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Le style Ghazouani : autorité douce ou abdication rampante ?

Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani donne l’image d’un chef apaisé, mais les tensions internes, purges sécuritaires et dérives institutionnelles interrogent : gouverne-t-il encore ou subit-il son entourage ? Analyse.

Le style Ghazouani : autorité douce ou abdication rampante ?

Le chef de l’État n’est pas absent. Il est là. Présent sur les terrains, inaugurant, prononçant, appelant à l’unité. Mais l’écart entre sa parole et l’état réel de son régime devient, chaque jour, plus visible.

On le disait calme, tempéré, ennemi des confrontations. Il est aujourd’hui perçu par certains comme passif, sinon prisonnier d’un entourage dont il peine à maîtriser les ambitions croisées. Il gouverne, certes. Mais gouverne-t-il encore seul ? Où gouverne-t-il sous la contrainte de deals permanents, de compromis étouffants, de loyautés variables ?

Les récentes purges dans les secteurs sécuritaires, les limogeages discrets dans la haute administration, les rotations politiques de dernière minute, ont moins éclairci l’horizon qu’ils n’ont révélé un pouvoir agité, réactif, sous tension.

L’apaisement qu’il préconisait semblait devenir une douleur insoutenable, tant les compromis censés garantir la stabilité produisent désormais le vertige de l’immobilisme et le goût amer de la défiance.

Le scandale comme mode de régulation ?

Un jour, une affaire. Un ministre contesté, un haut fonctionnaire démis, un enregistrement fuité, un dossier exhumé d’un tiroir poussiéreux. Le rythme est soutenu, comme si le régime n’avait plus de programme politique, mais seulement un calendrier de crises.

La guerre contre la corruption ? Bien sûr. Mais laquelle ? Celle qui purifie ou celle qui sélectionne ? Car l’activation soudaine de dossiers dormants, les accusations ciblées, les campagnes médiatiques surgies au bon moment, ressemblent moins à une opération de moralisation qu’à un instrument de guerre froide interne. Une guerre par médias interposés, où l’on nettoie moins qu’on neutralise.

La morale est devenue une arme. Et la justice, une géométrie variable, adaptée à la cartographie mouvante des rivalités du moment.

Et le dialogue dans tout ça ?

Le dialogue national promis depuis des mois — cette grande cérémonie de la réconciliation démocratique — risque de n’être qu’un trompe-l’œil, un théâtre de façade où les vraies tensions se jouent en coulisses. Car on ne dialogue pas avec des couteaux sous la table. On ne négocie pas avec des clans en guerre larvée.

Si le pouvoir continue à maquiller les divisions profondes sous le langage du rassemblement, sans régler les contentieux internes, le dialogue échouera avant même d’avoir commencé. Il ne servira qu’à légitimer un statu quo vicié, un équilibre instable entre forces antagonistes.

Vers quel horizon ?

Le moment est grave, mais pas désespéré. Le président Ghazouani a encore les moyens d’imprimer une vision claire, ferme, rassembleuse. Mais il doit choisir : demeurer dans l’ambiguïté prudente ou affronter la vérité de son pouvoir.

Il ne s’agit plus de temporiser. Il s’agit de trancher. Clarifier les lignes. Assumer les choix. Rompre avec la logique du compromis perpétuel, où l’État devient une mosaïque de clientèles concurrentes.

Car un régime sans colonne vertébrale n’est qu’une somme de tentacules.

Et si rien ne change, ce ne sera pas l’opposition qui renversera le système : c’est le système lui-même qui s’effondrera sous son propre poids.

Balzac écrivait : « Derrière chaque grande fortune, se cache un crime. »
En Mauritanie, derrière chaque scandale, il y a peut-être un avertissement. Écouterons-nous à temps ?

Portrait du président Ghazouani

Dernières évolutions du dialogue national

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Rapport Transparency International sur la Mauritanie

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