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Politique pharmaceutique en Mauritanie : réforme, rôle de la CAMEC et défis d’approvisionnement

La Mauritanie réforme son système pharmaceutique : rôle clé de la CAMEC, suivi ministériel, défis d’importation, contrôle qualité et accès aux médicaments.

Politique pharmaceutique en Mauritanie
La Mauritanie accélère la réforme de son système pharmaceutique. Sous l’impulsion du Premier ministre Mokhtar Ould Diay et avec la CAMEC en première ligne, le pays cherche à garantir un accès équitable aux médicaments essentiels. Mais entre dépendance aux importations, risques de falsification et défis logistiques, la route vers une politique pharmaceutique efficace reste semée d’embûches.

Médicaments en Mauritanie – Entre progrès normatifs et défis logistiques : état des lieux et pistes d’action

Par Ahmed Ould Bettar – Nouakchott, le 20 septembre 2025.
La politique pharmaceutique de la Mauritanie affiche des avancées structurelles récentes — notamment une liste nationale des médicaments essentiels actualisée et des textes réglementaires – mais se heurte toujours à des problèmes concrets : dépendance totale aux importations, ruptures fréquentes d’approvisionnement, circulation de produits falsifiés et capacités limitées de contrôle qualité. Voici une synthèse fondée sur les documents officiels et études récentes.

Un cadre politique qui se précise

Le gouvernement mauritanien a consolidé ces dernières années plusieurs instruments de gouvernance pharmaceutique : une politique pharmaceutique nationale (référencée par le ministère de la Santé), des instances dédiées — souvent nommées Direction de la Pharmacie et des Laboratoires ou Direction de la Pharmacie et du Médicament — et un corpus législatif pour organiser la profession pharmaceutique (décrets relatifs à l’Ordre national des pharmaciens, etc.). Ces éléments forment la colonne vertébrale d’un système de régulation qui gagne en formalisation.

En mai 2025, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié la Liste nationale des médicaments essentiels 2024 pour la Mauritanie – document-clef qui définit les médicaments prioritaires à fournir selon les niveaux de la pyramide sanitaire. Cette liste constitue un outil stratégique pour l’achat public, la prescription et la planification des stocks.

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La CAMEC, pilier de l’approvisionnement public

Au cœur de ce dispositif se trouve la CAMEC (Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels et Consommables), créée pour assurer l’approvisionnement régulier des structures publiques en médicaments de base et en consommables médicaux. Sa mission est double :

  • acheter et distribuer les médicaments essentiels définis dans la liste nationale, en garantissant leur disponibilité continue sur l’ensemble du territoire ;
  • réduire les coûts grâce à des achats groupés centralisés et une négociation directe avec les fournisseurs, afin d’améliorer l’accessibilité financière pour l’État et les patients.

La CAMEC joue donc un rôle central dans la lutte contre les ruptures d’approvisionnement et dans la rationalisation des dépenses pharmaceutiques publiques. Toutefois, comme dans de nombreux pays du Sahel, elle est confrontée à des contraintes structurelles : financements irréguliers, difficultés logistiques dans les zones reculées, et parfois des lenteurs administratives qui retardent les commandes. Ces défis expliquent en partie pourquoi, malgré la présence d’une structure dédiée, les ruptures persistent et l’importation reste le maillon vulnérable du système.

Le Premier ministre préside la réunion ordinaire du comité ministériel chargé du suivi de la réforme du système pharmaceutiqueRéformes en cours : un suivi politique de haut niveau

La réforme du système pharmaceutique figure désormais parmi les priorités gouvernementales. Jeudi dernier, le Premier ministre Mokhtar Ould Djay a présidé, dans la salle de réunion de la Primature, la réunion ordinaire du comité ministériel chargé du suivi de cette réforme.

À cette occasion, il a écouté le compte rendu de la réunion mensuelle tenue au ministère de la Santé, ainsi que celui du comité technique, avant d’examiner les principales recommandations. Le chef du gouvernement a ensuite ordonné à toutes les parties concernées de poursuivre les réformes et de renforcer le suivi et le contrôle, conformément aux directives du président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.

