La Tunisie appelée à se positionner dans la nouvelle géopolitique, et à rompre avec la neutralité

La Tunisie appelée à se positionner dans la nouvelle géopolitique, et à rompre avec la neutralité.
A l’heure où le conflit russo-ukrainien semble accélérer l’émergence d’un nouvel ordre mondial, sur fond de dépendance énergétique et de fragmentation de l’économie mondiale, de nombreux pays sont en train de revoir leurs positions sur la scène internationale.

C’est dans ce contexte que s’est tenue la 8ème édition du Forum de Tunis organisé par l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), ce jeudi 13 juillet à Tunis avec pour thème « La Tunisie et la nouvelle géopolitique ».
Avec le concours de plusieurs experts, cet événement a été l’occasion de porter une lecture sur le positionnement de la Tunisie sur la carte géopolitique.

Comment les Tunisiens perçoivent les relations internationales?

Cette conférence a débuté avec la présentation d’une étude sur la perception qu’ont les Tunisiens sur les relations internationales de la Tunisie. Celle-ci a été commentée par Zoubeir Chaieb, coordinateur du Forum de Tuinis à l’IACE.

De cette étude, il en ressort tout d’abord le doute important des Tunisiens interrogés sur l’avenir des relations internationales de la Tunisie, puisqu’ils sont 70% à les qualifier d’inquiétantes. A cet égard, ils sont également 50% à penser qu’il est essentiel de coopérer avec d’autres pays quitte à faire des concessions.

Concernant les partenaires stratégiques de la Tunisie, la majorité des répondants ont estimé que le pays pourra disposer d’un réel poids sur la scène internationale en renforçant ses accords avec l’Union Européenne (63,8%) et également avec la Chine (55,4%).

Sur la question de savoir vers quels pays la Tunisie devrait se diriger dans les années à venir, les trois pays les plus cités sont la Chine, les Etats-Unis et l’Algérie.

La Tunisie caisse de résonance de l’instabilité de son voisinage libyen et sahélien

De son côté Rafaa Tabib, universitaire et géopoliticien, a présenté sa vision de la position de la Tunisie face à l’évolution de la carte géopolitique.
Il a dans ce sens fait signifier que la Tunisie se trouve géographiquement parlant autour d’une zone de dégénérescence des États. Il évoque notamment la situation de la Libye, mais également le recul de la barre de feu du Sahel comprenant des pays comme le Mali, le Niger, la Mauritanie, ou encore le Tchad, ou le contexte politique est très difficile et où l’Etat est inexistant, faisant planer de l’exposition d’une menace migratoire vers la Tunisie.

Par ailleurs, l’expert fait état de l’opportunité économique de la Tunisie dans la nouvelle géopolitique, affirmant que le pays deviendra dans les années à venir un véritable promontoire pour le continent Africain. « La Tunisie est au centre de tous les grands projets énergétiques. Il ne faut pas oublier que la Tunisie sera un point de passage vers l’Europe du mégaprojet de gazoduc reliant le Nigeria, à l’Europe à travers l’Algérie. Les eaux Tunisienne sont également un passage pour les câbles sous-marins reliant l’Afrique et l’Europe », relève Tabib.

Rafâa Tabib rappelle aussi, carte à l’appui, que 35% du trafic maritime mondial passe au large des côtes Tunisiennes. « La aussi il s’agit d’un un enjeu géopolitique essentiel pour le pays », lance l’expert, insistant sur le fait que la Tunisie doit tirer profit de cette situation.

Rafâa Tabib considère que l’enjeu géopolitique de la Tunisie se trouve désormais en partie en Afrique. « Le monde change et nous devons suivre ce changement. Nous assistons à une « désoccidentalisation » profonde et aussi à une « défrancisation » des relations internationales », remettant ainsi en question la coopération historique de Tunis avec l’Europe et notamment la France.

La Tunisie s’isole au lieu de se diversifier

Lors de cette conférence, Hamza Meddeb, chercheur pour au Think Tank Carnegie Middle East Center, a mis en évidence une forme de léthargie de la Tunisie dans un monde en plein changement.

Il explique dans ce sens que les relations internationales se brutalisent, menant, dans un premier temps, certains états à se diriger vers une diversification de leurs alliances diplomatiques. « Il y a aujourd’hui une tendance à adhérer au groupe BRICS ( Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), comme c’est le cas de certains pays du Moyen-Orient.

Nous sommes désormais dans un monde multipolaire et dans ce sens la Tunisie doit réfléchir stratégiquement quant à la place qu’elle veut avoir », a affirmé Meddeb.
Dans un second temps, le chercheur évoque l’interdépendance, notamment énergétique et alimentaire, des Etats qui s’est construite au fil des décennies et de la manière de la limiter car « elle devient une arme entre Etat », souligne Hamza Meddeb. « C’est une question à laquelle la Tunisie doit réfléchir en faveur de sa classe moyenne et des ses entreprises et de son tissu industriel », poursuit-il.

Enfin, le chercheur a insisté sur la nécessité de réfléchir à un changement de paradigme dans l’ouverture de ce monde nouveau où l’économie devient une arme de coercition.

En ce qui concerne l’impact de la dette dans la position géopolitique de la Tunisie, Hamza Meddeb indique qu’elle révèle les déficiences structurelles de l’économie.

« Elle est causée par un déficit énergétique croissant qui alimente une dépendance à l’Algérie en matière de gaz, par un déficit alimentaire et également par un manque d’attractivité pour les investissements », nous dit-il.

Aujourd’hui la Tunisie peine à entretenir sa solvabilité, s’isolant depuis maintenant 2 ans, de tous ses partenaires historiques. « Les partenaires sont désormais dans une logique de transaction, en témoigne, il y a un mois, la proposition du package de partenariat global entre l’UE et la Tunisie ».

Meddeb affirme également que la position géopolitique de la Tunisie doit également être experimée clairement vis -à -vis du FMI dont les contours de l’accord restent encore flous. A cet égard, ce dernier souligne que ce statu quo hypothèque l’avenir du pays.

« Il faut revenir sur les fondements historiques de la politique étrangère de la Tunisie sans pour autant remettre totalement en cause la neutralité de la Tunisie. Elle doit faire preuve de multipositionnalité et diversifier ses alliances », conclut le chercheur.

Wissal Ayadi

NEWS.GNET

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