L’immigration en Mauritanie : une réalité incontournable, une gestion défaillante
L’immigration en Mauritanie : une réalité incontournable, une gestion défaillante
Depuis plus de trois ans, la Mauritanie est devenue une destination clé pour de nombreux migrants subsahariens, mais aussi pour des ressortissants du Pakistan, du Bangladesh et d’autres pays asiatiques. Pourtant, ces migrants ne viennent pas tous pour s’installer durablement : ils sont pour la plupart en transit, cherchant une voie vers les côtes espagnoles.
Ce phénomène, qui s’amplifie année après année, met en lumière les limites de la politique migratoire mauritanienne et les défis liés à la gestion d’une présence étrangère croissante.
Une route migratoire qui passe désormais par la Mauritanie
Historiquement, les migrants d’Afrique de l’Ouest empruntaient la route saharienne via le Mali, rejoignant la Libye ou la Tunisie avant de tenter la traversée vers l’Europe.
Mais avec le renforcement des dispositifs sécuritaires dans ces pays, les dangers mortels du désert, les violences des milices libyennes et la brutalité des forces de sécurité tunisiennes, les passeurs se sont réorientés vers la Mauritanie.
Le pays présente un avantage stratégique majeur : il partage une longue frontière avec le Mali, mais aussi avec le Sénégal, facilitant ainsi le passage des migrants. De plus, le système de libre circulation entre ces pays et la Mauritanie a longtemps permis une mobilité fluide, notamment pour les travailleurs saisonniers. Cette situation a été exploitée par les réseaux de migration clandestine qui organisent désormais des départs depuis la côte mauritanienne vers les îles espagnoles.
Les jeunes Maliens, une présence de plus en plus visible
Parmi les migrants en transit, une forte vague de jeunes Maliens a afflué vers la Mauritanie ces dernières années. Fuyant la pauvreté dans leurs villages, ces jeunes espèrent trouver un passage vers l’Europe. Mais faute de moyens immédiats pour financer leur traversée, beaucoup s’installent temporairement en Mauritanie, occupant des emplois que les Mauritaniens ont souvent délaissés :
• Nettoyage
• Gardiennage
• Pompiers dans les stations-service
Dans certaines régions comme Kaédi, Boghé et d’autres localités du sud du pays, leur présence est particulièrement notable. Certains finissent même par s’installer définitivement, faute d’opportunité pour poursuivre leur voyage.
Une pression sur les infrastructures, mais une gestion à revoir
Il est vrai que la présence massive des migrants en transit exerce une pression sur les services de base et les infrastructures, qui sont souvent insuffisants en Mauritanie. Toutefois, la solution ne peut pas être une répression aveugle ou des mesures improvisées sous la pression de l’opinion publique.
Actuellement, la Mauritanie exige une carte de séjour pour tous les étrangers installés sur son territoire. Fixée à 3 000 MRU par an, cette somme est jugée excessive par certains, mais elle est néanmoins une obligation légale à laquelle les migrants qui s’installent doivent se conformer.
Le véritable problème réside ailleurs : la Mauritanie ne dispose d’aucune politique de gestion efficace de la migration.
Les décisions sont souvent prises sous pression, que ce soit de la part de l’Union européenne, de l’Espagne, ou plus récemment, des blogueurs arabophones qui ont mené des campagnes massives sur les réseaux sociaux contre les étrangers.
Nous avons tous été témoins de ces vagues d’arrestations et d’expulsions brutales de ressortissants sénégalais et maliens en situation irrégulière. Mais un État responsable et respectable ne peut pas gérer une question aussi sensible au gré des émotions populaires. Il faut une stratégie claire, des politiques publiques cohérentes et une gestion humaine et digne de la migration.
Souleymane Djigo