Mauritanie : l’ancien président Abdel Aziz inculpé de corruption ?
Un procureur de Nouakchott a requis des charges de corruption contre l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, et une dizaine d’autres hautes personnalités.
L’ex-président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz sera poursuivi pour corruption. Ce jeudi, le procureur de Nouakchott a inculpé l’ancien chef de l’État et une dizaine de hautes personnalités.
Le procureur Ahmedou Ould Abdallahi a demandé le placement sous contrôle judiciaire de Mohamed Ould Abdel Aziz, d’un de ses gendres, de deux anciens Premiers ministres et de plusieurs anciens ministres et hommes d’affaires. Ils étaient jeudi en cours de présentation au juge qui doit décider s’il suit les réquisitions du procureur.
« La liste des chefs d’inculpation dressés contre lui (l’ex-président) par le parquet et sur lesquels le juge d’instruction doit statuer et enquêter est longue », a dit une source proche du parquet qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat en raison de la confidentialité et de la sensibilité des investigations. Elle « comporte notamment la corruption, le blanchiment d’argent, l’enrichissement illicite, la dilapidation de biens publics, l’octroi d’avantages indus et l’obstruction au déroulement de la justice », selon la même source.
Depuis août 2020, la justice s’est saisie du rapport d’une enquête parlementaire sur des faits présumés de corruption et de détournements de fonds sous le règne de l’ancien président entre 2008 et 2019. La commission s’était penchée sur la gestion des revenus pétroliers, la vente de domaines de l’État et la liquidation de sociétés publiques.
Enquête préliminaire
Au terme d’une enquête préliminaire transmise au parquet début mars, la procédure s’est accélérée avec la convocation en début de semaine d’une kyrielle de personnalités dans les locaux de la police à Nouakchott, dont l’ancien chef de l’Etat. Celui-ci a été entendu mercredi par le procureur.
« Il s’agit de traîner tout un système et ses hommes devant la police et de souiller leur honneur », s’est ému le collectif d’avocats qui le défend, dans un communiqué publié au moment de son transfert de la police au parquet. Fidèle à sa ligne de défense, Mohamed Ould Abdel Aziz a refusé de collaborer et a passé la nuit dans les locaux de la police où il avait été ramené, dit-on dans son entourage.
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire, Mohamed Ould Abdel Aziz a été élu en 2009 et réélu en 2014. Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, son dauphin, a été élu à sa succession en juin 2019. Depuis, l’ex-président a perdu en décembre 2019 la direction de l’Union pour la République (UPR), parti qu’il a fondé. En août 2020, il a été interrogé plusieurs jours par les policiers et est ressorti privé de son passeport.Il « s’attache toujours à l’immunité que lui accorde la Constitution en tant qu’ancien président », a dit à l’AFP l’un de ses avocats, Me Mohameden Ould Icheddou.
Si le procureur n’a pas requis le placement sous mandat de dépôt de l’ancien président et des autres suspects, c’est en raison de la longueur prévisible des investigations, a dit le parquet. Il a aussi invoqué les modalités de récupération des biens publics spoliés selon lui, sans préciser en quoi un mandat de dépôt aurait compliqué cette récupération.
L’enquête financière menée parallèlement à celle de la police a permis d’identifier et de geler ou saisir des sociétés, des immeubles et appartements, des parcs de véhicules, des sommes d’argent, rien qu’en Mauritanie, dit le parquet. Ces biens sont évalués sommairement à l’équivalent de 96 millions d’euros, dont 67 millions revenant à l’un des suspects et 21 au gendre de celui-ci, dit le parquet sans préciser s’il fait référence à l’ex-président et son gendre.
Par Fabrice Marimootoo avec AFP
LUDOVIC MARIN/AFP
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