Que dire de la question ethnique aujourdhui? Tres bref aperçu….

BREF APERÇU SUR L’IDENTIFICATION DES COMMUNAUTÉS ETHNO-LINGUISTIQUES DE LA MAURITANIE
( Republication de « Que dire de la question ethnique aujourdhui? Tres bref aperçu…. »)
Il faut rechercher la vérité dans les faits. Et les faits, comme la vérité, sont tétus. La vérité linguistique en Mauritanie est la suivante: il existe quatre langues nationales définissant les quatre communautés ethno-linguistiques du pays. Car la langue est le principal critère d’identification d’une éthnie. On est  » Hal Pular » d’ethnie parce que c’est dans la langue « peulh » que l’on s’exprime, de naissance ( la fameuse  » langue maternelle »). On est Soninké, olof et arabe, pour cette raison et uniquement pour cette raison. Un peul, de quelque nuance de couleur qu’il soit, et quel que soit l’accent de son parler ( du pullo fuuta jallon ou du fuuta tooro ) est un Hal Pular. Leurs différenciations « physique » (mille nuances de couleurs!)ou de  » locution » provient du processus historique de leur constitution, notamment les conquêtes originelles ou successives, les mariages, l’entourage etc…, et finalement, leur fusion dans un ensemble sociétal unique, commun, dont la base économique et sociale est tissée et symbolisée par leur désormais langue commune ( processus d’assimilation interactif qui explique à la fois l’unité et la diversité de l’ethnie finale qui en est résultée…). Ce processus est probablement identique dans les autres ethnies négro-africaines. Mais il est absolument identique dans l’ethnie dite « maure ». Cette ethnie  » maure » est légitime à se qualifier d’arabe, précisément parce que, de la même façon que pour les halpular, ses composantes  » ethnogéniques » sont unies par le même socle, la même base linguistique en laquelle elles se reconnaissent fondamentalement: le Hassaniya. Mais le Hassaniya est un dialecte de l’arabe, c’ est à dire, un parler local, une variante de la langue arabe dans laquelle s’expriment les populations centrales du grand Sahara et de ses alentours soudano-sahéliens. Les linguistes, les anthropoloques, les historiens et les geographes, notamment, sont tout à fait d’accord sur ce fait. Pour diverses raisons historiques, ce hassaniya serait même tres proche syntaxtiquement et lexicalement, de l’arabe « originel » des confins yéménites actuels. Bien sûr, le hassaniya comme dialecte de l’ arabe tire certains de ses traits caractéristiques du metissage des conquérants arabes avec les populations autochtones de notre espace regional, en particulier les grandes tribus berberes dont les langues ont été graduellement absorbées puis assimilées avant de disparaître quasi-totalement chez nous -et non au Mali, au Maroc, en Algerie etc. Mais ce hassaniya a également fait des emprunts incontestables aux langues autochtones négro-africaines trouvées sur place, spécialement soninké et bambara, qui étaient, de loin les principales éthnies dominantes dans la région, à l » époque des prestigieuses civilisations des puissants Empires du Ghana et du Mali. Fondamentalement, le hassaniya tirant sa structure de base ( grammaire notamment) de l’arabe, il constitue bien un dialecte de l’arabe, comme le parler pular de chez nous n’est qu’un dialecte de la langue peul ( comme ses autres variantes dans la plupart des pays africains oû est parlée cette langue, de la Mauritanie en Ethiopie, de la Guinée au Soudan etc.). Le terme  » hassaniya » désigne d’ailleurs le parler des Beni Hassan, un clan guerrier rattaché au Maquil, venue des confins saoudo- yemenite, ayant transité par l’Égypte avant de faire une  » halte » fameuse en Tunisie et de conquérir les confins du Maroc, du Sahara occidental, de l’Algérie et de la Mauritanie actuels … Cette ethnie est donc arabe dans son noyau linguistique , et trés métissé au cours de son long parcours expansionniste. Elle est donc également à la fois unie et diverse dans sa composition. Unité linguistique fondée sur une intrégration dans