Tunisie 2025 : des voyants économiques au rouge selon Ridha Chkoundali

Tunisie 2025
Entre une croissance qui marque le pas, un chômage qui grimpe et un déficit commercial qui se creuse dangereusement, la situation économique tunisienne inquiète. C’est le constat dressé par l’économiste Ridha Chkoundali dans un post publié dimanche 16 novembre 2025, où il analyse les dernières statistiques de l’Institut national de la statistique (INS) pour le troisième trimestre 2025 et les dix premiers mois de l’année.
Selon lui, la croissance économique en glissement annuel, c’est-à-dire par rapport au troisième trimestre 2024, a progressé de 2,1 % à 2,4 %. Mais en glissement trimestriel, par rapport au deuxième trimestre 2025, l’économie tunisienne n’a enregistré aucune croissance (0 %), alors qu’elle avait connu un gain de 0,8 % au même trimestre l’an passé. « Cette croissance de 2,4 % est principalement due à l’agriculture (+11,5 %) et au tourisme (+7,1 %) », note M. Chkoundali.
Le secteur des mines a confirmé pour la deuxième fois consécutive sa reprise, avec une croissance de 31,7 % au troisième trimestre, après 39,5 % au deuxième. L’économiste précise que ce secteur pourrait retrouver son niveau d’avant 2011, autour de 8 millions de tonnes par an, et générer des devises importantes pour la Banque centrale.
En revanche, plusieurs secteurs traditionnels ont ralenti : les industries mécaniques et électriques passent de 9,7 % à 4,9 %, les industries chimiques de 11,9 % à 2,4 %, et le bâtiment de 9 % à 3,9 %. Ridha Chkoundali estime que ce ralentissement pourrait empêcher l’atteinte de l’objectif de croissance inscrit dans la Loi de finances 2025 (3,2 %) et même de la prévision ajustée de la Banque mondiale (2,6 %).
Après neuf mois de 2025, la croissance cumulée est de 2,4 %, ce qui signifie qu’il faudrait atteindre au quatrième trimestre 3,2 % pour réaliser la cible de 2,6 %, un scénario jugé quasi impossible. « La cible de 3,2 % pour l’année est donc hors de portée, ce qui pourrait réduire les ressources fiscales et compromettre l’autonomie budgétaire », souligne l’économiste.
Le secteur financier est en difficulté, avec des taux de croissance négatifs : –8,6 % au premier trimestre, –6,8 % au deuxième et –11 % au troisième, reflétant un recul de l’activité bancaire dans le financement du secteur privé. Le secteur textile, habillement et cuir reste également en crise : –2,4 % sur l’ensemble de 2023, –5,5 % en 2024 et –3,8 % au troisième trimestre 2025.
Concernant l’emploi, le taux d’activité a légèrement reculé de 46,2 % à 46,1 % (environ 600 personnes). Le nombre de personnes occupées diminue de 3 200, avec une baisse de 38.000 emplois féminins et une hausse de 35 000 emplois masculins. Le taux de chômage augmente de 15,3 % à 15,4 %, soit 2 600 nouveaux chômeurs, portant le total à 653.700, contre 651.100 au trimestre précédent.
Cette hausse du chômage touche surtout les femmes (20,9 % → 22,4 %) et les jeunes (36,8 % → 40,1 %). Les jeunes femmes enregistrent une progression de 37,8 % à 42,7 %, et les jeunes hommes de 36,4 % à 38,9 %. Parmi les jeunes diplômés, le chômage passe de 24,0 % à 24,9 %, avec les jeunes femmes diplômées à 31,3 % → 32,3 % et les jeunes hommes à 14,2 % → 14,5 %.
Enfin, le déficit commercial pour les dix premiers mois de 2025 s’aggrave de 2,7 milliards, atteignant 18,4 milliards contre 15,7 milliards sur la même période en 2024. Le taux de couverture recule de 2,8 points, mettant en péril les réserves de devises. Les exportations stagnent (+1,1 %), malgré une hausse pour le phosphate (+9,4 %) et les industries mécaniques et électriques (+7,7 %), alors que les exportations agroalimentaires chutent de –13,8 %, notamment l’huile d’olive (–26,7 %) et le textile (–0,9 %). Les importations progressent de 4,9 %, en particulier pour les biens d’équipement (+14,5 %) et les matières premières et semi-finies (+6,7 %).
La révision des importations subventionnées montre une baisse : céréales –21,1 %, sucre –40,8 %, café –19,9 %, médicaments –3,4 %, engrais –32,3 %, conforme aux recommandations du FMI. Le déficit énergétique représente 9,2 milliards, soit la moitié du déficit total.
Ridha Chkoundali souligne enfin le paradoxe des échanges : les excédents avec certains pays européens et la Libye (France +4,6 milliards, Allemagne +2,3 milliards, Libye +1,8 milliard, Italie +800 millions, Maroc +400 millions) atténuent partiellement le déficit qui serait autrement supérieur à 26 milliards. Les déficits avec les pays des BRICS restent importants : Chine –9,2 milliards, Russie –3,8 milliards, Inde –1 milliard, Arabie saoudite –600 millions, Égypte –800 millions.



