Lettre ouverte à la jeunesse « subsaharienne » : Se respecter, respecter les autres et se faire respecter.

Lettre ouverte à la jeunesse « subsaharienne » : Se respecter, respecter les autres et se faire respecter.
Le 10 mars 2023,

18 Sha’ban 1444

*Lettre ouverte à la jeunesse « subsaharienne » : Se respecter, respecter les autres et se faire respecter.*

Il m’a été donné, comme à vous, de suivre les péripéties de l’histoire récente de la Tunisie, plus spécifiquement ce qui a été qualifiée de « Printemps Arabe », avec comme détonateur un souvenir fort douloureux, qui est l’immolation par le feu d’un jeune homme envahi par le désespoir et la révolte.

Il est, à mon sens, très important de s’arrêter sur un autre fait qui en plus de défrayer la chronique place la Tunisie dans une situation délicate. En effet, les récents propos tenus le 21 Février 2023 par Monsieur le
Président de la République de Tunisie ne nous auraient pas étonnés s’ils émanaient d’un citoyen sans responsabilités nationales ou locales et ce vis-à-vis des « guira –guira».
Mais, il s’agit bien, malheureusement, de propos émanant de la plus haute autorité de l’Etat tunisien, qui plus est, marque ainsi un nouveau jalon pour la libération de la parole et des actes xénophobes populaires bâtis
sur une théorie populiste.

Nous constatons malheureusement, que le lieu, l’étape, qui devait être le refuge pour éviter l’irréparable est devenu l’enfer pour bon nombre de gens désespérées.

Ces propos sont d’une extrême gravité, même si nous savons que ce Président ne parle pas au nom de tous les « arabo-musulmans » de Tunisie.

Il est vrai aussi que certains préfèrent se référer, de fait, dans leurs paroles et/ou leurs actes au couple maudit que formait Abou Lahab et son épouse plutôt que de s’inspirer du Saint Prophète Muhammad (S.A.W.S) qui
disait dans l’un de ses sermons que :
« Toute l’humanité descend d’Adam et de Hawa (Eve). Un Arabe n’est point supérieur à un non-Arabe, et un non-Arabe n’est point supérieur à un Arabe ; et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que les Noirs
ne sont point supérieurs aux Blancs. Aucune personne n’est supérieure à une autre, si ce n’est en piété et en
bonnes actions ».

Face à cette situation plusieurs réactions sont possibles dont écrire une lettre ouverte au Président Tunisien ou s’adresser aux « subsahariens » et plus spécifiquement aux jeunes.

Après avoir soupesé ces différentes possibilités, j’ai finalement, avec toute l’humilité requise, opté pour la seconde, notamment parce que je pense qu’il est plus salutaire de tenter de contribuer à modifier l’attitude des jeunes que de prétendre faire varier les positions d’une personne sur laquelle placer des espoirs porteurs de changements est presque vain.

Le but de l’option choisie étant précisément de contribuer humblement et justement à modifier les rapports, en particulier se respecter, respecter les autres et SE FAIRE respecter.

Il y a près de deux ans, en mars 2021, j’avais écrit l’extrait introductif que vous trouverez à la fin de ce texte, dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants de cette partie du continent africain qu’est mon cher pays.
La lettre avait pour principal sujet, la Justice.

Dans cet extrait, je rappelais un fait historique parmi ceux qu’aucun de nous ne devrait méconnaître ou oublier, même si le Président Tunisien ou ceux qui partagent ces propos ne le savent pas ou veulent l’occulter, dans
leur prétendu combat pour défendre selon eux le caractère « arabo-musulman » de la Tunisie.

Sachez ou n’oubliez jamais chère jeunesse, que le premier exil, de l’histoire, des « arabo-musulmans » persécutés par des « arabes non musulmans » de la Mecque, fût à destination…de l’Afrique « subsaharienne », de « l’Afrique noire », plus précisément de l’Empire noire d’Abyssinie (partie de l’Ethiopie actuelle), en 615, soit en l’an -8 Hégirien, donc plusieurs années avant l’exil vers Médine.

