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Ici, se soigner, c’est attendre… parfois jusqu’à la mort

Au Sahel, et en Mauritanie, se soigner est un parcours d’obstacles où pauvreté, délais et manque de moyens hospitaliers coûtent des vies.

Ça commence toujours pareil. Se soigner…
Une douleur. Une fièvre. Un truc pas normal.

« Maman, j’ai mal à la tête… et aux jambes. »
« C’est rien, mon fils. Bois cette tisane. Couvre-toi bien. Demain, ça ira mieux. »

On boit. On transpire. On espère.
Si ça passe, tant mieux. Si ça reste… on appelle les voisins.

Le voisin arrive, mains dans le boubou.
« Va voir Sidi, le marabout. Il a guéri mon oncle avec trois versets et un bol d’eau. »
« Tu crois que ça va marcher ? »
« Incha’Allah. »

Le marabout nous reçoit, voix grave, gestes lents.
« Assieds-toi, mon fils. L’eau va parler. La maladie, c’est comme un mauvais vent, il faut la chasser. »
Il souffle, récite, noue un cordon autour du poignet.
« Garde ça. Et évite les mauvaises pensées. »

On repart. On y croit. Un peu.
Mais la douleur… elle reste.

Alors direction le guérisseur.
Lui, c’est un vieux maigre, les mains tachées de plantes.
« Ce que tu as… ce n’est pas pour l’hôpital. C’est le sang qui chauffe. Bois ça trois jours, et tu verras. »
On paye en lait, en œufs. On avale. On attend.
Rien.

Et là, on se dit : il faut aller à l’hôpital.
Mais pas tout de suite. Pas encore.

« On attend l’hivernage, on vendra un mouton, » dit le père.
Ou bien : « Quand les dattes seront mûres, on les vendra au marché. »
Si on est employé : « On attend la fin du mois, le salaire arrive. »

Pendant ce temps ?
La maladie avance. Silencieuse.
Elle gagne du terrain.

On finit par y aller. Des heures de route dans la poussière.
L’hôpital est là. Fatigué comme nous.

Et là, on comprend un truc : ici, les hôpitaux, ils n’ont pas les moyens. Pas du tout.
Pas comme le croit le ministère des Finances.
Parce que tout le budget de l’État… il ne suffit même pas pour équiper correctement les hôpitaux pendant une année.
Tenez, le plus petit hôpital, rien qu’un seul, peut consommer 119,12 milliards MRU — soit le budget national pour le premier semestre 2025 — et il lui manquera encore du matériel pour le reste de l’année.
Alors imaginez pour tout le pays…

Une infirmière soupire.
« Prenez un ticket, attendez votre tour. »
On attend. Deux heures. Trois.
Enfin, le médecin. Fatigué lui aussi.

« Il fallait venir plus tôt… »
On baisse les yeux.

Ordonnance en main, on file à la pharmacie.
« Désolé, il nous manque deux des médicaments. Voyez ailleurs. »
On court. On compte ses pièces. On achète la moitié. La moitié d’une chance.

Si t’as de la famille, elle met la main à la poche.
Si t’as des amis, ils font la collecte.
Si t’as rien… tu rentres. Tu t’allonges. Tu attends.

Parfois… tu ne te relèves pas.

Voilà le Sahel.
Voilà la Mauritanie aussi.
Un endroit où la santé, ce n’est pas un droit. C’est une épreuve.
Où chaque étape est un mur.
Où on parle de réformes dans les bureaux, pendant que dehors, on enterre ceux qui n’ont pas eu le temps… ou l’argent.

Et le plus terrible ?
C’est que tout le monde le sait.
Tout le monde s’habitue.
Sauf ceux qui partent trop tôt.

Rédaction Rapide info

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