Une fois aux Canaries, à quoi doivent s’attendre les migrants venus d’Afrique ?

Charlotte Oberti Publié le : 30/01/2020 InfoMigrants
De plus en plus de migrants quittent les côtes de l’Afrique de l’Ouest dans l’espoir de rejoindre par la mer les îles espagnoles des Canaries, et donc l’Europe, à leurs risques et périls. Une fois sur place, les demandeurs d’asile doivent prendre leur mal en patience.

Depuis les côtes africaines, les îles espagnoles des Canaries, territoire sous juridiction européenne le plus proche, attire de plus en plus les migrants. Chaque année, des milliers d’entre eux venus du Maghreb mais aussi du Mali, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de Mauritanie ou encore de Gambie, prennent place à bord de modestes embarcations pour rejoindre l’archipel espagnol.

En 2019, ils étaient 2 700 migrants à être arrivés sur ces îles de cette manière – plus du double par rapport à 2018 selon le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). Et force est de constater que, pour 2020, la tendance est encore à l’augmentation. Entre le 1er et le 24 janvier, 368 personnes ayant rejoint les Canaries ont été comptabilisées, contre 40 pour le même mois en 2019, toujours selon le HCR.

« Nous assistons à la réactivation de cette route en raison de l’intensification des patrouilles sur les autres axes empruntés par les migrants sur le continent africain », explique Nieves Alonso, coordinatrice en charge du rétablissement des liens familiaux entre migrants auprès de la Croix Rouge espagnole. Selon elle, des arrivées quasi-quotidiennes sont observées depuis l’été dernier. « Nous voyons surtout de plus en plus de Marocains. »
Une zone périlleuse
Les embarcations utilisées pour rejoindre les Canaries sont plus petites que celles navigant sur la Méditerranée. « Nous comptons en moyenne entre 20 et 30 personnes par bateaux qui arrivent du Maroc », affirme Nieves Alonso. « Il est rare que les migrants arrivent de manière indépendante. Ils sont la plupart du temps interceptés par les garde-côtes espagnols avant d’atteindre les côtes » et amenés sur l’archipel.

C’est contraire à ce que croient beaucoup de migrants qui ne souhaitent pas forcément demander l’asile en Espagne et espèrent atteindre les Canaries en passant sous les radars. « Ils pensent qu’ils ont moins de risque d’être interceptés dans l’océan Atlantique que dans la mer Méditerranée ou aux alentours du détroit de Gibraltar car ce passage entre les côtes africaines et les Canaries est moins sujet aux patrouilles maritimes », explique encore Nieves Alonso. Pour cette dernière, le fait que l’activité soit moindre rend justement cette zone périlleuse. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 158 personnes sont mortes en 2019 alors qu’elles tentaient d’aller aux Canaries depuis le nord-ouest de l’Afrique.

Une fois sur la terre ferme, les migrants sont pris en charge par les autorités espagnoles et la Croix-Rouge, qui est systématiquement prévenue lors des opérations de sauvetage pour procurer des soins d’urgence. La procédure est ensuite la même que sur la partie continentale du pays : les migrants sont emmenés dans des commissariats de police où leurs empreintes sont prises puis ils sont transférés, en cas de présence illégale sur le territoire, vers des centres de détention (Aliens Internment Center) sur l’île de Ténérife ou à Las Palmas, sur l’île de Gran Canaria. Un troisième centre devrait ouvrir ses portes à Fuerteventura, selon le HCR, en raison de l’augmentation des arrivées.
« Davantage de personnes fuient les conflits et les persécutions »
Malgré la hausse observée, les arrivées sur les Canaries restent « gérables », indique Maria Jesus Vega, porte-parole du HCR en Espagne. « Nous ne sommes pas face à une situation d’urgence dans ces îles. » Néanmoins, à l’échelle nationale, Maria Jesus Vega pointe un engorgement administratif. « L’Espagne fait face à des records de demandes d’asile. Rien qu’en 2019, 120 000 personnes ont déposé une demande. Actuellement, 100 000 dossiers sont toujours en cours de traitement », dit-elle.

Sur les îles Canaries, ces procédures traînent en longueur. Alors qu’une demande d’asile devrait être traitée sous maximum six mois selon la loi, il n’est pas rare que des migrants attendent un à deux ans avant d’obtenir une réponse, toujours selon Maria Jesus Vega. Ceux qui sont autorisés à déposer une demande d’asile, après une première phase de sélection, peuvent se déplacer sur le territoire espagnol, y compris sur la partie continentale. Toutefois, le logement en centres d’accueil et les biens de première nécessité auxquels les demandeurs d’asile ont droit ne sont fournis que pour une durée de six mois maximum – renouvelable une fois pour les cas vulnérables.

« La population qui débarque sur les rives des Canaries est plus hétérogène qu’avant. Il y a quelques années, il s’agissait seulement de migrants économiques alors qu’aujourd’hui nous avons également affaire à des personnes qui fuient les conflits et les persécutions », explique Maria Jesus Vega. « Pour eux, il est important que davantage soit fait en termes d’accès à l’information. À leur arrivée, ils doivent être mieux renseignés sur la procédure de demande d’asile et le soutien dont ils peuvent bénéficier. »

Mieux être renseigné sur les renvois aussi, au sujet desquels aucun chiffre n’est disponible. Selon un accord passé en 2003, la Mauritanie s’est engagée à reprendre tous les migrants clandestins qui ont transité par son pays avant d’entrer en Espagne.

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