Droit de réponse à notre frère ould Sneiba
Cher frère Ely,
Nous avons pris connaissance de votre analyse sur la question des conflits ethniques en Afrique de l’Ouest, et particulièrement de votre lecture du « nationalisme peul » en Mauritanie. Permettez-nous d’apporter quelques éclaircissements et de corriger certaines approximations qui pourraient induire en erreur les lecteurs.
1. Sur la notion de « nationalisme peul »
Qualifier les revendications peules de « nationalisme » ou d’« ethnocentrisme » est une simplification excessive. Les Peuls, comme d’autres communautés en Mauritanie, expriment avant tout un besoin de justice, de reconnaissance et d’égalité. Les revendications portées dans la « Lettre des 19 » ou le « Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé » ne sont pas des appels à la division, mais des cris d’alerte face à des discriminations structurelles et à l’exclusion.
2. Sur la question linguistique et culturelle
L’attachement à la langue et à la culture peules ne vise pas à exclure les autres, ni à rejeter l’arabe en tant que langue nationale. Il s’agit de défendre le droit à la diversité culturelle, reconnu par de nombreux textes internationaux et même par la Constitution mauritanienne. L’enseignement de l’arabe ne devrait pas se faire au détriment des langues nationales africaines, tout comme la promotion du français ne doit pas être vue comme une opposition à l’arabe. La vraie richesse de la Mauritanie réside dans son pluralisme linguistique et culturel.
3. Sur le partage du pouvoir et des richesses
Demander un partage équitable du pouvoir et des richesses n’est pas une revendication séparatiste ou raciale, mais une exigence de justice sociale. L’histoire récente de la Mauritanie montre que l’exclusion et la marginalisation de certaines communautés sont des réalités. Reconnaître cela n’est pas attiser la division, mais œuvrer à la réconciliation et à la construction d’une nation plus juste.
4. Sur l’accusation d’« apartheid institutionnalisé »
Comparer les revendications peules à un « apartheid racialement consenti » est une grave méprise. Les Peuls, comme les Soninkés, les Wolofs, les Maures, aspirent à une Mauritanie unie, respectueuse des droits de chacun. Ce qui est rejeté, c’est la domination d’un groupe sur les autres, pas la coexistence harmonieuse.
5. Sur la question de l’indépendance
Enfin, suggérer que les Peuls devraient « rester au Fouta et revendiquer l’indépendance » revient à nier leur enracinement historique et légitime en Mauritanie. Les Peuls sont chez eux en Mauritanie, tout comme les autres communautés. La solution n’est pas dans la séparation, mais dans la reconnaissance mutuelle, le dialogue et la justice.
Ewya !
Nous invitons à dépasser les lectures réductrices et à œuvrer ensemble pour une Mauritanie plurielle, où chaque citoyen, quelle que soit son origine, se sent respecté et reconnu. La paix et la stabilité de notre pays ne peuvent être garanties que par la justice, l’inclusion et le respect de la diversité.
Fraternellement,
Abdoulaziz DEME
Le 02 Juin 2025