Mort de Jean-Marie Le Pen : quel héritage politique pour le fondateur du RN ?
Mort de Jean-Marie Le Pen : quel héritage politique pour le fondateur du RN ?
L’ancien leader du Front national devenu Rassemblement national, Jean-Marie Le Pen, est mort ce mardi à 96 ans. Arrivé au second tour de la présidentielle de 2002 face à Jacques Chirac, il a été le chantre de l’extrême droite en France durant toute sa vie et a vu ses idées infuser dans la vie politique française.
Ce 21 avril 2002, l’accession au second tour de la présidentielle de Jean-Marie Le Pen, président du Front national, est un véritable coup de tonnerre. Des millions de Français descendent dans la rue dans l’entre-deux-tours, pour dire non à l’extrême droite, finalement écrasée au second tour. Le choc est immense.
Vingt-trois ans plus tard, alors même que le plus provocateur des hommes politiques français vient de mourir à 96 ans, à l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine), l’extrême droite en France est aux portes du pouvoir. Les Français ne manifestent plus contre le parti dirigé pendant 40 ans par Jean-Marie Le Pen et qui a réalisé près de 46 % au second tour de la présidentielle 2022 dans le sillage de sa fille, Marine.
Homme d’excès plus que de pouvoir
Né il y a presque un siècle en Bretagne dans un milieu modeste, Jean-Marie Le Pen, pupille de la Nation, a toujours cultivé le patriotisme et a grandi politiquement au sein du mouvement poujadiste. Érudit, brillant et éloquent, il a traversé plus de soixante ans de politique et aura eu le temps de voir ses idées s’installer durablement dans la vie politique, jusqu’à être reprises pour certaines, notamment sur l’immigration, par les partis de gouvernement.
Jean-Marie Le Pen, homme d’excès plus que de pouvoir, ne s’est jamais rêvé à l’Élysée. Mû par un anti-gaullisme viscéral, condamné à de multiples reprises pour ses dérapages racistes, antisémites et homophobes, « le Menhir » honnissait la modération et a construit sa légende sur l’outrance, conformément à la tradition de l’extrême droite.
2015 : la rupture
Ces frasques ont conduit sa fille, Marine Le Pen, à l’exclure du parti qu’il avait fondé. C’était il y a dix ans après des mois de tensions politiques et familiales. Jean-Marie Le Pen, qui avait cédé le parti à sa file, ne supportait pas le travail de normalisation du parti à la flamme, pour en faire un parti de gouvernement.
Une image résume leur affrontement : le 1er mai 2015, devant l’Opéra de Paris, la présidente du FN s’apprête à prendre la parole devant ses sympathisants pour ce qui était alors la Fête de Jeanne d’Arc. Surgit alors Jean-Marie Le Pen, en parka rouge. Les bras levés et l’orgueil en bandoulière, il avait été acclamé par la foule avant de disparaître. Un ultime pied de nez qui a abouti à sa suspension, puis à son exclusion quelques mois plus tard.
Hostile au RN
Sans Jean-Marie Le Pen, le FN devient alors le RN en 2018 et tout est fait pour gommer l’héritage sulfureux du patriarche. Marine Le Pen refuse le classement à l’extrême droite et préfère au clivage droite gauche, celui qui oppose le peuple aux élites.
En dix ans, le RN débarrassé de l’image encombrante de Jean-Marie Le Pen grignote sur la droite traditionnelle, jusqu’à la surclasser lors de la dernière présidentielle de 2022. La normalisation déplaît à Jean-Marie Le Pen, mais elle séduit les électeurs. Les idées radicales elles, demeurent. Dans les meetings, les militants chantent encore « on est chez nous ». Les militants aux crânes rasés et nostalgiques d’un FN xénophobe sont ostracisés, mais toujours là, même s’ils sont moins visibles. Les militants les plus anciens se réclament encore de lui, même si d’autres, plus nombreux, ont grossi les rangs du RN sans se référer à son dirigeant historique.
Clivant jusque dans la mort
La préférence nationale a, dans les programmes, laissé la place à la priorité nationale, notion moins connotée. Le RN n’admet toujours pas tous les journalistes aux événements qu’il organise et critique le « système médiatique », une antienne classique de l’extrême droite.
Homme clivant et qui aimait l’être, Jean-Marie Le Pen divise jusque dans la mort. Le président Emmanuel Macron estime, avec une rare retenue, dans un communiqué officiel, que son rôle politique « relève désormais du jugement de l’Histoire ». La gauche relève que ses idées perdurent comme Jean-Luc Mélenchon : « Le combat contre l’homme est fini. Celui contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qu’il a répandus, continue ». Le Premier ministre François Bayou et le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sont plus prudents, saluant au-delà des divergences une « une figure de la politique » qui aura « marqué son époque ». Des mots finalement assez classiques pour un homme qui n’a jamais voulu l’être.
Infos: lalsace.fr