Éditorial | Diplomatie et désinformation : La Mauritanie n’a pas à répondre à des rumeurs qui ne lui sont pas destinées.
Un article sur les répercussions des rumeurs concernant la Mauritanie et Israël, et l'importance du silence diplomatique face à la désinformation.
Éditorial | Diplomatie et désinformation : La Mauritanie n’a pas à répondre à des rumeurs qui ne lui sont pas destinées.
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Par Ahmed Ould Bettar
Il arrive parfois que l’écho d’une fausse nouvelle résonne plus fort que la vérité elle-même. Et lorsque cet écho atteint des sphères officielles, poussant même des gouvernements à réagir à des rumeurs creuses, cela mérite réflexion. Ce fut récemment le cas lorsqu’une information, manifestement infondée, a circulé sur une prétendue reprise des relations entre la Mauritanie et Israël. Une nouvelle d’apparence anodine, mais aux répercussions symboliques et politiques immédiates.
Or, ce qui surprend, voire déroute, c’est la promptitude avec laquelle des voix mauritaniennes – des citoyens comme des responsables politiques – se sont senties obligées de démentir cette non-information. Car il ne s’agissait ni d’un communiqué officiel israélien, ni d’une déclaration de nos autorités, ni d’un fait vérifié par une source crédible. Juste une rumeur, soufflée par des cercles médiatiques dont le public cible n’est nullement mauritanien.
La question n’est donc pas celle du fond – la Mauritanie a, depuis 2009, rompu ses relations avec Israël, une décision souveraine prise dans un contexte bien particulier et qui n’a jamais été remise en cause depuis. La question est celle de la forme : pourquoi accorder tant d’importance à une bulle médiatique fabriquée ailleurs ? Pourquoi prêter le flanc à des « scoops » dont le but n’est autre que de servir des intérêts étrangers, souvent enrobés d’objectivité, mais mus par des logiques internes, partisanes ou géopolitiques ?
Dans le pays voisin d’où cette rumeur est partie, les médias ne se contentent plus d’informer : ils militent, ils façonnent l’opinion, ils défendent des choix politiques de manière assumée. Cela est leur droit, leur ligne éditoriale, leur responsabilité. Mais que cette production discursive traverse nos frontières pour trouver ici un écho, voire une justification officielle, relève du malentendu diplomatique. Ce n’est pas à la Mauritanie de répondre à des insinuations destinées à d’autres, ni de jouer le jeu de ceux qui veulent camoufler leurs propres rapports avec Tel-Aviv en pointant du doigt des pays tiers.
Car soyons clairs : il faut être naïf, voire complice, pour croire que cette rumeur visait véritablement la Mauritanie. Elle n’était qu’un outil de diversion, destiné à banaliser des rapprochements stratégiques entre certains États arabes et Israël, en suggérant que « tout le monde le fait ». Et la Mauritanie, dans cette logique, devient un pion rhétorique, utilisé pour justifier l’indéfendable aux yeux d’opinions publiques encore rétives à une normalisation sans contrepartie.
Faut-il donc répondre à tout ? Faut-il s’aligner sur les émotions dictées par les réseaux sociaux, les chaînes satellitaires ou les agences de presse étrangères ? À l’heure de la guerre informationnelle, la plus grande force d’un État n’est-elle pas parfois son silence ? Car démentir une rumeur qui ne nous est pas destinée, c’est déjà en accepter les règles du jeu.
Il est temps que notre pays apprenne à se protéger de ces manipulations symboliques. En diplomatie, comme en communication, ce que l’on ne dit pas peut être aussi puissant que ce que l’on affirme. Et dans ce cas précis, la meilleure réponse à la désinformation aurait été l’indifférence.
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