Kaaw Touré : Une icône de la lutte pour les droits des Noirs en Mauritanie
Kaaw Touré : Une icône de la lutte pour les droits des Noirs en Mauritanie
Par Dieynaba TANDIANG – Lii Quotidien, édition n°1218, relayé par Senalioune
Kaaw Touré, militant infatigable pour les droits humains et figure emblématique de la lutte pour la justice sociale en Mauritanie, voit aujourd’hui son parcours remarquable immortalisé à travers le documentaire IAM BLACK du réalisateur suédois Matz Eklund. Ce film, qui retrace le combat de cet activiste mauritanien, a remporté le prix du meilleur documentaire au prestigieux Festival de cinéma scandinave de Boden en Suède.
Pour beaucoup, Kaaw Touré n’est pas seulement un militant, c’est une source d’inspiration, un modèle de persévérance et d’intégrité. Kaaw Touré, mon grand frère de lutte pour une Mauritanie unie et indivisible, je l’appelle Mownam, littéralement en poular « grand frère ». Ce terme n’est pas simplement une appellation affectueuse, il reflète le respect et l’admiration que je lui porte. À travers son parcours et ses combats, il incarne un guide, une lumière pour ceux qui aspirent à une société juste et égalitaire.
La reconnaissance de son rôle dans la lutte pour la dignité humaine ne fait que renforcer l’importance de ce portrait dressé par Dieynaba TANDIANG. J’ai été profondément ému en lisant ce profil sincère et véridique. Il capture parfaitement l’essence de ce qu’est Mownam pour nous : un homme d’honneur, un pilier de la lutte pour les droits des opprimés, et un fervent défenseur de l’unité et de l’indivisibilité de la Mauritanie. Je remercie infiniment Dieynaba pour ce témoignage précieux qui perpétue son héritage.
Un combat né d’un engagement précoce
Originaire de Jowol, dans le sud de la Mauritanie, une région historique du Fouta, Kaaw Touré, de son vrai nom Elimane Bilbassi, a grandi dans un contexte marqué par les inégalités sociales et ethniques. À seulement 15 ans, ce jeune lycéen s’engageait déjà dans la défense des droits des Noirs mauritaniens. Cet engagement précoce lui a valu d’être arrêté à 18 ans, devenant ainsi le plus jeune prisonnier politique du régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya en 1986. Son arrestation faisait suite à la publication du Manifeste du négro-mauritanien opprimé, un document dénonçant les discriminations systémiques.
De la prison à l’exil
« Cette expérience carcérale sous un régime militaire brutal a renforcé mes convictions », confie Kaaw Touré. À sa libération en 1987, il reprend aussitôt la lutte et organise avec d’autres lycéens de Kaédi une grève pour dénoncer l’exécution de trois martyrs noirs au camp de Jreïda. Recherché par les autorités, il est contraint de fuir la Mauritanie pour le Sénégal en décembre 1987.
Installé à Dakar, Kaaw poursuit ses études au lycée Seydina Limamoulaye, où il obtient son baccalauréat, avant d’intégrer l’École nationale d’économie appliquée (ENEA). Diplômé en planification économique, il travaille comme consultant pour l’ONG Plan International dans la région de Thiès. Parallèlement, il continue son militantisme avec d’autres exilés mauritaniens, alertant la communauté internationale sur la situation politique de son pays.
Au Sénégal, Kaaw Touré occupe le poste de responsable de la presse et de la communication des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), dirigeant également la publication de leur journal Le Flambeau, interdit en Mauritanie. Cette activité militante lui vaut d’être ciblé par des tentatives d’extradition, poussant les Nations Unies à lui accorder l’asile politique en Suède en 1999.
Un activisme qui traverse les frontières
En Suède, Kaaw Touré poursuit ses études, obtenant un master en sciences sociales et histoire des langues. Il travaille aujourd’hui comme responsable de l’insertion des migrants et formateur en langues modernes. Ses combats, cependant, ne se limitent pas à sa carrière : poète reconnu, il a publié un recueil de poésie en pulaar intitulé Sawru Gumdo (« La canne de l’aveugle ») et s’attelle à la rédaction d’une nouvelle œuvre en pulaar et en français.
Sur les réseaux sociaux, Kaaw reste une voix influente. Sa page Facebook, suivie par plus de 100 000 abonnés, est une plateforme majeure pour les débats sur la justice sociale et les droits humains en Mauritanie.
De ses débuts dans le Fouta à son exil en Europe, le parcours de Kaaw Touré est celui d’un homme qui a transformé l’adversité en moteur de changement, inspirant des générations à défendre la dignité et l’égalité.
Avec Senalioune
Ahmed Ould Bettar pour Rapideinfo