Comme tous les Mauritaniens, nous avons été surpris par la conférence de presse des partis de l’opposition

Comme tous les Mauritaniens, nous avons été surpris par la conférence de presse des partis de l’opposition, pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme des élections truquées. Nous pensions que l’opposition avait cessé d’exister. Or, voilà que les partis d’opposition reviennent à leur vieille tradition de dénoncer systématiquement la fraude électorale.

Mais d’abord de quelle opposition parle-t-on ? Celle qui a passé trois ans à courtiser le régime, qui a raté délibérément toutes les occasions de prendre le parti des populations face aux hausses des prix vertigineuses, au chômage massif des jeunes et à leur exode risqué au prix de leur vie, à l’absence de services de base et à la pauvreté, à la généralisation de la corruption et des marchés de gré à gré, au recyclage intensif des corrompus, aux restrictions des libertés publiques et individuelles, à la famine qui menace plus d’un million d’habitants, aux écarts qui se creusent entre les dirigeants et le peuple…Pendant ces trois dernières années, ils ont existé à peine, ils ont délaissé tout le travail de remobilisation, de structuration politique, de contestation, d’élargissement de la prise de conscience et de proposition.

Trois ans à courtiser le régime et à rater délibérément toutes les opportunités de s’opposer et du jour au lendemain, ils se réunissent entre quatre murs, prétendent qu’ils s’opposent au régime et qu’ils représentent l’opposition. Mais qui croire ? Ces partis politiques ont démissionné de cette responsabilité de s’opposer au pouvoir en place à cause de leur position ambiguë par rapport au régime.

Ensuite, le régime n’a pas besoin de frauder. Frauder contre qui ? Contre une opposition qui n’existe pas, qui n’est pas en contact avec les populations, qui n’est jamais allé à la rencontre des électeurs, qui n’a pas pu se présenter sur le tiers du territoire national et qui n’a même pas été capable d’avoir des représentants dans le tiers des bureaux de vote ? Une opposition complètement paralysée qui n’a pas fait campagne, qui n’a pas investi le champ politique, mais qui a trouvé le moyen de se réveiller le dernier jour, à la dernière heure, vers minuit à peu près, pour déposer quelques dossiers de candidature, de s’agiter timidement pendant la deuxième semaine de campagne et crier à la fraude par la suite, comme à son habitude. Depuis 1992, l’opposition crie à la fraude avant les élections, pendant les élections et après les élections.

En général, l’opposition met systématiquement ses mauvaises performances sur le compte de la fraude, ce qui l’empêche de réfléchir aux vraies raisons de son échec et de son incapacité à construire et à produire un changement. Jusqu’ici, les partis de l’opposition se présentent aux élections, les perdent, crient à la fraude, ne font pas l’effort d’évaluer, de tirer les leçons et les conclusions sur la base desquelles ils pourraient corriger les insuffisances et valoriser les points forts. D’une élection à l’autre, l’opposition n’avance pas. On est dans un éternel recommencement. Une situation qui continue depuis 1992, en essayant de couronner le vide, de récolter ce qu’ils n’ont pas semé et de capitaliser sur ce qu’ils n’ont pas fait sur le terrain.

Ces élections sont un certificat de décès de certains partis d’opposition, longtemps à l’agonie, et un demi certificat de décès pour d’autres qui avaient un réel potentiel et qui ont dégringolé vertigineusement. Des opposants historiques qui avaient prétendu diriger ce pays et incarner l’alternative à un certain moment, n’ont même pas pu avoir un élu au parlement, alors que des représentants de petits partis politiques, sans vraiment de base populaire, ont pu y accéder. En résumé, certains opposants se sont complètement tassés tandis que d’autres ont cessé d’exister.

Aujourd’hui, c’est une urgence de recomposer l’opposition sur de nouvelles bases, car la fonction d’opposition est aujourd’hui à prendre, surtout que le discours radical a montré ses limites et ne passe pas auprès de l’opinion. Tout comme le discours rassurant et cultivant la proximité avec le régime. En attirant les partis d’opposition vers lui, Ghazouani les a tués par le baiser qui tue. Ces deux discours profitent clairement au régime et décrédibilisent l’opposition.

Entre les deux discours, quelle serait l’alternative ? Un discours de rupture. Un projet qui fait rêver les mauritaniens, qui s’inscrirait dans le sens de la rupture, sans être un discours de division. Il y a une nuance : la rupture avec elvessad et la corruption, le clientélisme et l’improvisation en matière de développement. C’est un projet qui doit fédérer, au lieu de diviser. Fédérer les réformateurs, les radicaux qui représentent une fraction de l’électorat qui mérite le respect, les centristes et les conservateurs qui se reconnaissent dans ce discours de rupture, avec de préférence l’assentiment de ce qui reste de l’opposition traditionnelle, aujourd’hui éparpillée et ko debout. Les leaderships historiques doivent continuer à être consultés comme étant des sages. Ils continueront par ce biais de mettre leur expérience au service du pays, mais devraient laisser la place à d’autres, plus en phase avec la réalité du moment et avec les attentes des électeurs.

Aujourd’hui, nous devons commencer par se remettre en question, analyser et tirer les leçons et les enseignements de l’échec de l’opposition depuis 1992, en s’en donnant les moyens dès à présent, en accumulant les forces, en allant à la rencontre des citoyens, en élargissant la prise de conscience, en proposant un projet de réformes pour les Mauritaniens. Il faudrait préparer les prochaines échéances de manière organisée et structurée. Cela passe par travailler l’opinion, mobiliser tous les partisans, fédérer, dans la mesure du possible, les forces du progrès, en espérant que leur addition créera une opportunité d’un changement.

Mohamed Mounir

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