L’État binational exigé.

L’État binational exigé.
La poussée diplomatique marocaine pour recouvrer la partie « de son territoire spolié » n’avait pas abouti malgré le soutien total de la Ligue des États arabes et celui d’une large alliance d’États acquis à sa cause. La Mauritanie sera forcément indépendante pour jouer son rôle de trait d’union entre l’Afrique noire et le monde arabe, sa « vocation naturelle et culturelle » pour reprendre l’expression du président Moktar.
Manifestement, le royaume du Maroc n’avait pas pris la juste mesure de la détermination de la puissance coloniale, celle-ci, en plus du désir d’indépendance manifesté par une très large opinion politique mauritanienne, avait son agenda secret, une « arme de l’impérialisme » , il fallait donc que la Mauritanie reste au sein de l’Afrique Occidentale Française pour recevoir ‘’le bon traitement’’, c’est-à-dire l’usage exclusif de la langue française et l’adoption du franc CFA comme monnaie nationale, en plus de plusieurs autres avantages économiques et stratégiques à conserver.
Les accords de coopération que la Mauritanie a signés avec la France en 1961 dans divers domaines de la vie publique ainsi que le traité de défense et d’assistance militaire illustrent cette orientation. Le président Moktar en révisant plus tard ces mêmes accords les jugea « d’essence néocoloniale caractérisée », car « ils limitaient considérablement notre indépendance et notre souveraineté », disait-il.
En fait, la Mauritanie partie intégrante du Maroc n’aurait pas permis aux communautaristes poulo-toucouleurs de formuler l’exigence d’un État binational, c’est-à-dire biracial pour lequel deux nationalités seraient définies constitutionnellement. Les Négro-Mauritaniens étant déjà minoritaires par rapport aux Arabo-Mauritaniens, au sein du « Grand Maroc », leur poids démocratique serait négligeable et le Makhzen ne leur serait pas malléable à souhait. C’est pourquoi, ils tenaient à l’indépendance de la Mauritanie sans toutefois accepter l’idée d’un corps national intégré qui représenterait à leurs yeux une pure assimilation, à la place de laquelle, ils voudraient instaurer un communautarisme racial plus adéquat et plus conforme à leur philosophie ethnocentrique.
Sans tarder, les craintes que les partisans du bi-nationalisme avaient émises lors du Congrès d’Aleg parlant de garanties constitutionnelles comme gage de leur participation à l’édification du futur État, seront remises sur la table, juste après les premières années de l’indépendance nationale.
Dans ce cadre, le raisonnement des représentants de la communauté noire est le suivant : « ils disaient que si la règle démocratique, selon laquelle la majorité numérique impose sa loi à la minorité, était appliquée…la majorité maure pourrait, dans certains domaines importants, imposer des mesures qui lèseraient la minorité noire » , d’où l’exigence d’un État binational sous une forme fédérale comme garde-fou, et dans ce cas « la constitution devrait prévoir l’institution d’une vice-présidence de la République, dont le titulaire serait un compatriote du fleuve ayant des pouvoirs réels ; de la sorte l’exécutif serait bicéphale » mais aussi biracial.
En 1962, la proposition suivante de révision de la constitution parvenait au président de la République « par un groupe de Noirs influents et qui délimite pour la première fois sur la carte, d’une manière précise, les zones d’influence des deux ethnies, maure et noire ».
– PREAMBULE –
Confiant dans toute la patience de Dieu, le peuple mauritanien réparti entre deux provinces habitées par des ethnies maures et noires tous musulmans, proclame sa volonté de s’unir pour sauvegarder l’intégrité de son territoire et de faire respecter les garanties intangibles :
– des libertés politiques ;
– des libertés syndicales ;
– des droits et libertés de la personne humaine, de la famille et des collectivités locales ;
– des libertés philosophiques et religieuses ;
– du droit de propriété individuelle et collective ;
– des droits économiques et sociaux ;
– des droits des provinces fédérées.
