Tunis croise le fer avec le Maroc ( analyse)

Tunis croise le fer avec le Maroc
Publié par Point.fr – Benoît Delmas
ANALYSE. En recevant officiellement le leader du Front Polisario, le président tunisien provoque une tempête diplomatique avec Rabat qui rappelle son ambassadeur.
Brahim Ghali, chef du Polisario – qui réclame l’indépendance du territoire dispute du Sahara occidental controle majoritairement par le Maroc – a été reçu vendredi par le président tunisien Kais Saied avant le Ticad (Tokyo International Conférence on African Development) organise samedi et dimanche a Tunis.

Un homme âgé descend doucement d’un jet privé à l’aéroport de Tunis-Carthage, section VIP. Au pied de l’appareil, un tapis rouge et le président qui attend le visiteur. Kaïs Saïed le prend dans ses bras. Une accolade qui a embrasé le Maghreb pour une durée indéterminée. L’homme qui débarque ainsi en Tunisie avec un protocole réservé à un chef d’État se nomme Brahim Ghali. Il est le chef inamovible du Front Polisario, parti qui revendique l’indépendance du Sahara occidental depuis plusieurs décennies.

Alger le soutient, Rabat le considère comme un terroriste. Les deux pays n’ont plus de relations diplomatiques à cause de ce conflit. En 2021, l’Espagne avait payé le prix fort pour avoir hébergé en catimini le vieux leader Ghali dans une clinique privée madrilène. Le royaume avait rappelé son ambassadrice à Madrid durant de longues semaines et permis l’intrusion de sept mille migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta en quelques heures. Une sommation. Une manifestation éclatante de mauvaise humeur à laquelle Pedro Sanchez répondait illico. Le Premier ministre ibérique prenait l’avion, faisait amende honorable, virait sa ministre des Affaires étrangères, dont Rabat ne voulait plus entendre ne serait-ce que la voix. Un an plus tard, Sanchez reconnaissait la marocanité du Sahara occidental sans solliciter un vote du Parlement. Un genou à terre.

Rabat et « l’hostilité » croissante de Tunis

Ce 26 août, l’affront est venu d’une capitale proche, dont la diplomatie sous le parapluie protecteur de la « neutralité positive ». Depuis le président Bourguiba, le premier à avoir anticipé les dégâts que causeraient à la région un conflit entre l’Algérie et le Maroc, Tunis pratiquait l’abstinence, offrant ses bons offices pour la forme. Avec un étonnant usage du calendrier, Kaïs Saïed vient de briser une doctrine que tous ses prédécesseurs respectaient, du dictateur Ben Ali aux présidents démocratiquement élus. La nouvelle a sonné comme une déflagration dans un Maghreb déjà désuni. Alors que tous les regards étaient tournés vers Alger, QG de la visite officielle d’Emmanuel Macron, l’actualité s’est subitement détournée vers Tunis lorsqu’on a appris que le Maroc rappelait son ambassadeur pour consultation et suspendait sa venue au Ticad, le forum de coopération organisé par le Japon. Les médias marocains n’ont pas lésiné : « La Tunisie de Kaïs Saïed s’est totalement jetée dans les bras de l’Algérie », publiait Médias24 quand le communiqué de la diplomatie chérifienne y voyait confirmation d’une « hostilité » grandissante du président Saïed qui a « multiplié récemment les positions et actes négatifs à l’égard du royaume du Maroc et de ses intérêts supérieurs ». Carthage arguera que Brahim Ghali a été reçu dans le cadre du Ticad, forum de coopération entre le Japon et l’Afrique, mais l’argument ne convaincra personne.
Source: Point.fr

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