Décryptage : le volcan / Par Ahmed Ould Bettar 3e partie

Une mobilisation nécessaire pour éviter l’irruption du volcan

Aujourd’hui, les autorités du pays ne sont plus devant un imbroglio politique difficile à résoudre, mais, devant le défi combien cher à tous les mauritaniens de préserver l’unité nationale pour éviter des perturbations sismiques qui peuvent encore durer. Que la politique s’enfonce, ce n’est pas la priorité des priorités, du moins pour l’heure,

où l’espace universitaire, jusqu’à une date récente, préservé des affres de la politique politicienne, a été, volontairement ou non, choisi par la seconde personnalité de l’Etat, en l’occurrence le Premier ministre, pour mettre le feu à la baraque.

Un chef du gouvernement qui doit être immédiatement limogé pour avoir réveillé les vieux démons de la rivalité ethnique, pour avoir tenu un discours discriminatoire devant des jeunes générations, condamnées à vivre ensemble le reste de leur vivant.
Dans d’autres Etats africains, cela s’appelle un ethnocide dont les auteurs font l’objet de poursuites judiciaires, pour avoir choisi les interdits pour détourner l’opinion publique de leurs échecs patents.

Hier, aujourd’hui et peut-être demain, l’université de Nouakchott a été le théâtre de violents affrontements entre les étudiants maure et kwar.

Le drame allait être considérable, si les autorités n’avaient pas pris les précautions nécessaires pour maîtriser la situation et arrêter les faiseurs de troubles, présentement manipulés par des mains discrètes, vraisemblablement proches des partis cartables qui ont fait récemment une allégeance au guide de la Jamahiriya arabe libyenne.

Le Conseil des ministres s’est tenu de manière concomitante à ces douloureux événements, à moins d’un demi-kilomètre des lieux de l’affrontement, où en séance plénière, le président de la République devait être tenu à la seconde prés de l’évolution des heurts.

Il n’est pas sûr que le chef de l’Etat puisse réellement regarder le Premier ministre avec des airs de satisfaction, étant donné que c’est Moulaye Ould Mohamed laghdaf qui a mis le bûcher brûlant à la case et pas n’importe quelle case : celle de jeunes innocents mêlés à la politique politicienne.

Le Premier ministre et Mme la ministre de la Culture, de la jeunesse et des Sports, ont malheureusement manqué d’improvisation et d’imagination. Très étonnant chez des gens connus pour être des intellectuels, entre les mains desquels, l’avenir de tout un pays est mis pour le mener à bon port.

Le Conseil des ministres est-t-il une simple copie de ces sessions hebdomadaires du gouvernement qui n’apporte rien de nouveau, à part ce projet de loi autorisant le Président de la République à ratifier l’accord portant Statut du Centre arabe de prévention des risques sismiques. Alors que pour la Mauritanie, les risques sismiques sont aussi d’ordre politique, économique et social, ce conseil va-t-il continuer d’examiner ou d’adopter des projets de loi dont personne ne peut réellement comprendre la portée ?

Dans cette situation explosive, les plans d’urgences et le déploiement des troupes de secours restent pour le moment le choix le plus réaliste et la plus grande des priorités, comme tente d’ailleurs de nous faire croire aujourd’hui le Président de la République.

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En ce sens, le chef de l’Etat n’a-t-il pas donné des ordres stricts au président de la commission nationale des droits de l’homme M. Bamarièm Baba Koïta, pour lui faire régulièrement un compte-rendu de la situation des droits de l’homme, avec tout ce que cela comporte de dérivés comme discrimination négative, injustice sociale, culturelle, pratiques esclavagistes…

Mais, en donnant cette instruction, Ould Abdel Aziz ne risque-t-il pas de se retrouver devant une montagne de violations des droits de l’homme, que la tournée électorale dans le triangle de la pauvreté ne lui avait pas permis de cerner toute l’ampleur et la cruauté.

En effet, le président des pauvres, sera mis, si la Cndh ne joue pas à la désinformation, devant une situation intenable qui demande un travail de titan.
Semblablement, ils sont aujourd’hui plus d’un 1 million de mauritaniennes à souffrir de tous les maux : anxiété, dépression, troubles psychotiques, sans voir une aide d’urgence ; dans le même temps, la période de soudure approche et l’hivernage avec ces inondations qui peuvent réveiller un volcan toujours bouillonnant malgré les deux communiqués, séparément, du Fonadh et du Syndicat National des Etudiants de Mauritanie (SNEM).