Le peuple mauritanien proclame solennellement son Indépendance et son attachement aux droits fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la déclaration des droits de l’homme et de citoyen de 1789 et dans la déclaration Universelle du 10 décembre 1848 (sic : il faut lire 1948)
NOUVEAUX ARTICLES
TITRE PREMIER
ARTICLE 1er – La République Islamique de Mauritanie est un Etat fédéral, républicain, démocratique et social, composé de deux Provinces définies par leurs structures ethniques et géographiques :
– La Province du Sud comprenant :
La subdivision de ROSSO, la subdivision de BOGHE, le cercle du GORGOL, la subdivision de M’BOUT, la subdivision de KANKOSSA et le cercle du GUIDIMAKA.
– la province du Nord comprenant :
Les cercles de la Baie du LEVRIER, de l’ADRAR, du TIRIS-ZEMMOUR, de l’INCHIRI, les subdivisions de NOUAKCHOTT BOUTILIMIT, MEDERDRA, ALEG, le cercle du TAGANT, la subdivision de KIFFA et les cercles des HODH Occidental et Oriental.
ARTICLE 2 : Ces deux Provinces, dans une coexistence librement consentie, mettent en commun leurs ressources et leurs efforts pour former l’Etat fédéral de la République Islamique de Mauritanie

ARTICLE 4 : Les langues Nationales sont les dialectes locaux Hassaniya, Poular, Soninke, Oualoff, et Bambara, la langue officielle est le Français.

ARTICLE – Les institutions de l’Etat Fédéral sont :
– le Président de la République,
– le Vice-Président de la République,
– l’Assemblée Nationale,
– l’autorité judiciaire.
Il ressort du projet de révision constitutionnelle ci-dessus une volonté manifeste de mettre en échec l’État unitaire, instaurer à sa place un État fédéral et évincer la langue arabe qui sera remplacée par la langue française.
Et là, il convient de rappeler que le système fédéral qui a la faveur des cadres de la vallée requiert des conditions qui n’ont pas été remplies à l’époque et encore moins aujourd’hui.
Le fédéralisme se définit comme « une forme d’État souverain dans lequel des entités territoriales, appelées États fédérés, disposent d’une large autonomie et d’une organisation étatique complète respectant le principe du partage des pouvoirs avec le niveau fédéral. » Or, il n’y avait pas d’État en Mauritanie, ni au Sud ni au Nord du pays.
En outre, la mise en œuvre d’un tel système soulèvera d’épineuses questions :
Où va-t-on placer « le district de Washington », en territoire maure ou en territoire noir ? Qui présidera la fédération, un Noir ou un Maure ? Et quelle langue officielle fédérant les États ? Ça sera le même blocage comme celui d’avant.
Si au moins les Négro-Mauritaniens étaient restés dans leur pays, le Fouta, pour le tirer du sous-développement, promouvoir leurs propres langues et ériger une société non féodale, démocratique et égalitaire, comme les Catalans, par exemple, leurs revendications seraient compréhensibles.
Les Catalans qui militent pour l’indépendance de la Catalogne après avoir obtenu l’autonomie de leur région, sont sur place. Ils ne vivent ni en Europe ni dans le reste de l’Espagne mais en territoire catalan qu’ils n’ont jamais quitté. Les Indépendantistes de la Catalogne sont cohérents avec eux-mêmes et avec leurs compatriotes ; le pouvoir, les richesses naturelles espagnoles ne les intéressent pas, ils veulent plutôt échapper à l’intégration au sein du Royaume uni d’Espagne afin de conserver leur spécificité linguistique et culturelle, persuadés qu’ils ne pouvaient pas adapter l’Espagne à la Catalogne, à leur ethnocentrisme.
En revanche, les Négro-communautaristes foutanqués feignent d’ignorer qu’ils avaient quitté leur Fouta natal en masse pour aller coexister avec leurs compatriotes arabes dans le cadre d’un nouveau pays hérité de la colonisation.
