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Intégration des 868 non-permanents de la SOMELEC : Une décision stratégique à plusieurs niveaux

L'intégration des 868 travailleurs non permanents de la SOMELEC décidée par le Premier ministre mauritanien El Moctar Ould Djay dépasse le cadre administratif. Elle révèle une manœuvre politique et sociale pour contenir les tensions syndicales et renforcer l'image de l'État.

Sous l’apparence d’une régularisation administrative, l’instruction du Premier ministre El Moctar Ould Djay pour l’intégration de 868 travailleurs précaires de la SOMELEC s’inscrit dans une stratégie plus vaste de stabilisation sociale et de repositionnement politique.
Derrière ce qui peut apparaître comme une décision administrative ponctuelle — l’instruction du Premier ministre El Moctar Ould Djay pour l’intégration de 868 travailleurs non permanents de la SOMELEC — se cache en réalité une opération de régulation sociale à forte intensité symbolique, politique et managériale.
Le lexique employé dans le communiqué — solution urgente, définitive et équitable — inscrit la décision dans une temporalité de crise maîtrisée. L’urgence n’est pas sanitaire, mais sociale ; elle vise à désamorcer une pression accumulée dans le champ syndical et à prévenir une escalade contestataire au sein d’un service stratégique : la distribution d’électricité, pilier de la stabilité urbaine.
Le recours à la figure du Président de la République, présenté comme source de la directive initiale, permet au Premier ministre de s’ancrer dans une légitimité verticale tout en s’appropriant la mise en œuvre horizontale. C’est là un mécanisme classique de délégation d’autorité instrumentalisée, où le technocrate applique ce que le politique inspire, tout en s’en créditant.
L’usage du terme intégration — et non titularisation — n’est pas neutre. Il laisse ouverte la possibilité d’une inclusion statutaire sans pour autant garantir l’alignement automatique sur le statut des fonctionnaires permanents.
Autrement dit, il s’agit davantage d’une promesse d’intégration progressive que d’un droit acquis immédiatement opposable.
L’instruction du Premier ministre intervient après deux réunions ministérielles en une semaine, ce qui traduit une volonté claire d’inscrire cette opération dans une logique de régulation par absorption. Les non-permanents constituent, en effet, une masse critique instable : actifs, précaires, souvent en contact direct avec les usagers. Leur mobilisation pourrait facilement devenir le levier d’un mécontentement plus large.
L’intégration vise donc à les neutraliser symboliquement par une inclusion statutaire promise, tout en réaffectant la responsabilité de leurs revendications sur la technostructure ministérielle. Ce faisant, l’État se repositionne non plus comme oppresseur, mais comme arbitre bienveillant, ce qui redore ponctuellement son image sociale à peu de frais.
Il ne faut pas sous-estimer l’arrière-plan stratégique de cette décision : la SOMELEC est une entreprise publique soumise à des tensions hybrides entre efficacité commerciale, contraintes budgétaires et exigences sociales. Intégrer 868 travailleurs, c’est aussi :
Réaffirmer le contrôle de l’État sur la gouvernance interne de l’entreprise ;
Préparer une réorganisation managériale en contexte de pression sur les performances;
Préempter le discours syndical, en le privant de ses troupes les plus volatiles.
Il s’agit d’une contractualisation implicite : loyauté contre emploi, silence contre sécurisation statutaire.
Ce qui semble être une simple mesure de régularisation salariale est en réalité une opération sophistiquée de stabilisation politico-institutionnelle. L’État, par le biais du Premier ministre, engage ici un mécanisme triplement vertueux sur le plan symbolique (justice sociale), technique (réduction de la précarité interne) et politique (gestion proactive de la contestation).

Mohamed Ould Echriv Echriv

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