Les hratin dénoncent les nombreuses exactions dont ils sont victimes à tous les stades de l’échelle administrative. Le président de Sos-esclaves Boubacar Ould Messoaud parle de discrimination dans l’installation des canalisations d’eau à Male.
Le défenseur des Droits de l’homme Biram Ould Dah Ould Abeid attire de plus en plus de soutiens dans les rangs des hratin et auprès des Ongs des droits de l’homme.

Ce militant semble décider à affronter tout le système pour se faire entendre et pour que la justice sociale soit monnaie courante dans le pays.
Ceci dit, le défi le plus urgent maintenant pour les autorités est le respect des droits les plus fondamentaux pour la préservation de l’unité nationale, perturbée depuis le discours du Premier ministre, à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de la ligue arabe.

Sur le plan sanitaire, il ne s’agit de sacrifier quelqu’un à tort ou à raison en le limogeant mais de sentir à quel degré les mauritaniens ont besoin des financements et d’une véritable synergie de tous les efforts pour construire des hôpitaux privés, des écoles, des infrastructures de base.

L’aide internationale sera également nécessaire pour augmenter les salaires des journalistes de la presse officielle, des enseignants, des médecins généralistes et de l’ensemble des fonctionnaires.

Bien que toute cette panoplie de besoins interpelle les autorités à agir le plus vite, comme vient de l’annoncer Tawassoul, il faut se mobiliser pour empêcher les fils d’un seul et même pays de s’entretuer, sous les regards passifs et impuissants du pouvoir et de l’opposition.

C’est vrai que les heurts de l’université doivent faire oublier aux acteurs leurs différents et les conduire à se mobiliser tous pour éviter la déchirure, l’irruption du volcan, qui peut, une fois survenue, être impossible d’arrêter.

Le point sur la situation du volcan

Il ne s’agit pas seulement d’un pouvoir qui dirige et d’un contre-pouvoir qui s’oppose. Il ne s’agit pas aussi d’une rumeur, d’un effet de mirage ou des nuages de fumées véhiculés par un vent violent provenant des côtes de l’Islande.
Il ne s’agit pas non plus d’une machination dans le but d’approcher du pouvoir ou d’acquérir des avoirs et que certains sites d’information ont tenté de nous faire croire car il ne se passe pas une journée sans qu’on entende parler d’une situation d’urgence à Nouakchott ou dans les autres villes du pays.

La situation politique n’est pas saine du tout puisque le bilan s’est alourdi cette semaine. Des étudiants de l’université sur place sont touchés. Il y’a eu des manifestations, des grèves répétés, plus d’une vingtaine d’arrestations et de nombreux blessés. Cette situation doit nous amener à nous poser une question rutilante.

Les propos du Premier ministre sont-ils des prédestinations auxquelles les mauritaniens sont condamnés ou existe-t-il vraiment aujourd’hui un froid dans les relations entre le président de la république et le premier ministre ?

Les propos catastrophiques du Premier ministre soutenus par Madame la ministre de la culture, propos relayés aussi par la plupart des organes de presse et à travers le net continuent à provoquer des destructions, ce qui a amené des citadins, des formations politiques, des associations ou des syndicats à se poser des questions sur le silence du Président de la république face à des tels propos qui peuvent avoir une incidence sérieuse sur l’unité nationale et sur l’avenir de la nation.

Ceci est d’autant plus vrai, qu’ils ont eu des répercussions sur le fonctionnement des facultés et sur les problèmes estudiantins qui s’y rattachent.

La situation que résulte aujourd’hui des ces propos est dramatique car cette catastrophe n’a pas eu lieu dans le vaste désert mauritanien où elle pourrait être considérée naturelle mais à contrario, elle a eu lieu dans la capitale Nouakchott et ses « bidonvillages » où la densité démographique est immense.

Il s’agit donc d’un dangereux volcan qui procède de la guerre civile, et, qui peut provoquer par la suite l’effondrement de l’autorité politique dans le pays.

C’est pourquoi, la nécessité d’apaiser les esprits a récemment suscité de nombreuses réactions de la part des syndicats et club d’étudiants (SNEM, l’UNEM, l’ULEM ) pour dénoncer toute « violence pouvant troubler la paix et la stabilité ».