Abandonner ses terres pour faire la loi ailleurs, tailler un pays sur mesure est un illogisme. Celui qui tient à sa spécificité doit accepter celles des autres et dans ce cas l’arbitrage est naturel, il obéit à la règle du rapport de force initial entre le centre et la périphérie. En France, le Navarre n’est pas le centre, en Grande-Bretagne, le pays de Galles n’est pas le centre et au Mali, Tombouctou n’est pas le centre ; la minorité c’est la minorité et la majorité c’est la majorité, etc.
Cependant, même si la tentative d’amender la constitution du 22 mars 1959 n’avait pas abouti, le président Moktar, en contrepartie, était rassurant pour ce qui est de la question de l’ancrage de la Mauritanie au sein de l’Afrique noire. Tour à tour la Mauritanie sera membre du groupe des « francophones modérés », l’Organisation Africaine et Malgache de Coopération Economique, l’Union Africaine et Malgache, et plus tard de Union Africaine et Malgache de Coopération Economique, née à Nouakchott en 1964. Et s’il y avait eu des organisations sous-régionales ou continentales culturelles, les Mauritaniens n’allaient pas s’absenter, sauf que ce type de regroupement n’existe pas encore en Afrique.
Arabisation ou négrification ?
Les Maures n’avaient jamais demandé à leurs compatriotes poulo-toucouleurs, soninké et wolof d’être des Arabes et n’avaient jamais fait venir des Arabes pour grossir leur démographie.
Curieuse manière donc de parler d’arabisation forcée quand on sait que depuis l’indépendance de la Mauritanie à nos jours aucun Arabe issu du Maghreb ou du Golfe ou du Moyen-Orient ne fut ministre, haut fonctionnaire, chef d’état-major de l’armée ou de la gendarmerie ou de la garde ; et les effectifs des forces armées et de sécurité n’avaient jamais, elles aussi, enrôlé un seul officier ou sous-officier ou homme de troupe venant des pays arabes, idem pour la Fonction publique.
Mais nous avons déjà vu des Mauritaniens d’origine ouest-africaine, en particulier des Toucouleurs d’origine sénégalaise occuper ces postes et même briguer la magistrature suprême.
A titre d’exemple, le premier aide de camp du président Moktar était le commandant Diallo, un Malien et le premier ambassadeur de Mauritanie à Paris était Mamadou Touré, devenu plus tard ministre dans le gouvernement d’Abdou Diouf au Sénégal !
Il convient ici de rappeler en outre que le premier Ambassadeur de Mauritanie au Sénégal était un Poulo-Toucouleur ; ce qui n’était pas du goût de président Senghor selon une confidence du président Moktar.
Mieux, sur les 105 partis politiques que comptait l’échiquier politique mauritanien, aucun n’est dirigé par un Marocain, un Algérien, un Égyptien, un Irakien… naturalisé mauritanien qui se propose de ressusciter Bilad Chinguitt.
En fait, il était donné à tous les Ouest-Africains d’acquérir la nationalité mauritanienne en formulant une simple demande timbrée à 50 ouguiyas, moins qu’un pourboire.
Il faut dire que le rapport démographique n’était pas un souci pour les élites et les dirigeants Arabo-Mauritaniens. Ils étaient et sont encore majoritaires même si la propagande mensongère des FLAM prétend autre chose. Déjà, « le Manifeste des 19 » distribué lors des émeutes interraciales de 1966 précisait ceci : nous « nions l’existence d’une majorité maure »
En plus de l’argument politique de l’autochtonie : le « nous étions là avant vous », les flamistes ajoutent une autre mystification: « nous sommes majoritaires » et depuis toujours.
Les militants de la race noire savent que c’est faux, mais peu importe, le propagandiste sait que « if he repeats a statement often enough, it will in time come to be accepted by his audience », une vielle recette attribuée aussi à Joseph Goebbels, le ministre hitlérien chargé de la propagande nazie : « plus le mensonge est gros, plus il passe », peut-être, mais pas celui-ci.
Une simple démonstration suffit pour s’en convaincre. En voici un exemple : selon le projet de constitution proposé en 1961 par les représentants de la population de la vallée :
– La Province du Sud comprend :
La subdivision de Rosso, la subdivision de Boghé, le cercle du Gorgol, la subdivision de M’bout, la subdivision de Kankossa et le cercle du Guidimakha.