Ce qui fait de ces Compagnons « arabo-musulmans » en terre d’Afrique noire, la DEUXIEME plus vieille communauté musulmane constituée du monde (avant celle de Médine), juste après celle née à la Mecque ; et fait aussi de cette communauté « arabo-musulmane » exilée en Afrique subsaharienne, la PREMIERE communauté musulmane constituée, de toute l’histoire et du monde, à :

– être reconnue formellement par un Pouvoir temporelle, un État ou un
Empire ;

– bénéficier de la protection de l’Empire ;

– bénéficier du droit de pratiquer librement son culte.

Vous ne devez pas oublier, chère jeunesse africaine, cette leçon africaine offerte au monde il y a près de 1450 ans et qui peut encore inspirer le monde actuel.
Vous ne devez pas oublier ce que l’Histoire, sous toutes ces facettes (sciences, religions, etc.), reste redevable à l’Afrique noire, les exemples foisonnent.
L’envie me viens de dire, en paraphrasant Yasmina Khadra : vous ne devez pas oublier « ce que le jour doit à la nuit ». Et ce, même si certains idéologues et/ou opportunistes autoproclamés
défenseurs des « arabo-musulmans » à des fins qui leur sont propres, l’occultent.
Eux à qui le comportement noble aurait dû dicter une toute autre attitude voire un tout autre discours, vis-à-vis de descendants de ceux qui ont accueilli les premiers, les premiers « arabo-musulmans » contraints à l’exil.

Pour conclure, précisons qu’il n’est question ici de raconter l’histoire pour s’y complaire, mais il s’agit de se connaître, de lever ou de relever humblement et dignement la tête, sans complexe ; de fraterniser avec ceux
qui le souhaitent et de réclamer dans tous les cas le respect et la réciprocité.
Cette attitude évoquée plus haut est l’affaire de tous, même si les attentes pèsent plus sur les épaules de celles et ceux qui nous gouvernent, c’est-à-dire nos dirigeants.

Nous sommes convaincus de l’égalité et de la noblesse intrinsèque de toutes les communautés humaines

T.O.B. un africain « subsaharien ».

N.B : Ci-dessous l’extrait de la lettre ouverte de mars 2021 dont je
parlais…

« Honneur – Fraternité – Justice »

Aux premières heures de l’indépendance, il était devenu une règle ou une tradition, pour tous les pays qui sortaient du joug colonial, de choisir une devise et généralement en trois mots sensés refléter, en condensé, ce
qu’il y’a de plus précieux pour le pays. La République Islamique de Mauritanie choisi donc ces trois mots chargés de sens : «Honneur – Fraternité – Justice ».
Dans la présente lettre, je vais m’appesantir plus spécifiquement sur le troisième terme de notre devise, non le moindre, à savoir la Justice.

« Apprenons de l’Histoire de l’Islam ».

 » Au cœur de cette nuit du mois de Rajab, on pouvait distinguer des ombres qui avançaient en silence, se faufilant dans les ruelles, se dirigeant hors de la ville.

Une fois sortie de la ville, ce groupe d’hommes et de femmes courageux et vertueux, prirent la route en direction de la mer pour embarquer, avec tristesse et espoir vers leur destination, cette contrée lointaine qui leur était inconnue, mais qui était porteuse d’espoirs qui ne seront pas déçus.
En effet, face aux agressions de toutes sortes et aux tortures incessantes dont ils étaient victimes de la part de bon nombre de leurs « frères de sang » ou « frères tribaux » (mais qui n’étaient en fait plus leurs « frères » sous l’angle des valeurs), leur chef, réputé être, entre autres, le plus juste et le plus sage parmi eux, leur conseilla de s’exiler vers cette contrée lointaine, dont le roi était qualifié de « juste » par leur
chef.

