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GTA, levier de puissance énergétique pour la Mauritanie et le Sénégal

Le projet gazier GTA marque une étape majeure dans l’histoire énergétique ouest-africaine. Entre avancée technique et tensions communautaires, retour sur un tournant stratégique pour la Mauritanie et le Sénégal.

GTA
Dakar / Nouakchott – Le projet gazier Greater Tortue Ahmeyim (GTA), fruit du partenariat entre bp et Kosmos Energy, franchit un jalon historique : l’exportation de la première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis la plateforme flottante Gimi. Une percée stratégique pour les deux rives du fleuve Sénégal, qui ambitionnent désormais de s’imposer comme plaques tournantes du gaz offshore en Afrique de l’Ouest.

Un tournant énergétique majeur

Le 31 décembre 2024, le FPSO installé à 120 kilomètres au large a commencé à traiter les premières injections de gaz à plus de 2 800 mètres de profondeur. Quelques mois plus tard, le 17 avril 2025, bp annonçait le chargement de la première cargaison GNL vers les marchés mondiaux. Cette étape marque l’entrée concrète du projet GTA dans le circuit international de l’énergie.

Capacité industrielle et rentabilité attendue

Dans sa première phase, GTA produira entre 2,3 et 2,5 millions de tonnes de GNL par an, avec un potentiel de montée en puissance à 2,4 Mt/an. Ce volume, bien que modeste au regard des géants gaziers mondiaux, constitue une manne nouvelle pour la Mauritanie et le Sénégal, avec une exploitation prévue sur plus de 30 ans.

Selon le Financial Times, les recettes attendues pourraient transformer les équilibres budgétaires des deux pays, notamment pour la Mauritanie, en quête de diversification face à l’essoufflement des secteurs extractifs traditionnels.

Une prouesse technologique à surveiller

Le cœur du dispositif repose sur une synergie de haute précision : un FPSO traitant 500 millions de pieds cubes de gaz par jour, connecté par pipeline à une unité flottante de liquéfaction (FLNG). Mais ce système sophistiqué n’est pas sans risque. En mars 2025, une fuite de faible intensité détectée sur le puits A02 a rappelé les défis environnementaux du projet. Les autorités des deux pays et bp ont dû réagir rapidement pour rassurer les observateurs.

Réactions sociales et impact local

Sur le littoral sénégalais, notamment à Saint-Louis, des pêcheurs dénoncent déjà une réduction de leurs zones d’activité. L’accès restreint aux zones maritimes proches des installations, combiné à des soupçons de rejets de méthane, nourrit les crispations dans des communautés dépendantes de la mer. Ces griefs, relayés par des ONG et journalistes internationaux, posent la question d’une gouvernance énergétique inclusive.

Gouvernance et montage partenarial

GTA repose sur une architecture capitalistique équilibrée : bp (56 %) mène le projet aux côtés de Kosmos Energy (27 %), avec une participation souveraine des compagnies nationales Petrosen (10 %) et SMH (7 %). En octobre 2024, une décision arbitrale a confirmé le monopole d’achat de bp sur le GNL produit pendant 20 ans, garantissant une stabilité commerciale mais soulevant des débats sur la souveraineté énergétique.

Vers un doublement de capacité

La phase 2 du projet, en cours d’étude, envisage un doublement de la capacité de liquéfaction, pour atteindre 5 Mt/an. Par ailleurs, un contrat signé avec Oceaneering assure la maintenance sous-marine, en prévision de la montée en régime prévue pour le second semestre 2025.

Une carte géopolitique redessinée

Avec GTA, la Mauritanie et le Sénégal rejoignent le cercle restreint des producteurs africains de GNL. Le Financial Times n’hésite pas à qualifier la Mauritanie de « nouveau hub énergétique », à l’instar du Mozambique ou de l’Angola. Ce nouveau statut énergétique s’accompagne toutefois de responsabilités nouvelles : transparence des contrats, redistribution équitable, protection de l’environnement et paix sociale.

Tribune – Une énergie sous tension

GTA est bien plus qu’un projet gazier. Il incarne une promesse de développement économique, mais aussi un test grandeur nature de gouvernance en Afrique de l’Ouest. Le succès durable de cette aventure ne dépendra pas seulement du gaz extrait, mais de la capacité à conjuguer performance industrielle, justice sociale et vigilance environnementale. Sans cela, le gaz pourrait devenir plus un facteur de tension qu’un vecteur de transformation.

Par Mohamed Ahmed

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