– la province du Nord comprenant :
Les cercles de la Baie du Lévrier, de l’Adrar, du Tiris-Zemmour, de l’Inchiri, les subdivisions de Nouakchott Boutilimitt, Mederdra, Aleg, le cercle du Tagant, la subdivision de Kiffa et les cercles des Hodhs Occidental et Oriental.
Rien que la répartition spatiale exposée ci-haut donne une idée du poids démographique de chaque communauté avec cependant une précision de taille : toutes les provinces du Sud sont des territoires de cohabitation entre les ethnies halpulaar, soninké et wolof, d’une part, et les Émirats du Trarza, du Brakna et des Idaouichs, d’autre part, donc les Négro-Mauritaniens n’avaient pas l’exclusivité de la région du fleuve ; tandis qu’au contraire la province du Nord est exclusivement maure.
Le nombre d’inscrits sur les listes électorales pour l’ élection présidentielle de 2019 fournit une indication éloquente sur le rapport démographique racial Arabo-Mauritanien/Négro-Mauritanien :
Wilaya :
Hodh Echarghi : 152444 inscrits.
Hodh El Gharbi : 120475 inscrits.
Assaba : 128483 inscrits.
Gorgol : 109304 inscrits.
Brakna : 153885 inscrits.
Trarza : 167512 inscrits.
Adrar : 45285 inscrits.
Nouadhibou : 67177 inscrits.
Tagant : 45285 inscrits.
Guidimakha : 74726 inscrits.
Tirs-Zemmour : 26314 inscrits.
Inchiri : 17219 inscrits.
Nouakchott Ouest : 97409 inscrits.
Nouakchott Sud : 113767 inscrits.
Nouakchott Nord : 109142 inscrits.
Total : 1428.867 inscrits.
NB : les Nationalistes négro-mauritaniens était en course avec deux candidats : Kane Hamidou Baba, candidat de la Coalition vivre-ensemble, et Birame Dah Abeid, un Haratine, largement soutenu par les électeurs de la vallée.
Qu’ils l’acceptent ou le contestent, les Toucouleurs sont minoritaires. Si nous leur rajoutons les Peuls, ils restent minoritaires. Et si tous les Négro-Mauritaniens s’unissent, leur poids démographique demeure inférieur par rapport à celui des Maures. Aussi leur espoir ne viendra pas des Harratines, parce que ces derniers ne sont pas des Négro-Mauritaniens ; ils sont des Arabes comme les Mamelouks, les vainqueurs des Tatars, étaient des Arabes. Peu importe, les FLAM sèment volontairement la confusion et comptabilisent toute personne noire vivant en Mauritanie quelle que soient sa langue, sa culture et sa provenance, c’est la réalité épidermique, de couleur noire qui compte pour eux.
Par rapport à la question des pourcentages communautaires, il serait juste de donner raison à Bah Ould Zein et Ambroise Queffélec, leur estimation est réaliste, ils écrivent :
« L’ensemble hassanophone constitue un groupe culturellement et linguistiquement homogène formé de deux sous-ensembles : Les Maures blancs ou Beïdane (singulier : Bidhani) d’origine arabo-berbère représentant environ 40 % de la population. Ils sont parfois métissés. Les Maures noirs ou Harratine (singulier : Hartani) dont les ancêtres razziés en pays noirs et asservis ont été totalement assimilés par leurs anciens maîtres blancs avant d’être affranchis : les harratines représentent également à peu près 40 % de la population. L’ensemble négro-mauritanien constituant approximativement 20 % de la population est formé principalement de quatre sous-ensembles, correspondant à des ethnies dont la majorité vit au Sénégal et au Mali, pays frontaliers : Les Haalpulaaren (locuteurs du poular) regroupent les Peulhs et les Toucouleurs habitant du Gorgol au Brakna ; Les Soninkés vivent dans le Gorgol et le Guidimaka ; Les Wolofs habitent surtout la région de Rosso. Les Bambaras, très minoritaires, vivent dans celle de Nema. Chacune des deux grandes composantes se trouve localisée dans une région donnée du pays, les Négro-Mauritaniens dans le Sud et les Maures dans le centre et l’est du pays. »
Et le recensement effectué en 1929 par l’administration coloniale qui n’avait pas inclue la grande partie orientale du pays presque exclusivement maure faisant encore partie du Soudan français, conforte leur appréciation. Voir le tableau ci-dessous :
Du côté des FLAM, il n’y a pas de chiffres pour infirmer ou confirmer les faits, tout juste de l’analyse sociologique, ils arguent que les Négro-Mauritaniens sont majoritaires pour les raisons suivantes :
1°/ un taux de fécondité beaucoup plus élevé chez les Négro-Mauritaniens (Harratine, Soninké, Haalpulaar, Wolof, Bambara) ;
2°/ la Polygamie qui est pratiquée presque exclusivement en milieu noir ;
3°/ l’instabilité du ménage beïdane en général caractérisé par un taux relativement important de divorces.