Voilà comment ils se retrouvèrent donc en chemin vers cette contrée dans laquelle ils trouvèrent effectivement asile (malgré les délégations envoyées par les « leurs » pour les discréditer et les faire chasser) et protection auprès de ce souverain juste et sage. Ils y vécurent plusieurs années avant de reprendre le chemin du retour… »

Cette douloureuse histoire (que vous connaissez), connue comme la première hijra, premier exil de l’Histoire de l’Islam, a été celle vécue par un groupe de musulmans, parmi les premiers convertis, tels que Ethmane Ibn Affane (R.A.) et son Épouse Roqhaya (R.A.) bint Mouhammad (S.A.W).
Cet exil a eu pour destination le royaume d’Aksoum (une partie de l’actuelle Éthiopie) gouverné jadis par le Negus.

Malgré le nombre d’années qui nous sépare de la mésaventure de ces Compagnons, la substance de cette histoire est, malheureusement, encore de notre temps. En conséquence le constant rappel est devenu une nécessité, en
espérant une mise en œuvre.
C’est une occasion pour mettre en lumière deux valeurs/vertus essentielles tirées de ce qui précède, à savoir : la Justice et la Sagesse. Deux vertus, qui peuvent servir de fondements pour construire une société humaine
stable, prospère et puissante.
Que peut-on tirer de cette douloureuse histoire ?

1) La justice et la sagesse : Ces deux qualités/vertus transcendent l’appartenance fondée sur une pigmentation ou autres considérations. Dans ce cadre nous pouvons citer notre Saint Prophète Mouhammad (S.A.W.), modèle
par excellence, ainsi que le Négus comme faisant partie des justes et des sages.
La justice et la sagesse sont une marque des grands dirigeants et devrait être la marque de chaque dirigeant quel que soit le niveau de responsabilités mis entre ses mains pour une durée déterminée ou non.

2) La vertu politique permet de fonder un pouvoir solide et une nation stable et prospère ; où il fait bon vivre, pour le plus grand bonheur de ceux qui y vivent.
Comme ce fut le cas pour le royaume d’Aksoum, qui était à cette époque l’un des empires les plus puissants du monde.
Il est possible de dire que la vertu est efficace, y compris dans le champ politique, et ce, tant pour celui qui dirige, que pour ceux qui sont gouvernés.
La vertu n’est pas un luxe, sous tous les cieux, elle est parmi les impératifs de la vie en société.

3) On tire de l’Histoire, comme de notre présent, qu’à chaque fois que des êtres humains sont persécutés, une partie au moins, s’exile, si possible, vers une destination où règne une certaine justice sociale. C’est le propre
de l’Homme.

4) La méconnaissance et/ou la non prise en compte volontaire ou involontaire de l’histoire de la première hijra par certains pays musulmans bordant la mer Méditerranée, qui traitent de façon inhumaine les migrants
en provenance des pays subsahariens, démontrent que des rappels constants sont nécessaires pour des évolutions positives.

5) On ne doit oublier ou pire faire semblant d’oublier que les premiers musulmans persécutés ont pu trouver un refuge non chez leurs voisins des territoires limitrophes, mais chez des non musulmans dont le dirigeant, bien que de religion et de pigmentation différente de la leur, était juste et sage.

6) La jeunesse et plus spécifiquement celle de l’Afrique et du monde musulman se doit d’apprendre l’Histoire afin de pouvoir faire la part des choses entre ce qui découle de la Sainte religion musulmane et de ce qui est une instrumentalisation.

Il est important de préciser que l’instrumentalisation de la religion ne vaut pas que pour l’Islam. Toute idéologie peut être instrumentalisée (laïcité, athéisme…).
Rappelons que plusieurs générations de Négus chrétiens dirigèrent ce grand empire d’Aksoum, près d’un millénaire avant que le Christianisme ne fût instrumentalisé à des fins esclavagistes, puis colonialistes.
D’ailleurs, l’Ethiopie, opposa une farouche résistance et ne connut pas la colonisation européenne (excepté la parenthèse italienne entre 1935 et 1941), contrairement à la majorité pour ne pas dire la totalité des autres pays africains, du nord comme du sud.
L’Histoire nous apprend également, que la sédimentation de faits injustes a été à l’origine du chaos dans bien des contrées de par le monde. Elle fut à l’origine de bien de révoltes et de révolutions. »

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