergétique». Il s’agit donc de dynamiser la relation du Maroc avec la Communauté andine qui, en dépit du faible taux des échanges commerciaux qu’elle a avec notre pays, n’en demeure pas moins une intégration régionale à intérêt géopolitique évident.

En effet, ce rapprochement témoigne, de façon globale, de la percée diplomatique du Maroc en Amérique latine, notamment depuis la visite du Souverain en 2004 à plusieurs pays du sous-continent : Argentine, Brésil, Chili, Mexique, et Pérou. Depuis cette date, on a redoublé d’efforts pour l’opérationnalisation d’un partenariat économique avec le Mercosur et la Communauté andine. Le processus étant en branle. De manière extensive, le Royaume a engrangé récemment des dividendes stratégiques à la suite de son déploiement géopolitique dans le sous-continent. L’on pourra à cet égard rappeler la position de soutien massif apporté en mars 2022 par six pays membres de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO) et leur décision d’ouvrir un consulat collectif à Dakhla. Des efforts sont également menés pour élargir le cadre de cette collaboration stratégique afin qu’elle inclue les membres la Communauté caribéenne (Caricom), laquelle compte 14 pays de la région des Caraïbes.

D’immenses possibilités, diplomatiques, économiques, stratégiques… s’ouvrent donc entre le Maroc et la Communauté andine à la suite de la consolidation du partenariat liant les deux parties. Le forum tenu à Laâyoune est, entre autres, un élément de cet édifice en construction. La diplomatie parlementaire marocaine a montré sa capacité de projection géopolitique dans une région traditionnellement hostile à l’intégrité territoriale du Royaume. Les perspectives sont donc ouvertes pour l’élargissement et l’opérationnalisation de ce partenariat multidimensionnel, en particulier en réduisant les distances géographiques par des connexions aériennes et maritimes fréquentes, en développant les opportunités d’échanges économiques et en donnant à ce partenariat un contenu culturel, scientifique et académique.

H.O.

lematin.ma

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