Sarah Boïde, directrice MSS Mauritanie : Un visage du leadership féminin

Sarah Boïde. Intégrité. Leadership féminin mauritanien, et africain. Eventuel changement de paradigme dans le management. Autant de vecteurs dans l’approche de la Mauritanian Security Services (MSS), au niveau de la promotion d’une nouvelle génération de leaders féminins, que ce soit au niveau local ou continental. Sarah Boïde, Directrice Générale de MSS Mauritanie, en est une des notables figures de proue.

Calme et rigueur –« Les décisions importantes devraient être prises dans le calme… Il est indispensable de prévoir ce qu’il y a lieu de faire en cas de crise. Lorsqu’elle survient, il faut se souvenir de la solution afin de la résoudre en conséquence. Sans une préparation quotidienne, quand survient une crise délicate, on sera incapable de prendre une décision rapide, ce qui risque d’avoir des conséquences désastreuses. » expliquait dans son guide spirituel et pratique, Hagakure, le samouraï japonais Jōchō Yamamoto.

Un aphorisme qui revient à l’esprit, quand on entame la discussion avec Sarah Boïde, Directrice Générale de MSS, et que tout le long, revient cette notion « d’écoute », de « collaboration », et du « sens du détail » ; le tout renforcé par l’émanation sereine d’un visage, calme, souriant, enveloppé d’une melahfa rosée.

« Travailler en flux-tendus m’a appris à relativiser beaucoup de choses, et maîtriser le stress lié au travail. Apprendre la patience me permet aujourd’hui d’éviter de gérer dans l’urgence ; ce n’est jamais bon » dit la Directrice Générale, en hochant la tête, quand je lui évoque cette citation. « J’ai gardé de mon expérience française une méthodologie, un sens du détail, et une rigueur dans l’organisation qui me servent beaucoup aujourd’hui. Dans le milieu professionnel occidental, et français en particulier, l’adaptabilité est fondamentale. On doit apprendre à prendre sur soi, à être extrêmement calme ; par rapport à chaque client, le regard et les attentes de ce dernier diffèrent. Il faut donc prendre le temps de cerner qui on a en face de soi, et ce qu’il veut comme services, spécifiquement » développe la jeune femme.

Une expérience française commencée après un Bac S obtenu en 2008 au Lycée français Théodore Monod à Nouakchott, avec une mention « très bien ». Sarah Boïde continue son cursus universitaire avec un Master en Finance à Lyon, se spécialisant dans la foulée en ingénierie des marchés financiers à l’ISEG de Paris.

« Entre ces deux Masters, j’obtiens la certification de l’autorité des marchés financiers (AMF), qui me permet de commencer comme consultante fonctionnelle en comptabilité au Groupe Equity à la Défense, en région parisienne. J’y découvre cette nécessité de s’adapter à chaque client, en recueillant et étudiant leurs besoins, entre autres tâches » raconte la financière.

Un management aussi basé sur ses valeurs mauritaniennes – « Elle a toutes les qualités d’un leader. Elle accorde beaucoup d’attention aux détails, ce qui est tout dans notre secteur d’activités, car nous ne pouvons rien laisser au hasard. Elle est bien organisée, elle sait écouter et, surtout, elle aborde tout avec bon sens, ce qui fait défaut à beaucoup de dirigeants de nos jours. Mais ce qui la distingue particulièrement, c’est son attitude très collaborative, sans être laxiste. » affirme Yacoub Sidiya, PDG de MSS.

« Je n’ai pas un management laxiste, mais je dirais plutôt compréhensif, collaboratif surtout ; dans le management du « tais-toi et fais ! » où le leader veut s’imposer par la force hiérarchique, on est très limité, car on ne fait pas adhérer ainsi les gens à nos projets. Dans ce cas de figure, on ne leur donne aucune marge pour de la proactivité, et de la prise d’initiatives. Et je demeure intimement convaincue que si on échoue à faire adhérer le personnel à notre projet, on ne va nulle part ; c’est comme pour l’entraîneur d’une équipe de football : le plan de jeu, la stratégie doivent être définis, mais si elle n’est pas fédératrice, et si les joueurs n’y croient pas, l’équipe n’a aucune chance de rendre cette stratégie gagnante. » argue-t-elle.

Un management, qui tend à mettre en avant certaines valeurs mauritaniennes, fondamentales à ses yeux, comme par exemple le respect de l’aînesse. « Mon bureau n’est jamais fermé à personne, car je ne conçois pas de faire attendre quelqu’un de plus âgé que moi, particulièrement quelqu’un qui pourrait être mon père ou ma mère. Du coup, je ne flique pas le personnel, tant que le travail est fait. Sur cet aspect cependant, je reste intransigeante » précise Sarah.

