L’OIM annonce une nouvelle initiative en Afrique de l’Ouest pour retrouver les migrants disparus sur les routes de l’exil

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) va lancer un nouveau projet de recueil d’informations, en coopération avec la Mauritanie et la Gambie, pour identifier les exilés décédés en mer ou sur les routes reliant l’Afrique à l’Europe. L’agence va mettre en place « des formations sur mesure et un accompagnement technique » pour permettre aux deux pays ouest-africains d’enquêter, « de localiser les disparus, d’identifier les dépouilles et, au final, d’éviter que ces tragédies ne tombent dans l’oubli ».
Mardi 4 novembre, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé lancer un projet de collecte d’informations pour aider les gouvernements de la Gambie et de la Mauritanie à retrouver les exilés disparus et décédés en mer et sur les chemins de l’exil vers l’Europe.
Il s’agit de « la première initiative du genre en Afrique de l’Ouest », affirme l’organisation dans un communiqué publié mardi 4 novembre.
« En donnant de meilleurs moyens aux gouvernements nationaux et locaux et en consolidant la coopération transfrontalière, nous sauvons non seulement des vies, mais nous redonnons également espoir et dignité aux familles qui attendent depuis trop longtemps des réponses », souligne Sylvia Ekra, directrice régionale de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale.
Dans le détail, cet organe de l’ONU va mettre en place « des formations sur mesure et un accompagnement technique » pour permettre aux deux pays ouest-africains d’enquêter, « de localiser les disparus, d’identifier les dépouilles et, au final, d’éviter que ces tragédies ne tombent dans l’oubli ». Et ainsi, « fournir aux familles les réponses qu’elles méritent », assure l’OIM dans son communiqué.
Le projet se fera également en coordination avec les antennes nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale, notamment pour aider « à l’identification médico-légale, la recherche des familles et l’aide psychosociale ».
« Nous espérons rendre visibles les vies perdues »
Cette nouvelle initiative « s’appuiera donc sur l’expertise de l’OIM, qui recueille depuis des années des données sur les migrants disparus ». En effet, depuis 2014, l’organisme recense déjà avec le « Missing Migrants Project » les personnes décédées sur les routes migratoires dans le monde, notamment en Méditerranée, et apporte des ressources pour aider les familles de disparus dans leurs recherches d’informations.
« La question des migrants disparus reste une priorité absolue pour le gouvernement gambien », promet Sering Modou Njie, ministre gambien des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et des Gambiens de l’étranger. « Ce projet intervient au bon moment, car nous venons de lancer notre Force nationale pour les migrants disparus et nous renforçons la coordination avec les pays voisins pour mieux répondre à ce défi commun », ajoute-t-il.
« Grâce à ce projet, nous espérons rendre visibles les vies perdues, aider les familles dans leur quête de réponses et renforcer la prévention », se félicite de son côté Fatma Mohamed Salem, directrice des frontières, de la migration et des affaires foncières au ministère de l’Intérieur de Mauritanie.
Contrôles accrus sur les côtes mauritaniennes
« Renforcer la prévention » pour empêcher les départs clandestins vers les Canaries espagnoles et l’Europe, c’est en effet ce que la Mauritanie s’efforce de faire depuis plusieurs mois.
Les opérations de contrôle, les retours volontaires, les arrestations et les interceptions de migrants se sont intensifiés sur les côtes mauritaniennes, ainsi qu’au Sénégal, notamment depuis le renouvellement d’accords de coopération entre ces deux pays et l’Union européenne, dans le but de limiter les départs d’embarcations clandestines vers l’Europe.
Concrètement, plus de 30 000 migrants ont été interceptés sur le sol mauritanien entre janvier et avril 2025. En quatre mois, le pays a aussi démantelé 88 réseaux de passeurs. Plus de 28 000 personnes ont été expulsées durant les six premiers mois de l’année, selon le gouvernement mauritanien. Avec le durcissement de sa politique migratoire, Nouakchott multiplie les arrestations, et un climat de peur s’est installé dans le pays, d’après les témoignages d’exilés recueillis ces derniers mois par InfoMigrants.
Conséquence de ces contrôles accrus : la plupart des embarcations partent désormais de Gambie ou de Guinée, encore plus au sud. Même si la Gambie s’efforce elle aussi de lutter contre l’immigration irrégulière. Selon Banjul, entre janvier et août 2025, « les patrouilles d’immigration ont intercepté 711 migrants éventuels, refusé l’entrée à 29 personnes et expulsé 59 immigrants sans papiers de différentes nationalités », a déclaré Abdoulie Sanyang, le ministre de l’Intérieur du pays, fin août.
Des routes dangereuses et mortifères
Sauf qu’en prenant la mer depuis la Gambie ou la Guinée pour tenter de rallier les Canaries, les exilés prennent encore plus de risques. « La distance est importante – il faut entre 4 et 7 jours de navigation si tout se passe bien [pour rejoindre l’archipel espagnol] –, ce qui accroît les risques de se perdre en mer, de chavirer ou de souffrir de la faim, de la soif ou de malaise, d’autant que le comportement des passeurs peut accroître le danger », précisait la chercheuse Delphine Perrin, spécialiste des politiques migratoires africaines, à InfoMigrants fin septembre.
Et comme le rappelle l’OIM, les chemins qu’empruntent les migrants pour tenter de rejoindre l’Europe sont extrêmement dangereux, et les tragédies en mer Méditerranée ou dans l’océan Atlantique très fréquentes.
Le 29 août dernier par exemple, au moins 69 corps avaient été repêchés après le naufrage d’une embarcation au large de la Mauritanie. Plus récemment, 44 passagers d’une embarcation partie de Dakhla, au Sahara occidental, ont été portés disparus. Le canot avait quitté la plage le 24 septembre. Ce sont les familles des passagers, sans nouvelles de leurs proches, qui ont donné l’alerte mi-octobre.
En dix ans, près de 33 000 exilés ont perdu la vie en Méditerranée. Plus de 5 600 le long de la route atlantique de l’Afrique de l’Ouest vers l’Espagne, et près de 7 000 lors de traversées du désert du Sahara, selon les données de l’organisation onusienne.
Sans compter les innombrables embarcations qui sombrent et disparaissent en mer, sans laisser de traces, hors des radars des autorités ou des ONG.
Source: infomigrants.net