Le Premier ministre a particulièrement insisté sur le rôle du comité technique, en soulignant qu’il doit évaluer chaque mesure envisagée, en déterminer l’impact sur les citoyens, et présenter ses conclusions au comité ministériel avant toute mise en œuvre. Cette exigence vise à assurer une réforme pragmatique, mesurable et centrée sur les besoins réels de la population.

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Dépendance aux importations : un talon d’Achille

La Mauritanie ne produit pas de médicaments localement et dépend entièrement des importations pharmaceutiques. Cette vulnérabilité augmente le risque de ruptures d’approvisionnement, d’aléas liés aux chaînes logistiques internationales et de hausses de prix pour les patients. Des analyses récentes identifient l’importation comme cause majeure des pénuries observées en régions et dans les hôpitaux.

Ruptures d’approvisionnement et usage irrationnel

Les recherches sur l’utilisation rationnelle des médicaments montrent des progrès mais aussi des lacunes : prescriptions inadaptées, méconnaissance partielle des bonnes pratiques et logistique insuffisante au niveau des districts sanitaires contribuent aux ruptures et au gaspillage. Les autorités ont documenté et commencé à adresser ces problèmes via la révision des listes essentielles et des guides thérapeutiques — mesures nécessaires, mais insuffisantes sans renforcement effectif des systèmes d’achat, stockage et distribution.

Falsification, contrefaçon et trafic : un défi régional

La Mauritanie, comme d’autres pays du Sahel, est exposée au commerce illicite et aux médicaments falsifiés. Des rapports régionaux (UNODC, analyses de la sous-région) et des saisies récentes dans les pays voisins illustrent l’ampleur du phénomène : lots falsifiés qui circulent via des voies transfrontalières, parfois cachés parmi des cargaisons légitimes. Renforcer les capacités d’inspection aux points d’entrée et améliorer la coopération régionale sont des priorités répétées par les acteurs internationaux.

Contrôle qualité et pharmacovigilance : des capacités à consolider

Même avec une réglementation en place, la capacité d’analyse et de contrôle qualité (laboratoires, personnel, équipements) reste limitée. La mise en œuvre effective de contrôles post-marché et d’un système de pharmacovigilance robuste est encore un chantier pour assurer que les produits distribués répondent aux standards internationaux et pour détecter rapidement les problèmes de sécurité. Des initiatives d’harmonisation régionale et d’appui technique existent, mais demandent des ressources et un engagement institutionnel soutenu.

Le volet accessibilité : prix et équité

La mise à jour de la liste des médicaments essentiels traduit une volonté d’orienter les achats publics vers des médicaments efficaces et abordables. Cependant, l’accès réel dépend du financement public, des mécanismes d’achat centralisés, et de la capacité à subventionner ou approvisionner durablement les zones rurales. Les études sur les causes des ruptures révèlent que la planification budgétaire, les procédures d’achat et la logistique sont souvent les éléments défaillants qui pénalisent l’accès pour les populations les plus vulnérables.

En conclusion

La Mauritanie dispose désormais d’outils et d’un cadre normatif pouvant soutenir une politique pharmaceutique moderne. La CAMEC, avec sa mission de garantir un approvisionnement équitable en médicaments essentiels, et le comité ministériel présidé par le Premier ministre, qui assure le suivi des réformes, représentent deux leviers stratégiques. Mais la transformation de ces textes et dispositifs en résultats tangibles pour les patients – disponibilité constante de médicaments essentiels, qualité garantie, prix abordables — requiert des investissements ciblés dans la logistique, le contrôle qualité et la coopération régionale.

Le défi est technique et institutionnel, mais les récentes révisions (NEML 2024), l’engagement du gouvernement et le rôle stratégique de la CAMEC donnent une feuille de route claire : l’implémentation doit désormais suivre, avec des priorités budgétaires et une coordination renforcée entre autorités, professionnels et partenaires internationaux.

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