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Tribune – Mauritanie : les défis sécuritaires d’un État en vigilance permanente

Face au silence des experts locaux, Rapide Info propose une analyse indépendante des défis sécuritaires en Mauritanie, entre pressions djihadistes, tensions internes et coopération internationale.

Par la rédaction de Rapide Info
Ce mois-ci, Rapide Info avait prévu de publier un entretien exclusif avec un expert en sécurité pour faire la lumière sur les principaux défis sécuritaires auxquels la Mauritanie est aujourd’hui confrontée. L’objectif était d’apporter un regard éclairé et documenté sur la situation nationale dans un contexte régional sous haute tension. Mais, dans les faits, obtenir une telle expertise s’est révélé être un parcours semé d’embûches.

J’ai d’abord contacté un expert reconnu, dont l’agenda ne permettait pas d’échange dans les délais. Puis d’autres, sollicités à leur tour, n’ont tout simplement pas répondu. Cette difficulté d’accès à la parole experte en dit long. En Mauritanie, il semble parfois qu’il faille porter l’étiquette d’un média international pour espérer avoir accès à l’information officielle ou obtenir des contributions éclairantes. Ce constat, loin d’être une simple frustration journalistique, reflète un manque de transparence regrettable sur des enjeux pourtant cruciaux.

Face à ce silence, et fidèle à notre engagement d’informer, nous avons décidé de publier cette tribune, synthèse rigoureuse de plusieurs sources fiables (Le Monde, ISS Africa, Le Point, Wikipédia, La Revue de Dakar, AMI, Znaki.fm) pour décrypter les réalités sécuritaires du pays.

1. Une exception dans le Sahel ?

La Mauritanie est souvent citée comme un modèle de stabilité dans une région secouée par les insurrections armées et les coups d’État à répétition. Pourtant, cette stabilité reste fragile.

D’un côté, la pression des groupes armés djihadistes venus du Mali voisin (GSIM notamment) reste constante. La porosité des frontières rend les infiltrations possibles, et des incidents ont été signalés dans le passé.

À cela s’ajoutent les tensions communautaires internes, terrain fertile pour les discours extrémistes et les fractures sociales. Des conflits latents ou ouverts entre communautés sont autant de failles exploitables par les groupes armés.

Enfin, les migrations irrégulières et les trafics illicites (drogue, armes, êtres humains) brouillent la lisibilité des dynamiques sécuritaires. La Mauritanie, couloir de transit vers l’Europe, subit les conséquences d’une politique migratoire externalisée, financée par l’Union européenne, mais aux pratiques parfois controversées.

2. Une stratégie sécuritaire multidimensionnelle

Depuis plus d’une décennie, la Mauritanie mise sur une approche sécuritaire proactive, à plusieurs volets :

Des forces spéciales (GSI) bien entraînées patrouillent les zones sensibles.

Des unités méharistes, montées sur dromadaires, permettent une surveillance fine dans les régions les plus reculées.

Un programme de dialogue religieux, pionnier dans la région, mobilise des érudits islamiques pour lutter contre l’idéologie djihadiste auprès des détenus.

Enfin, certaines zones frontalières ont été militarisées, avec des restrictions strictes de déplacement.

Résultat : aucun attentat majeur n’a été signalé sur le sol mauritanien depuis 2011. Un fait rare dans le contexte sahélien.

3. Tensions internes : la menace silencieuse

La sécurité ne se mesure pas qu’aux frontières. Les tensions sociales, les inégalités et les discriminations persistantes peuvent, elles aussi, miner la stabilité nationale.

Le pays s’efforce de promouvoir le dialogue intercommunautaire, mais les efforts restent fragmentés. Sans une politique d’inclusion affirmée, les fractures internes pourraient à terme saper les acquis sécuritaires.

4. La coopération internationale, un pilier discret mais essentiel

La stabilité de la Mauritanie repose aussi sur un maillage dense de partenariats :

• L’Union européenne finance des programmes de sécurité et de gestion migratoire.

La Coalition Militaire Islamique, à majorité arabe, a lancé un programme quinquennal de soutien militaire.

• Des accords bilatéraux avec des voisins comme le Maroc ou l’Algérie permettent un partage de renseignements utile.

Mais cette coopération reste souvent asymétrique. L’aide extérieure ne doit pas se substituer à une stratégie nationale fondée sur l’inclusion, la redevabilité et la transparence.

5. Recommandations pour un avenir plus sûr

D’après notre analyse, plusieurs recommandations s’imposent :

• Moderniser le renseignement par des outils technologiques et des formations ciblées.

• Renforcer les programmes de déradicalisation, en les ouvrant à la société civile.

• Miser sur le développement local, pour réduire la vulnérabilité des populations à la propagande extrémiste.

• Inclure davantage les jeunes dans les processus décisionnels et dans la construction d’une citoyenneté inclusive.

• Renforcer la coopération régionale, dans une logique d’égal à égal.

Conclusion

La Mauritanie a jusqu’à présent su éviter le chaos sahélien. Mais sa stabilité ne doit pas masquer les fragilités profondes. Ce n’est pas une victoire définitive, mais un équilibre instable, constamment menacé.

En l’absence de parole officielle ou experte accessible, le rôle de la presse indépendante devient d’autant plus crucial : informer, documenter, interroger, même — et surtout — quand les portes sont closes. Car c’est dans le silence que s’installent les menaces les plus insidieuses.

Tribune réalisée à partir des sources suivantes : lemonde.fr, fr.wikipedia.org, larevuededakar.com, issafrica.org, ami.mr, lepoint.fr, znaki.fm

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