Cela dit, les antagonismes n’étant pas sur un terrain scientifique, la querelle des proportions est une histoire sans fin, et c’est peut-être cela l’intérêt pour les Négro-ethnicistes.
L’impossible égalité ethnique :
Les Nationalistes négro-mauritaniens ont toujours prôné un système « ethnocratique » de gestion des affaires de l’État. Cette philosophie politique court toujours et elle a ses partisans fougueux qui exigent un partage millimétré, à parts égales, du pouvoir et des richesses nationales entre les races, comme si la République était divisible en communautés.
L’article premier de la constitution mauritanienne qui s’inspire de celle de la France est clair sur la question communautaire :
– La République assure à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi.
– Toute propagande particulariste de caractère racial ou ethnique est punie par la loi.
Il saute aux yeux à la lecture de ce tout premier article de la loi fondamentale française que le système républicain répudie le communautarisme et consacre la citoyenneté, ce qui implique que les droits sont réservés aux citoyens à titre individuel et l’égalité est entre des citoyens et non pas entre des ethnies auxquelles la Constitution n’accorde rien sinon le déni, la non reconnaissance en tant qu’institution politique ou sujet de droit.
Un jour, le président François Hollande excédé par la dérive d’un certain discours politique français à forte teneur populiste, a tenu à faire la mise au point qui suit : « La République ne connaît pas de races ni de couleurs de peau. Elle ne reconnaît pas de communautés. Elle ne connaît que des citoyens, libres et égaux en droit. Et ce n’est pas négociable ».
Ajoutons à la précision de l’ancien président français qu’ethnie et peuple ne sont pas interchangeables. L’une n’étant qu’une partie de l’autre, c’est pourquoi on parle de peuple ou Nation française ou sénégalaise, etc., en se référant à la somme de toutes ses composantes ethniques.
Justement, le Nationalisme peul est transfrontalier, ses théoriciens, à défaut d’un État exclusif haalpular, militent partout où ils sont, au niveau de chaque État ouest-africain, afin d’obtenir la reconnaissance comme ethnie-peuple que l’on doit doter des droits garantis aux peuples. Et parce que les peuples sont égaux en droit, ils se fondent sur cette notion, la transposent et revendiquent l’égalité ethnique.
Admettons que l’État mauritanien ait inscrit dans sa Constitution l’égalité entre les ethnies de sa population, va-t-on lui demander encore de décréter que les Peuls, les Soninkés, les Wolofs et les Arabes soient savants, riches, artistes, sportifs, commerçants, industrieux et ingénieux au même degré ?
Un tel nivellement est évidemment impossible.