Un management affiné, personnalisé même pourrait-on dire, mixé entre une rigueur organisationnelle prise de son expérience française, et un multiculturalisme affirmé qui la teinte d’humanité. « Au vu du défi posé par le multiculturalisme dans ce pays, je suis contente quand je viens au bureau chaque matin, et que je vois absolument toutes les communautés du pays représentées, des agents aux cadres ! » s’enthousiasme la jeune DG. Un mixage qui se retrouve également en termes intergénérationnels et de genre. « A la base, je suis quelqu’un qui préfère les gens à l’activité ; peu importe le secteur d’activité, du moment que je travaille avec des gens intéressants. »

Une proximité de l’humain et sa condition, qui façonne donc sa façon de gérer MSS Mauritanie. « Même dans les moments où des décisions difficiles doivent être prises, comme la signature d’une lettre de licenciement, je demande à prendre du temps pour vérifier et revérifier tous les faits, quand c’est notamment lié à une faute professionnelle. Il faut certes être juste et professionnel, mais également demeurer humain en toutes circonstances » insiste-t-elle.

Retour en Mauritanie – Rentrée il y a un peu plus de 2 ans, elle est à son retour nommée directrice financière de la MSS, jusqu’à l’an passé quand elle est promue à son actuel poste de DG.« Je suis revenue un peu par facilité en Mauritanie, je dois l’admettre (sourires), mais je redécouvre mon pays à travers la perspective professionnelle de MSS. Cela, et la volonté nettement affichée de Yacouba Sidiya de s’entourer d’éléments qui l’appuieront dans la perspective de faire passer à MSS un cap. C’est un vrai défi professionnel ! » expose avec un sourire Sarah Boïde.

Pleine de projets et de formation pour son personnel, autour duquel elle avait construit sa roadmap pour 2020, Celle-ci a dû être mise en suspens depuis mars, avec l’apparition de défis liés à la pandémie de la COVID-19. « Les projets de formations ont été reportés par exemple, vu que nous sommes dans un contexte où on ne peut réunir les gens en groupes » dit-elle.

« Je pense que n’importe quel Mauritanien ou Africain travaillant à l’étranger aimerait revenir au sein de sa patrie et travailler. Cependant, il est très difficile de trouver des emplois convenablement payés, dans un cadre épanouissant, pour ces individus ; leur permettre ainsi de faire ce qu’ils font le mieux. La plupart d’entre eux sont extrêmement intelligents et travailleurs acharnés, parce que pour obtenir un emploi dans des environnements professionnels très concurrentiels, comme ceux d’Europe ou d’Amérique du Nord, en étant Africain, vous devez être plus que méritant dans le cadre professionnel. De ce fait, voir Sarah quitter la perspective d’un emploi stable, pour venir en Mauritanie en 2017, lorsque tout le pays n’avait pas vraiment d’arguments attractifs, et que le gouvernement précédent ciblait les entreprises privées pour des raisons personnelles, il était extrêmement difficile de convaincre une personne compétente de quitter un emploi stable. » explique longuement, et avec une tranquille force de conviction, Yacoub Sidiya.

Un retour dans un secteur d’activités liées à la sécurité « a priori » pour lequel elle ne se voyait pas du tout. « A mon sens, en dehors de quelques secteurs ultra spécialisés et techniques, comme la médecine, on fait des études pour acquérir une méthodologie. La technicité et les compétences professionnelles sont acquises par l’expérience. Ce n’est pas parce qu’on a fait des études de langues, qu’on doit se prédestiner à être traducteur ou prof de langue » souligne la DG.

D’autant plus à ses yeux lorsqu’on est une femme en particulier : « Nous sommes a priori cantonnées à des secteurs d’activités soi-disant configurés pour notre condition. C’est à nous individuellement d’émerger et sortir des sentiers qui ont été battus pour nous ! » insiste la jeune femme.

Valoriser les chaînes de valeur locales ! – Une ambition personnelle pour l’entreprise qui se fonde dans l’identité 100% mauritanienne de cette structure de sécurité. « C’est mon autre source essentielle de motivation, et surtout de fierté : je travaille dans une entreprise entièrement mauritanienne, compétitive, travaillant avec des multinationales, et en concurrence avec des leaders mondiaux, comme G4S ou ARGUS. Ce n’est pas rien » assure Sarah Boïde.

« Ma principale source de motivation et de fierté dans ce travail, et par rapport à MSS, c’est de faire travailler autant de monde ! C’est inspirant. D’autant plus qu’une part importante de notre personnel est issue de catégories socio-professionnelles n’ayant pas beaucoup d’opportunités d’emplois. Voir MSS grandir, c’est surtout pour moi, avoir la joyeuse opportunité d’embaucher davantage de personnes ! C’est vraiment une de mes motivations ici. Quand nous avons des ouvertures de sites, la première question qui jaillit : combien d’emplois pourvus ? Et je pense que dans le cadre du développement de structures privées mauritaniennes qui pourraient avoir un rayonnement d’abord national avant de penser à la sous-région et à l’international, il y a une question fondamentale que les entrepreneurs(euses) locaux(ales) doivent se poser : Quelles sont les sociétés étrangères travaillant ici ; comment je fais pour les remplacer, proposer autre chose d’aussi compétitif et performant, tout en gardant notre identité ? » interroge-t-elle en conclusion.

Source: mozaikrim

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