Santé

Choléra en Afrique : Quand climat et conflits nourrissent l’épidémie

Choléra en Afrique : Quand climat et conflits nourrissent l’épidémie

Le choléra connaît une résurgence alarmante en Afrique, en particulier dans le sud et l’est du continent. Le nombre d’infections a atteint des niveaux inédits depuis une décennie, une situation exacerbée par le changement climatique et l’augmentation des conflits.

En 2024, plus de 175 000 cas ont été recensés en Afrique australe et orientale, entraînant plus de 3 000 décès, selon les données des Nations Unies. Les pays les plus touchés incluent la République démocratique du Congo (RDC), l’Éthiopie, la Somalie, la Zambie et le Zimbabwe, où les pénuries d’eau, les infrastructures défaillantes et les crises humanitaires ont favorisé la propagation de la maladie.

Cette année, quatorze pays ont déjà signalé des épidémies de choléra. Tandis que certains, comme l’Angola, font face à une nouvelle flambée, d’autres, à l’image de l’Ouganda et de la Zambie, connaissent une recrudescence des cas.

Une lutte entravée par un manque de moyens

Les infrastructures d’eau potable et d’assainissement sont essentielles pour freiner la transmission du choléra, qui se propage par l’eau contaminée. Pourtant, selon une étude publiée dans BMJ Global Health, de nombreux pays touchés peinent à progresser dans ce domaine.

L’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique (OMS-AFRO) estime que seuls 53 % des efforts nécessaires pour éradiquer le choléra d’ici 2030 ont été mis en œuvre. Le manque de financements et d’investissements dans l’assainissement figurent parmi les principaux obstacles.

« La lutte contre le choléra est rarement une priorité », déplore Philippe Barboza, responsable du programme de lutte contre la maladie à l’OMS. Pour pallier ce déficit, il plaide pour la création d’un Fonds africain de lutte contre le choléra sous l’égide de l’Union africaine et de l’OMS-AFRO.

Un signal d’alarme pour le continent

Selon l’OMS, le choléra est endémique dans 29 des 47 pays de la région africaine. Cependant, l’épidémie actuelle dépasse ces zones traditionnelles, révélant des vulnérabilités dans des pays jusque-là relativement épargnés.

Lenteurs dans la mise en place des mesures de prévention, accès limité à l’eau potable : autant de facteurs qui entretiennent la transmission du choléra, aussi bien dans les pays endémiques que non endémiques. L’Éthiopie affiche un taux de mise en œuvre des mesures de contrôle de 76 %, tandis que des pays comme la Mauritanie et l’Afrique du Sud peinent à atteindre les 20 %.

« Seul un tiers des pays africains ont mis en place des interventions sur la qualité de l’eau, laissant des millions de personnes dépendantes de sources non sécurisées », alerte Jackson Musembi, chef de projet chez Amref Health Africa. Pire encore, seulement 16 % des pays ont pleinement financé leurs plans nationaux de lutte contre le choléra, les autres comptant largement sur l’aide des donateurs.

Le poids du climat et des conflits

Les dérèglements climatiques aggravent la situation. La fréquence croissante des événements météorologiques extrêmes, notamment les inondations, contamine les réserves d’eau et accentue la propagation du choléra. Parallèlement, l’augmentation des conflits et des déplacements de populations favorise l’extension des foyers épidémiques, notamment dans les camps de réfugiés où les conditions d’hygiène sont précaires.

« Le changement climatique ne provoque pas directement le choléra, mais il exacerbe les épidémies en réduisant l’accès à l’eau potable », explique Barboza.

Les experts appellent à une stratégie de lutte à long terme, similaire à celles mises en place contre la polio et le paludisme, combinant vaccination, amélioration des infrastructures et sensibilisation des populations.

Yaw Attah Arhin, spécialiste en eau chez World Vision Ghana, rappelle l’urgence d’une approche communautaire pour briser le cycle de transmission : « En Afrique, seul un quart des familles disposent de toilettes à domicile. Sans un assainissement adéquat, il sera difficile d’éradiquer le choléra. »

Rapide Info Mauritanie avec SciDev

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