L’État est comme une famille et rien ne garantit que les enfants d’une même famille, traités et éduqués de la même manière, juste et appropriée, réussissent de la même façon. D’autres facteurs objectifs, qui n’ont rien à avoir avec l’action gouvernementale, jouent pour déterminer la trajectoire de chacun d’eux, pour le conduire à la réussite ou à l’échec ou à une position intermédiaire. C’est dans l’ordre naturel des choses. Par contre, il est du devoir de l’État, et c’est facile, de poser les règles de justice, d’équité et d’égalité des chances, les mêmes pour tous, et les faire respecter ; parce qu’il est le protecteur, le distributeur et le régulateur. Et dans ces conditions, l’ascenseur social devra fonctionner en toute normalité au profit de tous les citoyens sans que leur ascension soit garantie, puisqu’il y a des facteurs qui font qu’un groupe émerge et un autre reste à la traîne. Il s’agit du dynamisme, de l’esprit d’initiative, de la créativité, de l’ingéniosité, de l’histoire, de la démographie, etc.
Qui connaît l’Afrique sait que ses ethnies n’avaient pas joué le même rôle dans la création et l’indépendance des États ; comme elles n’avaient ni la même importance historique ni le même poids démographique.
Au Mali, par exemple, comment peut-on en toute logique mettre sur un pied d’égalité les Bambaras et les Bozo ?
Le faire serait une grosse erreur d’appréciation et d’ignorance de la géographie humaine malienne !
De manière générale, les Nations ne progressent pas de la même manière et au même rythme mais la roue de l’Histoire tourne. Ainsi, pendant une époque, les Arabes avaient dominé, ils étaient arrivés à Poitiers en France. Pendant le dix-huitième et le dix-neuvième siècles, les Anglais et les Français étaient les maîtres du monde. Après la deuxième guerre mondiale le leadership universel est passé aux Américains et aux Russes. Demain, ça sera le tour des Chinois et ainsi de suite. Donc, il n’y a pas de fatalité en la matière. C’est par le travail et par les grandes œuvres que les peuples se distinguent et vont de l’avant. Il est irrationnel de chercher à brûler les étapes ou engager une concurrence dont les termes sont loin d’être les mêmes pour tous.
En rapport avec la question de l’égalité ethnique, les Négro-communautaristes posent aussi celle de l’égalité linguistique en soutenant que toutes les langues se valent. Sur ce point, ils ont raison, du moins en partie, dans la mesure où la langue est par définition un système de communication. Tout à fait, mais les langues ne sont pas au même degré de développement et elles n’ont pas toutes le même rayonnement international. Va-t-on, par particularisme mettre l’Occitan ou le catalan ou le tahitien au même degré d’influence planétaire que le français, langue universelle, onusienne et classée à la quatrième ou à la cinquième place sur la liste des langues les plus parlées au monde ?
L’intégration c’est : « la fusion d’un territoire ou d’une minorité dans l’ensemble national ». Elle est tout sauf l’exclusion ; parce qu’elle « se distingue de l’assimilation qui tend à faire disparaître toute spécificité culturelle ». L’intégration raffermit donc les liens sociaux et refuse la ghettoïsation porteuse de ségrégation, son objectif est de mixer les ethnies dans un même moule pour en faire une même Nation, bigarrée certes mais Nation unie tout de même.
Cela étant dit, pour qu’un citoyen issu d’une minorité accède à la magistrature de son pays, le plus démocratiquement du monde, il doit sans complexe faire comme Barack Obama.
L’ancien président américain avait bien compris. Il savait qu’il ne pouvait pas compter sur les 10 pour cent du vote noir pour gagner l’élection présidentielle américaine. En bon démocrate, non ethniciste et non communautariste, il avait fait le bon choix de l’intégration, ainsi il a pris les commandes des États-Unis et il a dirigé le monde. Un Malcolm X ou un autre militant noir américain ne serait jamais parvenu à cause du négro-centrisme, du refus de voir les choses en grand et avoir de grands projets pour l’avenir.
De l’autre côté du fleuve Sénégal, Macky Sall a adopté la même conduite qu’Obama, il n’avait pas fait de son appartenance ethnique une stratégie de conquête du pouvoir. Macky, le Toucouleur, était le lieutenant du Wolof Abdoulaye Wade, il avait attendu son heure ‘’nationale’’ ; celle-ci avait sonné un jour de mars 2012, aujourd’hui il est le président de tous les Sénégalais, toutes ethnies confondues.

L’État binational exigé.

Ely Ould Sneiba

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