Sahara occidental : « On est dans une situation de blocage, compte tenu de la dégradation des relations entre le Maroc et l’Algérie »

Sahara occidental : « On est dans une situation de blocage, compte tenu de la dégradation des relations entre le Maroc et l’Algérie ».
18 janv. 2023 à 17:38 – mise à jour 18 janv. 2023 à 17:42
rtbf par Wahoub Fayoumi, avec AFP
Les indépendantistes du Polisario au Sahara occidental se sont réunis depuis vendredi dernier en un congrès pour renouveler leur direction, dans un contexte de vives tensions entre leur allié algérien et le Maroc qui contrôle 80% du territoire.
Le congrès, qui doit voir le mouvement élire le chef et les membres de son secrétariat national, doit durer cinq jours, en présence de 2200 délégués et 370 invités étrangers à 175 km au sud de la ville algérienne de Tindouf, dans le camp de réfugiés de Dakhla, qui porte le nom d’une ville côtière du Sahara occidental, un territoire riche en phosphates et aux eaux poissonneuses au cœur d’un conflit vieux de 50 ans.

L’actuel chef du Polisario, Brahim Ghali, 73 ans, qui semble jouir de l’indispensable soutien d’Alger, paraît assuré d’être réélu. « Il s’agit du premier congrès depuis la reprise de la lutte armée » fin 2020, a souligné Mohamed Yeslem Beissat, ambassadeur sahraoui en Afrique du Sud.

Le conflit du Sahara occidental oppose le Maroc au front Polisario soutenu par l’Algérie, depuis le désengagement en 1975 de l’Espagne, l’ancienne puissance coloniale.

Le Polisario réclame un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU tandis que Rabat promeut une autonomie sous sa souveraineté.
Un cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 avait volé en éclats à la mi-novembre 2020 après le déploiement de troupes marocaines à l’extrême sud du territoire pour déloger des indépendantistes qui bloquaient l’unique route vers la Mauritanie, selon eux illégale car inexistante au moment de l’accord avec Rabat.
Depuis, le Polisario se dit « en état de guerre de légitime défense » et a déclaré « zone de guerre l’ensemble du territoire de la République sahraouie, y compris ses espaces terrestres, maritimes et aériens ».

Pour Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Paris et Auteur de « Géopolitique du Maroc », la situation est celle d’un statu quo : « Le Maroc contrôle et administre presque 80% du territoire, alors que le Polisario, lui en contrôle 20%, le long de la ceinture de sécurité, ce qu’on appelle « le mur de sécurité » qui a été instauré par le Maroc. Et depuis 1991, la mission des Nations Unies qui doit organiser un référendum au Sahara n’y arrive pas, et ne verra probablement jamais le jour. On est dans une situation de blocage, compte tenu de la dégradation des relations entre le Maroc et l’Algérie sur cette question précise du Sahara. »

Fortes tensions entre le Maroc et l’Algérie

Le congrès se tient alors que le Sahara occidental est en effet au cœur de tensions exacerbées entre les deux puissances du Maghreb. L’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021, en raison de profonds désaccords sur ce dossier et du rapprochement sécuritaire entre Rabat et Israël.

Les choses sont en train d’évoluer dans un sens plutôt positif pour le Maroc, et le Polisario et l’Algérie sont un peu en perte de vitesse.

Enhardi par la reconnaissance par l’administration américaine de Donald Trump fin 2020 de sa souveraineté sur ce territoire en contrepartie d’un rapprochement avec Israël, le Maroc déploie depuis une diplomatie de plus en plus offensive pour rallier d’autres pays à ses positions. Alors que l’Algérie semble plutôt perdre des soutiens, nous explique Kader Abderrahim : « Globalement c’est vrai que cela s’effrite, mais il reste des alliés importants tout de même, comme l’Afrique du Sud ou le Nigeria, qui sont des géants sur le continent africain et qui comptent. Mai du point de vue du Maroc, la réintégration de Rabat au sein des instances de l’Union africaine a permis aux diplomates marocains de gagner à leur cause des pays africains qui étaient plutôt favorables aux revendications du Polisario. Les choses sont en train d’évoluer dans un sens plutôt positif pour le Maroc, et le Polisario et l’Algérie sont un peu en perte de vitesse. C’est aussi dû, je crois, à la situation de l’Algérie, qui se trouve dans une impasse politique, qui est isolée sur le plan diplomatique. »

Sahara occidental : "On est dans une situation de blocage, compte tenu de la dégradation des relations entre le Maroc et l’Algérie"
Entrainement de l’armée féminine sahraouie, à Tindouf en Algérie, en 2019 © Tous droits réservés

La « Lutte pour le retrait de l’occupant » toujours d’actualité

Le 16e congrès du mouvement Polisario s’était donné pour slogan : l' »escalade de la lutte pour le retrait de l’occupant (marocain) et imposer la souveraineté totale ».

« Il est extrêmement déterminé, commente Kader Abderrahim, ce qui signifie qu’il n’y a pas de discussion, qu’il n’y a pas de compromis possible, alors que, sur la table de depuis 2007, il y a une nouvelle proposition marocaine qui concerne ce territoire : le Maroc propose une formule à très large autonomie, c’est-à-dire qu’en dehors des timbres et du drapeau tout est négociable. Mais aujourd’hui on est dans une situation de blocage, on est aussi dans un contexte historique qui a considérablement changé depuis les années 80 et 90. On n’est plus dans la guerre froide, et chacun des deux pays tente de pousser son avantage aussi loin qu’il le peut ».

« Le dernier mot reviendra au peuple sahraoui lors de ce congrès. Le poste de secrétaire général n’est le monopole de personne », a d’ailleurs affirmé Oumeima Abdeslam, représentante du Polisario à Genève, démentant des informations de presse sur une bataille autour de la succession de Brahim Ghali.
Pour le professeur algérien et spécialiste de droit international Tahar Eddine Ammari, le mouvement doit en revanche « s’adapter au nouveau contexte international », citant notamment le revirement de l’Espagne, l’ex-puissance coloniale, désormais alignée sur la position du Maroc.

Fin octobre, le conseil de sécurité de l’ONU a appelé à une reprise des négociations, dans l’impasse, pour permettre une « solution durable et mutuellement acceptable » dans la perspective d’une « autodétermination du peuple du Sahara occidental ».

Un nouvel émissaire de l’ONU, l’Italo-Suédois Staffan de Mistura, s’est rendu plusieurs fois dans la région ces derniers mois sans obtenir d’avancées.
Source: RTBF

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