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Verdict : Mohamed Ould Abdel Aziz condamné à 15 ans de prison pour corruption

Le 14 mai 2025, l’ancien président mauritanien a écopé d’une peine de 15 ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Un verdict historique au terme d’un procès sans précédent.

Mohamed Ould Abdel Aziz
Nouakchott – 15 mai 2025. Le tribunal anticorruption de Nouakchott a rendu son verdict dans le procès fleuve de Mohamed Ould Abdel Aziz : 15 ans de prison ferme. Cette décision, prononcée le 14 mai, vient conclure près d’un an de débats autour des accusations d’enrichissement illicite, de détournement de biens publics et d’abus de pouvoir à l’encontre de l’ancien chef de l’État mauritanien (2009–2019). C’est la première fois qu’un ancien président est ainsi condamné dans l’histoire du pays, voire de la région.

Un jugement lourd, à la hauteur des accusations

La peine de 15 ans, accompagnée d’une lourde amende et de la confiscation de nombreux biens acquis durant son mandat, dépasse les prévisions initiales. Le parquet avait requis entre 10 et 20 ans de prison. Le tribunal a donc fait preuve de fermeté, en ligne avec les attentes d’une partie de l’opinion publique réclamant la fin de l’impunité au sommet de l’État.

Selon le jugement, Ould Abdel Aziz aurait détourné des dizaines de millions de dollars via un système opaque de passations de marchés publics, d’acquisitions foncières, et d’influences politiques. L’enquête avait révélé un patrimoine personnel faramineux, jugé incompatible avec ses revenus officiels.

Co-accusés : relaxes, peines légères ou complicité retenue

Le tribunal a également statué sur le sort de onze autres co-accusés, dont d’anciens ministres, hommes d’affaires et proches collaborateurs. Plusieurs ont été relaxés, tandis que d’autres ont écopé de peines avec sursis. Fait notable : le tribunal a acquitté un certain nombre d’anciens ministres, dont Yahya Ould Hademine et Mohamed Salem Ould Bachir, et a ordonné la levée de la saisie de leurs biens. El Merkhi et Mohamed Ould Msabou ont été condamnés à deux ans de prison chacun. La Cour a  aussi acquitté Mohamed Ould Daf.

Un procès politique ? L’ex-président clame son innocence

Durant tout le procès, Ould Abdel Aziz a dénoncé une « cabale politique » orchestrée par son successeur, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qu’il avait pourtant contribué à faire élire. Il a refusé de répondre à plusieurs questions du tribunal et maintenu qu’il agissait « au nom de l’État », rejetant toute idée d’enrichissement personnel.

Ses avocats ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel, affirmant que le procès n’avait pas respecté les garanties d’un procès équitable. Ce recours pourrait ouvrir une nouvelle phase judiciaire, mais il n’est pas suspensif.

Dans un communiqué publié après le verdict, la défense a qualifié la décision de « politique, injuste et agressive ». Elle dénonce une « violation manifeste des règles fondamentales de procédure », un « dépassement de compétence » ainsi qu’un « raisonnement illégal » en contradiction avec une précédente décision du Conseil constitutionnel. Les avocats invoquent les articles 545 et 546 du Code de procédure pénale pour exiger l’annulation du jugement, tout en affirmant leur volonté d’exercer tous les recours nécessaires pour faire valoir les droits de leur client.

En réponse, le collectif représentant l’État mauritanien a salué une décision équilibrée, qui confirme la condamnation de l’ex-président tout en rejetant les arguments « infondés » et « insultants » de la défense. Le communiqué souligne que l’appel a été partiellement reçu en faveur de l’État et que les demandes d’Aziz reposaient sur des interprétations « fantaisistes » des textes juridiques. Le collectif affirme que le procès s’est déroulé dans le respect du contradictoire, de la publicité des audiences et des droits de la défense. Il conclut que le procès est désormais clos sur le fond, la seule voie restante étant le pourvoi en cassation, sans effet suspensif.

Un tournant dans la lutte contre la corruption ?

La condamnation d’un ex-président envoie un message fort. Le pouvoir judiciaire, longtemps considéré comme soumis à l’exécutif, montre ici une volonté d’affirmation et d’indépendance. Le président Ghazouani, tout en se gardant de commenter le procès, pourrait en sortir renforcé dans sa posture de réformateur prudent.

La société civile, quant à elle, exige que cette dynamique s’inscrive dans la durée. Des ONG locales appellent à la généralisation des audits, à la transparence dans les marchés publics et à la protection des lanceurs d’alerte. Car au-delà de l’affaire Ould Abdel Aziz, c’est l’ensemble de la gouvernance qui est interpellé.

Quelles suites possibles ?

L’ex-président a été immédiatement transféré dans une prison de haute sécurité. Ses partisans dénoncent une « humiliation d’État », tandis que ses détracteurs parlent d’une « victoire de la justice ». La classe politique reste globalement prudente, observant l’évolution du dossier en appel.

Ce procès pourrait ainsi faire école en Mauritanie, voire au Sahel, où la corruption des élites est souvent perçue comme endémique. Reste à savoir si ce jugement marque un tournant structurel ou une simple parenthèse dans un système toujours fragile.

Mots-clés : Mohamed Ould Abdel Aziz, procès, corruption, tribunal anticorruption, Nouakchott, justice, Ghazouani, Mauritanie

Date de publication : 15 mai 2025
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