Mauritanie : au carrefour des migrations africaines, entre pays de transit et terre d’installation
La Mauritanie, pays de transit devient un pôle migratoire stratégique en Afrique de l’Ouest. De pays de transit, elle se transforme en terre d’accueil face aux défis régionaux. Analyse des tendances et enjeux.
Longtemps considérée comme un simple pays de transit pour les migrants en route vers l’Europe, la Mauritanie s’impose de plus en plus comme une terre d’installation ou de repli stratégique. Cette évolution s’inscrit dans un contexte régional mouvant, marqué par les crises sécuritaires, climatiques et économiques. Analyse d’une tendance migratoire en pleine mutation.
Nouakchott –
Le Recensement général de la population (RGPH-2023) estime la population à 5 millions d’habitants, la Mauritanie voit ses dynamiques migratoires profondément évoluer. D’un simple pays de transit, elle devient progressivement une destination pour des milliers de migrants africains. Une transformation structurelle liée autant à des contraintes régionales qu’à des politiques migratoires internationales.
Une plaque tournante migratoire historique
Située au croisement du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, la Mauritanie a longtemps été un point de passage pour les migrants cherchant à rejoindre l’Europe par la route de l’Atlantique. En provenance du Mali, du Sénégal, de Guinée ou de Côte d’Ivoire, ces jeunes migrants visent une vie meilleure, souvent au prix de grandes incertitudes.
Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), près de 1 800 migrants entrent chaque mois en Mauritanie depuis début 2024, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes.
Une terre d’installation pour des milliers de migrants
Le durcissement des frontières au Maroc, la montée de l’insécurité au Sahel et les accords de coopération migratoire entre la Mauritanie et l’Europe (notamment l’Espagne) ont transformé les parcours. De plus en plus de migrants s’installent à Nouakchott, Nouadhibou ou Bassiknou, où ils trouvent des opportunités dans l’économie informelle, la pêche ou le bâtiment. Des quartiers comme « Cité Plage » à Nouakchott témoignent de cette sédentarisation, comme l’explique notre article :
L’impact des migrations sur les services sociaux en Mauritanie.
Ces villes connaissent une croissance urbaine accélérée, notamment dans les quartiers périphériques. Des communautés subsahariennes y vivent depuis plusieurs années, souvent en situation administrative précaire.
Une pression migratoire sous régulation européenne
L’Union européenne s’est positionnée comme un acteur majeur dans la régulation des flux en Mauritanie. En 2023, elle a annoncé une aide de 210 millions d’euros pour renforcer les capacités de surveillance frontalière et de gestion migratoire du pays.
L’Espagne coopère étroitement avec Nouakchott pour sécuriser la route maritime vers les îles Canaries. Des patrouilles conjointes, des centres de rétention et des mécanismes informels de retour ont été mis en place avec l’appui technique européen.
Des défis sociaux et juridiques majeurs
Cette sédentarisation partielle des migrants crée des pressions sur les services sociaux, déjà fragiles. Éducation, santé, logement et emploi sont autant de domaines où les besoins explosent. De plus, l’absence d’une politique migratoire nationale claire complique l’intégration des migrants et des réfugiés.
Le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) signale que plus de 150 000 réfugiés maliens vivent notamment dans le camp de Mbera, l’un des plus grands d’Afrique de l’Ouest.
Quel avenir pour la gestion migratoire en Mauritanie ?
À la croisée des chemins, la Mauritanie pourrait faire de cette nouvelle donne un levier de stabilité, à condition de renforcer ses capacités d’accueil et d’institutionnaliser une politique migratoire cohérente et respectueuse des droits humains.
La question reste posée : la Mauritanie restera-t-elle un rempart migratoire pour l’Europe, ou deviendra-t-elle un modèle africain d’intégration migratoire durable ?
Pour en savoir plus sur les routes migratoires, lire :
Nouadhibou, carrefour des routes migratoires.
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Chiffres clés de la migration en Mauritanie (2024–2025)
- Population nationale : 5 millions d’habitants (RGPH-2023)
- Entrées migratoires mensuelles : 1 800 (OIM)
- Ressortissants maliens réfugiés : 150 000 (HCR)
- Aide européenne engagée : 210 millions €
- Interceptions maritimes vers l’Espagne : 8 000 tentatives (2024, données officielles)
Liens externes :
- Délégation de l’Union européenne en Mauritanie
- Frontex – Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes
- Migration Policy Institute – Africa Programs
- EuroMed Rights – Mauritania Country Page
Ahmed Ould Bettar