Souffrance et repli sur la communauté soninké

Souffrance et repli sur la communauté soninké

L’émigration Soninké est un choix dû a une conjoncture particulière. L’agrégation de ces processus constitue une réalité collective qui grâce a un mensonge collectif se perpétue et se développe. Abdelmalek Sayad aborde les multiples contradictions dans les conditions de vie des immigrés. Sayad montre « la double absence » des immigrés : absent de son pays, absent dans sa famille, son village, mais absent aussi dans la société d’accueil qui le rejette et le considère comme une force de travail .

Au foyer, les migrants Soninkés sont confrontés à divers difficultés (papiers, faire un cv, recherche d’emploi, etc.) et vivent dans des conditions très difficiles en France.

Encouragés par leur groupe, les membres de leur communauté… L’immigré  peut rester pendant 5 ans, 10 ans ou même plus dans une situation administrative irrégulière, souvent sans travail aussi ou travailler illégalement.

La question de retour n’est jamais soulevée. Un immigré m’a raconté qu’il était resté pendant 14 ans dans une situation administrative irrégulière. Il dit avoir deux femmes et une fille qui l’attendaient au pays, 14 années d’absence. Il dit n’avoir  jamais pensé au retour sauf un cas de régularisation. Régularisé après 14 ans. Je posais aussi la question à un notre migrant : ça fait combien de temps êtes-vous en France ? Il me répond ça ne fait pas longtemps. Combien temps. Il me répondait 5 ans. Je demandais sa situation administrative. Il m’expliquait être dans une situation irrégulière. Cinq années d’absence ici et là bas n’est long. Je disais cinq ans. Il m’expliquait que ce n’est rien. Même sans rien, l’immigré soninké trouve toujours la France meilleure du seul fait qu’on dit qu’il est en France. Dans le langage soninké le fait de dire francinké (de France) ou les francinkos, ces appellations donnent un sentiment  de joie, d’honneur et de fierté à l’immigré.

Les immigrés soninkés quelque soit leurs conditions de vie en France pensent qu’il n’y a pas d’autres alternative. L’immigration Soninké croit en la France comme un eldorado. L’immigré sans papiers, sans travail et sans logement pense que cette vie est meilleure à celle de son pays.

Pour Sayad, immigration ici et émigration là sont les deux faces  indissociables d’une même réalité, elles ne peuvent s’expliquer l’une sans l’autre . L’émigration en France avait pour fonction première de donner aux communautés paysannes, incapables de se suffire à elles-mêmes par leurs activités agricoles, les moyens de se perpétuer en tant que telles.

L’immigré Soninké souffre de sa situation sans s’en rendre compte. Il n’est pas présent dans la société d’accueil et absent de son village d’origine. Il continue de se replier sur lui-même – en cumulant, arrivée du pays : petit boulots, débrouilles et galères. Après un ou deux mois d’aide de la communauté les nouveaux arrivants doivent eux mêmes contribuer à la bonne marche du foyer, souvent il partage une chambre avec un migrant plus ancien parfois issus de sa famille. Plusieurs solutions s’offrent à lui : petits boulots, débrouilles, et galères, petit commerçant, etc.

Le foyer est un quelque sorte un village pour les soninkés. L’immigré Soninké considère le foyer comme un village, le lieu le plus sûr. A la différence du village au pays, le village-foyer, il y a des absents (les enfants, les femmes, les vieux, etc.). L’immigration soninké est une immigration majoritairement patriarcale. Les femmes ne sont pas sollicitées pour l’immigration. Les immigrés pensent qu’il est préférable que les enfants naissent et grandissent au pays. Cela permettrait la continuité de leur mode de vie, qu’ils pensent le meilleur.

Les nouveaux arrivants en France doivent habiter au foyer quelque soit les opportunités qui s’offrent à eux. Le foyer a une fonction essentielle pour les Soninkés. Il permet pour les migrants de garder les attaches avec la famille au pays et leur sociabilité. Plusieurs activités se passent au foyer (cérémonie mariage, recherche d’emploi, démarche pour les papiers, baptême, organisation des soirées, etc.).

Quant au village, on ne parle que l’immigré,  le malheureux comme le plus heureux et qui apporte la joie et rend tout le monde heureux dans les mosquée, les places publiques, etc. Ce discours est pourtant une socialisation des plus jeunes à l’immigration. L’immigré est bon, meilleur, beau, chouchou, ces caprices sont la joie de la famille,  sa colère est réceptionné comme un cadeau, il est fâché tout le monde a peur. On ne peut et doit le contredire, il a l’argent et nourrit la famille.

Toute forme de réussite au village ou pays est exclue en milieu soninké. La pression sociale pousse tout le monde à partir. Le non immigré, il est l’inutile, le fatiguant, rien de ce qu’il peut dire n’est audible, le non travailleur, le fainéant. Pour qu’on parle de toi il faut partir loin du pays,  du continent.

Avoir un diplôme, devenir ministre, être docteur ; je ne sais quoi d’autre n’a aucun intérêt chez les soninkés il faut immigrer point barre. Le diplômé arrive dans son village content mais personne ne le calcule, ne parle de lui, à peine félicité. Il va se sentir inutile, classe ces diplômes et se lance à l’aventure. Quelques exceptions restent et réussissent mais cette réussite n’est pas vu ni considérée dans la conscience collective des villageois.

L’immigré échoué est plus considéré que le resté réussi du fait de son titre immigré. La conscience collective adopte l’immigration comme la réussite et aussi c’est l’assurance pour avoir une place particulière imaginaire. L’immigré qui souvent ses économies ne lui suffisent pas pendant ses vacances au pays. Il s’endette. Les éloges des villageois vis-à-vis de l’immigré même endetté ; l’immigré continue de croire dans son imaginaire qu’il est riche. Ce mensonge de l’immigré riche intégré dans la conscience collective est devenue réalité. Même si les économies de l’immigré épuisées, il va continuer à s’endetter durant son séjour et il a un salaire pour tout le groupe insuffisant donc pauvre mais faire savoir cette vérité et souffrance, qu’il s’inflige, il se replie sur soi-même ; s’endette pour augmenter sa souffrance. La vie de l’immigré est une vie toujours au point de départ.

Boulaye Diakite

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