un même ensemble sociétal dont l’un des aspects saillants est la division en castes comme pour les autres ethnies du pays d’ailleurs, et les liens entrecroisés d’une multitude de tribus, clans, familles etc. C’est dans cet ensemble que s’est façonnée une structure sociale laissant apparaître deux grandes « nuances » de couleurs recoupant également des positions sociales complexes: les Bidhanes ( blancs) et les Suudanes ( noirs). Le mode de production esclavagiste puis féodal, va assigner, à chacune de ses composantes, un statut social particulier, même si le metissage et la porosité statutaires introduisent des éléments beaucoup plus complexes que les simplifications d’usage donnent à penser. Les Bidhanes sont pour l’essentiel des hommes libres même si nombre d’entre eux sont à statuts ( forgerons, griots, znaguis etc.). Les Suudaan sont, à l’apposé, soit d’anciens esclaves devenus libres (hrattines) comme les « slaves » d’Europe Centrale- ce sont les plus nombreux- soit des esclaves statutaires ( une minorité, taillable et corvéable surtout à la campagne), soit des hommes libres depuis l’origine ( khadaara). Bidhanes et Suudaan appartiennent donc à la même communauté arabe du fait de leur communauté de langue et des liens sociétaux qui les differencient de ce double point de vue, des communautés voisines ( surtout négroafricaines) même si ils partagent avec ces derniéres la même couleur de peau et certains traits culturels tirés de leur proximité historique et géographique ou même de leurs racines communes. La vérité est donc que les Suudaan ( les « hrattines » comme on dit maintenant par extension) sont, non seulement arabes par ces 2 traits évoqués, mais même sont majoritaires au sein de la communauté arabe. Ce sont eux qui font des arabes la majorité de la population du pays. Leur singularité raciale ( peau  » noire), ne change rien à l’ affaire. Le Soudan est l’un des pays les plus importants des pays arabes. C’est un pays de noirs. Il en va de même de la Somalie. La couleur, nulle part, n’identifie une ethnie ( une  » nationalité » ethnologique). Le probleme véritable est que cette composante fondamentale de la population de notre pays, fait l’objet de discriminations tellement massives, une partie de l’élite « blanche » arabe étant tellement bornée et réfractaire à l’ égard de ses plaintes et revendications , et l’Etat si aveugle vis à vis des risques que fait courir au pays la non solution de leur probleme- que tout ce beau monde est en train de fabriquer une « césure » ethnique au sein même de cette communauté, un peu comme aux Etats unis, le ségrégationnisme a provoqué la naissance « ethnique » d’une communauté noire dont les membres partagent la même langue que le reste de la population mais dont cette ségrégation exclut de fait de la communuaté nationale américaine. Cette même petite minorité au sein de l’élite arabe « blanche » agissant de la même maniére discriminatoire à l’encontre des membres des communautés négroafricaines au nom de l’arabité exclusive de la Mauritanie, provoque les tendances au rapprochement politique des élites hartani et négroafricaine sur une base raciale de rejet de la domination élitaire blanche du pays, déplaçant peu à peu l’ un des aspects saillants de la lutte pour la démocratie effective en Mauritanie, sur le terrain ethnique et racial. Le sectarisme au sein des différentes élites « communautaires » du pays bat donc son plein, au détriment de la cohésion nationale, des régles de la citoyenneté et de l’Etat de droit, avec comme principaux responsables, ceux qui sont aux commandes l’Etat et gouvernent par la manipulation des opinions, au détriment de la paix et de la grande unité du pays. A quoi s’ajoutent maintenant une véritable race d’hommes d’affaires politiques dont l’unique fonds de commerce juteux est le chantage identitaire fondé sur les divisions intercommunautaires.

Lo Gourmo Abdoul
11-02-2017 ( correction mars 2023)

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