Portrait : Bribes d’un séjour chez Boydiel Ould Houmeid, l’homme de Bden

Portrait : Bribes d’un séjour chez Boydiel Ould Houmeid, l’homme de Bden
Au départ, ce texte que j’ai qualifié, peut-être injustement, de « portrait » – car ne rendant pas le dixième de l’immense dimension d’un homme d’exception comme Boydiel Ould Houmeid – était destiné au quotidien HORIZONS, dans le cadre d’une série de reportages que je devais réaliser, fin 2019, pour le compte de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI). Puis, je me suis ravisé, en me rappelant qu’Horizons n’était pas Le Calame, et qu’y parler d’une personnalité nationale de l’envergure de Boydiel Ould Houmeid pouvait créer des vagues, si les lecteurs « politiques » sortaient le portait de son cadre. Aujourd’hui, de retour (en mission) au Trarza, pour les mêmes raisons qu’en 2019, j’ai retrouvé ces bribes dans un dossier « classé ». J’ai donc décidé de publier ce projet de « portrait » écrit à Bden, il y a quatre ans, pratiquement à la même période.
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Quand le maire de N’Diago Boydiel Ould Houmeid m’entretenait d’un sujet aussi important que celui de l’histoire politique et sociale du pays, il ôtait de mon esprit des idées reçues sur cette terre et ses hommes. La terre des hommes. Ici, comme partout en Mauritanie où les traditions règnent encore en maîtresses absolues, on ne demande pas au visiteur qui il est ou d’où il vient. Il est tout simplement chez lui.
Le soir était le moment privilégié pour égrener anecdotes après anecdotes. Celle qui m’a fait le plus rire se rapporte à cet homme dont j’ai oublié le nom, qu’on accusait de sorcellerie et qui, interpellé par le commandant français de l’époque, répond : « gaalouha » (ils le disent). Depuis, cette réponse équivoque a valeur de proverbe. Y passent également ces histoires de batailles rangées entre groupes de classes d’âge, très fréquentes en milieu rural, au cours de l’une d’elles (en 1933), son père (qui effectuait son premier ramadan, précise-t-il), fut blessé par balle au niveau de la cuisse. Quand il s’arrêtait, c’était un autre signe de sa finesse, de perception des choses qui n’avaient pas besoin d’être dites aux personnes averties. Sans doute sentait-il la fatigue que j’avais éprouvée en parcourant les nombreux hameaux de la commune qu’il « maîtrisait », sans discontinuer depuis les premières élections « démocratiques » de 1988. Il jouait le rôle de guide, sans être avec nous.
A chaque départ pour la découverte des trésors humains, touristiques et économiques de sa commune, il donnait des instructions, ou plutôt des suggestions de lieux et de bons coins à visiter. Conduis-le à Nthialakh, dit-il à l’homme qu’il avait « détaché » pour s’occuper de moi durant mon séjour. Et il s’empresse d’ajouter : « c’est de ce lieu que sont parties les eaux qui ont provoqué les inondations de Nouakchott en 1950. Sur près de 240 kilomètres, en traversant les sebkhas et « cra » (oueds) que vous avez vus en venant de Keur Macène. Face à mon incrédulité (car je pensais que toutes menaces contre la capitale ne pouvaient venir que de son océan, comme on nous le faisait croire depuis une vingtaine d’années), il se lançait dans des explications qui dénotaient de sa profonde connaissance de son terroir. Ah ! Les Anciens, pensais-je. Quel jeune peut aujourd’hui vous parler de son « chez soi » comme le fait cet homme que, pourtant, bon nombre de Mauritaniens considèrent, à tort, comme un politicien des villes, ne retenant de son odyssée politique que ses débuts de syndicaliste, ses combats de militant des droits de l’homme, du temps d’El Hor, ou encore son long cheminement au sein du parti républicain, démocratique et social (PRDS) ? Sans savoir que c’est ici, à N’DIAGO, qu’il s’est forgé la réputation qu’il a aujourd’hui. Celle d’un homme habité par la politique, foncièrement honnête, avec soi et avec les autres, ne mâchant pas ses mots et convaincu que la Mauritanie a besoin de tous ses fils pour Etre. Ne pas Paraître.
Un matin, avant de sortir, il me demanda de venir sur la terrasse, me tendit ses jumelles et m’indique le réglage.
– Regarde, là-bas, au loin, de l’autre côté du fleuve, ce sont des villages maures. Il me cita quelques noms de tribus bien connues. Et moi de demander : – ils ont la nationalité sénégalaise ?
– Bien sûr, répond-il. N’oublie pas que Saint-Louis fut capitale de la Mauritanie de 1920 à 1960 et qu’une partie de cette ville fondée en 1659 par Louis Caullier revenait à la Mauritanie et qu’elle n’a été cédée au Sénégal que par un accord (?) entre Moktar et Senghor.
Aujourd’hui, à la veille d’élections d’importance parce qu’elles vont permettre une sorte de « réparation » entre l’ère d’Aziz et celle de Ghazouani, deux « nehj » (styles) complètement différents, les « dépités » qui n’ont pas la stature de l’honorable député Boydiel Ould Houmeid ou de Fatma ELY MAHMOUD, l’Amazone du Hodh El Gharbi qui couvre de son aura (autorité politique) la moughataa de Kobenni, vont se démener pour conserver des fauteuils gagnés dans des conditions d’exception politique, celles de la décennie 2009-2019.

Sneiba Mohamed

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