Mauritanie : une hausse des retours volontaires dans un contexte de lutte contre l’immigration irrégulière
Retours volontaires
Depuis le début de l’année 2025, la Mauritanie connaît une augmentation notable des retours volontaires de migrants, un phénomène qui s’inscrit dans un contexte de politiques migratoires renforcées et de lutte contre l’immigration irrégulière. Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), 322 migrants ont bénéficié de ce dispositif entre le 1er janvier et le 16 mai, contre 153 durant la même période en 2024, soit une multiplication par deux.
Ce chiffre s’inscrit dans une tendance plus large : en 2024, près de 1 000 migrants ont été rapatriés dans le cadre de ce programme, témoignant d’une dynamique accrue de départs volontaires. La majorité de ces migrants proviennent d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique centrale, de la Corne de l’Afrique, ainsi que d’Asie du Sud, reflétant la diversité des flux migratoires vers la Mauritanie, point de transit clé pour de nombreux exilés.
Une politique migratoire en mutation
Ce regain de retours volontaires s’accompagne d’une intensification des opérations d’expulsions menées par les autorités mauritaniennes. Depuis le début de l’année, la police et les forces de sécurité ont procédé à des arrestations massives, notamment en mars, période considérée comme la plus critique. Les migrants en situation irrégulière sont alors placés en centres de rétention avant d’être expulsés vers leurs pays d’origine ou vers des pays voisins comme le Mali et le Sénégal. Les Asiatiques, quant à eux, sont souvent expulsés par voie aérienne.
Ce contexte sécuritaire et administratif pousse certains migrants à anticiper leur expulsion en sollicitant un retour volontaire. Oumar, un jeune Gambien de 29 ans, témoigne de cette réalité : après avoir déposé une demande auprès de l’OIM, il attend désormais d’être contacté pour entamer le processus de rapatriement. Son récit illustre la précarité et l’incertitude qui pèsent sur de nombreux migrants en Mauritanie, où la crainte d’être arrêté ou expulsé motive souvent leur décision de partir volontairement.
Les enjeux du retour volontaire
Le processus de retour volontaire, encadré par l’OIM, implique plusieurs étapes : entretiens pour évaluer la situation familiale et les vulnérabilités, examens médicaux, puis organisation du rapatriement. La durée de cette procédure peut varier de plusieurs semaines à plusieurs mois, en fonction des documents disponibles et de la situation personnelle des migrants.
Ce dispositif, bien que facilitant le retour dans le cadre d’un processus volontaire, soulève des questions quant à ses implications sociales et économiques. Le rapatriement de migrants, souvent en situation de vulnérabilité, nécessite un accompagnement adapté pour éviter qu’ils ne se retrouvent à nouveau dans une situation précaire à leur retour.
Une stratégie de contrôle renforcée face à la crise migratoire
Parallèlement à cette dynamique de retours volontaires, la Mauritanie intensifie ses efforts pour endiguer l’immigration irrégulière, notamment celle qui vise à rejoindre les îles Canaries espagnoles via l’Atlantique. Entre janvier et avril 2025, plus de 30 000 migrants ont été interceptés sur le sol mauritanien, un chiffre en hausse par rapport à l’année précédente.
Ce tournant s’inscrit dans le cadre d’un accord signé en mars 2024 avec l’Union européenne, visant à renforcer la coopération en matière de contrôle des flux migratoires. Les mesures comprennent le démantèlement des réseaux de passeurs, la construction de centres de rétention, ainsi que la délégation de contrôles aux autorités mauritaniennes, financée par une enveloppe de 210 millions d’euros. Le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine, a souligné que la migration clandestine est désormais perçue comme une activité organisée, nécessitant une réponse coordonnée.
Une baisse des arrivées aux Canaries
Ces efforts portent leurs fruits : entre le 1er janvier et le 15 mai 2025, le nombre d’arrivées aux Canaries a chuté de 34,4 %, avec 10 882 migrants interceptés, contre 16 586 à la même période en 2024. Ce recul témoigne d’un changement dans la dynamique migratoire, probablement lié à la fois aux mesures de contrôle renforcées et à la diminution des départs depuis la territoire mauritanien.
La situation migratoire en Mauritanie en 2025 illustre la complexité d’un phénomène global où sécurité, politique migratoire et vulnérabilités sociales s’entrelacent. Si la hausse des retours volontaires peut apparaître comme une réponse à la pression sécuritaire, elle soulève également des enjeux humanitaires importants. La communauté internationale, à travers l’OIM et d’autres acteurs, doit continuer à accompagner ces processus tout en veillant à respecter les droits des migrants, afin d’éviter que la crise migratoire ne se traduise par une spirale de vulnérabilités et de récidives.
Ahmed OULD BETTAR
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