Mauritanie : la Cour suprême confirme la condamnation de l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz
La Cour suprême mauritanienne a confirmé la condamnation à 15 ans de prison de Mohamed Ould Abdel Aziz. Une décision historique qui redéfinit les rapports entre pouvoir, justice et démocratie en Mauritanie.

Mauritanie : la Cour suprême confirme la condamnation de l’ex-président Ould Abdel Aziz, symbole d’une justice en mutation
La Mauritanie vient de tourner l’une des pages les plus sensibles de son histoire politique contemporaine. Le mardi 4 novembre 2025, la Cour suprême a rejeté le dernier recours de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz, scellant ainsi sa condamnation à quinze ans de prison ferme pour enrichissement illicite et trafic d’influence.
L’arrêt, rendu en audience solennelle à Nouakchott, met fin à un feuilleton judiciaire inédit dans le monde arabe et au Sahel. L’homme qui dirigea la Mauritanie de 2009 à 2019, artisan du putsch de 2008 et promoteur autoproclamé de la stabilité, devient aujourd’hui le premier ancien chef d’État du pays à purger une lourde peine de prison pour corruption.
Un parcours présidentiel brisé par la justice
Âgé de 69 ans, Mohamed Ould Abdel Aziz avait déjà été condamné en décembre 2023 à cinq ans de prison. Son procès en appel, marqué par de vifs débats sur la moralisation de la vie publique, avait abouti, en mai 2025, à un alourdissement de sa peine à quinze ans. La Cour suprême a désormais tranché : la décision est définitive.
Selon les attendus du jugement, l’ancien président est reconnu coupable d’avoir abusé de ses fonctions pour accumuler une fortune colossale à travers un vaste réseau d’affaires opaques. Des biens immobiliers, des comptes à l’étranger et des participations dans des sociétés minières auraient été dissimulés via des prête-noms et des proches collaborateurs.
Ce verdict, rapporté notamment par Jeune Afrique et plusieurs médias panafricains, marque un tournant dans l’approche du continent face à la corruption au sommet de l’État. Il illustre la montée en puissance d’une nouvelle exigence de redevabilité publique, longtemps freinée par l’immunité implicite dont jouissaient les anciens dirigeants.
Un signal politique fort pour la sous-région
La Mauritanie, souvent perçue comme un pays de stabilité relative dans un Sahel en ébullition, envoie ainsi un signal politique fort. À l’heure où plusieurs nations africaines connaissent des transitions militaires ou des remises en cause institutionnelles, Nouakchott choisit la voie de la justice républicaine.
Mais cette victoire judiciaire reste à double tranchant : certains y voient un tournant historique vers la transparence et la bonne gouvernance ; d’autres dénoncent un procès politique visant à solder des comptes avec un rival déchu.
Le président en exercice, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ancien compagnon d’armes puis adversaire d’Ould Abdel Aziz, est désormais face à un défi : préserver l’équilibre entre consolidation de l’État de droit et neutralité politique des institutions judiciaires.
Scénarios possibles à l’horizon 2029
1. Consolidation démocratique
Si le pouvoir actuel poursuit les réformes institutionnelles et renforce l’indépendance de la justice, cette affaire pourrait devenir le socle d’une nouvelle ère politique. La Mauritanie entrerait alors dans un cycle vertueux, où la lutte contre la corruption et la transparence deviendraient des leviers de légitimité nationale et internationale.
→Résultat attendu : regain de confiance des investisseurs, appui accru des bailleurs internationaux, émergence d’une nouvelle classe politique.
2. Revanche politique
Mohamed Ould Abdel Aziz conserve une base de partisans dans certaines zones tribales et militaires. D’ici 2029, une reconfiguration politique pourrait naître autour d’un courant aziziste cherchant à réhabiliter son image ou à contester la légitimité du pouvoir actuel.
→Conséquence : tensions politiques internes, polarisation du débat national et recomposition partisane.
3. Statu quo institutionnel
La condamnation d’Ould Abdel Aziz pourrait rester un épisode isolé, sans transformation durable du système. Les élites continueront à se protéger mutuellement, et la justice, bien que plus visible, demeurerait sélective.
→Conséquence : persistance du clientélisme, ralentissement des réformes et désenchantement citoyen.
4. Crise institutionnelle
Si les rivalités entre clans politiques et militaires s’intensifient, la question de la succession présidentielle prévue pour 2029 pourrait raviver des fractures internes. Le dossier Aziz pourrait alors être instrumentalisé.
→Conséquence : risques de crise politique, tensions sociales et repli sécuritaire.
En confirmant la condamnation d’un ancien président, la Mauritanie s’affirme comme un rare exemple africain où l’ex-chef d’État n’est plus intouchable. Mais cette avancée symbolique ne portera pleinement ses fruits que si elle s’accompagne d’une refondation profonde de la gouvernance et d’une culture de responsabilité.
D’ici 2029, le pays jouera une partie décisive : transformer un procès historique en un tournant démocratique durable.
Rapide info avec agences



