Nouakchott, entre rêves de rénovation et réalité d’abandon
Alors que le gouvernement mauritanien relance les discussions sur la rénovation du centre de Nouakchott, la réalité du terrain trahit un retard inquiétant. Un regard critique sur les chiffres, les promesses et les dérives.
Nouakchott, entre rêves de rénovation et réalité d’abandon
Malgré les promesses renouvelées de transformation urbaine et de développement durable, la capitale mauritanienne peine à sortir du marasme. La réunion présidée mardi soir par le Premier ministre El Mokhtar Ould Diay laisse entrevoir un second souffle, mais le bilan actuel du programme d’urgence trahit des carences criantes. Enquête critique sur un centre-ville qui attend toujours sa renaissance.
C’était une réunion empreinte de gravité et d’ambition. Mardi soir, dans l’enceinte solennelle du Premier ministère, Son Excellence le Premier ministre El Mokhtar Ould Diay a présidé un comité ministériel consacré à la rénovation du centre de Nouakchott. Il ne s’agissait pas d’une simple réunion de routine, mais d’un moment stratégique : le cœur historique de la capitale, qualifié d’« épine dorsale » du deuxième programme de développement urbain, devrait bientôt se métamorphoser – du moins sur le papier.
Car au-delà des discours et des intentions, la réalité est autrement plus complexe.
Une capitale à la dérive
La volonté présidentielle, exprimée avec force par Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au début de son second mandat, est claire : redonner à Nouakchott son éclat, structurer son développement, et moderniser ses infrastructures. Pourtant, à quelques mois de la rentrée scolaire 2025 et à la veille de nombreuses échéances sociales, le constat est alarmant.
Pas d’eau courante dans de nombreux quartiers. Des coupures d’électricité récurrentes, y compris en plein été. Des centres de santé en ruine ou inaccessibles. Et un système éducatif où les performances sont aussi hétérogènes que les écoles elles-mêmes. La ville s’étale, s’étouffe et se fragmente.
La promesse d’un développement intégré, piloté, structuré, se heurte à une gestion publique désordonnée, dépourvue de stratégie claire, d’indicateurs de performance fiables ou d’un échéancier crédible. Aucune vision d’ensemble, ni transparence sur les budgets engagés ou les sources de financement. Quant à la participation citoyenne, elle reste un vœu pieux.
Des chiffres… et des failles
À ce jour, le gouvernement affiche quelques avancées sur le papier. Pour le secteur de l’éducation, le taux d’exécution oscille entre 40 % et 100 %, selon les chantiers. Onze écoles et dix-neuf lycées sont en construction, tandis que 190 écoles et 21 lycées font l’objet de travaux de réhabilitation ou d’extension. Des promesses sont faites : tous ces établissements seront livrés avant la rentrée scolaire. Mais dans quelles conditions ? Et à quel coût réel ?
Le secteur de la santé, lui, présente un tableau encore plus préoccupant. Vingt-huit structures sanitaires sont en chantier, mais les taux d’exécution peinent à dépasser les 17 à 44 %. On évoque aussi la construction de quatorze nouveaux centres de santé, la réhabilitation de sept autres et la transformation de sept postes de santé. Là encore, l’achèvement des travaux est promis avant l’échéance – mais aucune garantie solide n’est apportée.
Sur le front de l’approvisionnement en eau, les résultats varient entre 50 % et 100 %. L’électricité, quant à elle, enregistre des taux d’avancement compris entre 20 % et 70 %, dans un contexte où des milliers de foyers ploient sous l’obscurité.
Des réunions, mais pour quel cap ?
Face à ces lacunes, le Premier ministre a ordonné que les réunions du comité ministériel soient désormais régulières, afin de suivre de près l’avancement des travaux. Il a également appelé les départements concernés à dresser un état des lieux des besoins, à actualiser les textes juridiques et à travailler en coordination pour respecter les délais.
Mais sans indicateurs publics, sans communication claire sur les budgets, sans mécanismes d’évaluation ou de contrôle indépendant, cette coordination pourrait bien rester formelle.
La capitale mauritanienne mérite mieux qu’un empilement de rapports techniques et de réunions administratives. Elle mérite un véritable projet urbain, centré sur l’humain, intégrant les quartiers défavorisés, respectueux de l’environnement et porteur d’espoir pour sa jeunesse.
Un pari à tenir
Redessiner le visage de Nouakchott, ce n’est pas seulement poser des briques ou tracer de nouvelles avenues. C’est repenser la ville comme un espace vivant, solidaire, et inclusif. Cela implique des écoles dignes de ce nom, des centres de santé accessibles, une eau potable pour tous, une énergie stable, et une gouvernance responsable.
Le développement ne peut se réduire à une ligne dans un discours ou à un taux d’exécution sur une fiche de ministère. Il doit se traduire dans le quotidien des citoyens : dans les cours d’école animées, les hôpitaux fonctionnels, les rues éclairées, les robinets qui coulent.
Le chantier est vaste. Le temps presse. Et le peuple de Nouakchott, lui, n’attend plus de promesses : il attend des résultats.
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