Se situant comme Tawassoul aux antipodes de la querelle politicienne pouvoir opposition, l’AJD/Mr semble en bonne forme.
Dans un récent communiqué l’AJD/Mr s’insurge contre l’attitude irrationnelle de certaines formations politiques qui selon lui : « au lieu de contribuer à éteindre l’incendie, mettent l’huile sur le feu ».
Le parti de Mokhtar Ibrahima Sarr a, dans ce communiqué, lancé un appel solennel pour la consolidation de l’unité nationale. Une unité qui mérite, selon lui, d’être prise avec la plus grande considération et par les autorités au plus haut niveau.

Des tels propos paraissent pour le moment les plus réalistes.
En attendant, le Président de la république doit parler dans les prochaines heures, pour préparer une mobilisation des secours ou pour annoncer un premier appel d’urgence à l’heure où l’aide internationale tarde à venir estiment certains analystes qui conclurent que l’Union Européenne va devoir attendre également une prochaine réunion, prévue en mai à Bruxelles.

Répit précaire du volcan :

Il y a belle lurette qu’on a des vraies raisons pour éviter de verser dans le langage « volcanique », du fait des tentatives politiques engagées de part et d’autre par les différentes forces politiques nationales pour se rapprocher les unes des autres (cas du Rfd avec la reconnaissance du président Aziz), auxquelles est venu également s’ajouter l’heureux événement que représente incontestablement la double grâce présidentielle accordée par le président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz d’abord en faveur de 35 ex-détenus salafistes repentis, ensuite à 166 prisonniers du Droit commun.

Vraiment de quoi se réjouir sur le répit rassurant du volcan politique et religieux par les temps qui courent, à moins que ces nouvelles évolutions de dernières heures ne soient « ce calme qui précède la tempête ». En effet, même s’ils ne sont pas comparables à des fauves sauvages, toute cette famille carcérale qui vient d’être relaxée est difficile à apprivoiser par la simple thérapie d’amnistie.

Ceci est d’autant plus vrai si l’on sait que les salafistes, dont ceux qui viennent d’être élargis, généralement recrutés dans les milieux pauvres, ne sont pas assurés d’un changement de cette situation familiale difficile qui pourrait affecter considérablement leur moral et les replonger dans l’idéologie de révolte et du coup dans la reconversion des camps d’AQMI.

C’est là un cercle vicieux qu’il faut reconnaitre et auquel il faut sagement remédier en évitant de crier trop vite victoire, alors que le danger reste bien là parmi nous. Autrement dit, ayons toujours à l’esprit cet anecdote très célèbre prouvée par le cours de l’histoire selon laquelle « le loup est toujours un loup ». Autant préciser que la libération des prisonniers, anciens extrémistes ou autres, n’est pas automatiquement synonyme de la fin des problèmes.

En effet, pour mieux comprendre l’omniprésence du danger, disons-nous le gros souci des salafistes libérés, qu’ils ont d’ailleurs clairement exprimé lors du diner offert à leur honneur par les autorités, quand leurs délégués ont fortement insisté sur leur insertion immédiate dans la vie active, est de trouver des débouchés et de ne pas être abandonnés à eux-mêmes et aux recruteurs clandestins d’AQMI et de la criminalité.

Ce qui signifie sans doute que sans cette option d’insertion, le besoin, l’injustice et l’oisiveté peuvent inciter les victimes à utiliser d’autres moyens puissants pour se faire justice, dés lors où les procédures normales ne réussissent pas cette légitime revendication. Ne dit-on pas que le besoin est mère de tous les vices. Ce même constat vaut aussi pour les graciés du droit commun qui sont pour leur majorité des groupes récidivistes accusés de délits graves comme les viols individuels ou collectifs, les vols à mains armées…

Rien n’indique qu’ils changeront de mode de vie dés lors où l’on sait que les autorités n’ont pas parlé de projet de rééducation morale et d’insertion dans la vie active de ces dépravés et que le pays reste encore otage de sous-développement, laissant constamment grandes ouvertes les portes de la délinquance et de la criminalité.

En effet, sans une politique ambitieuse et monumentale d’insertion de tous ces ex-détenus, le volcan politique ne connaîtra pas un long répit, contraint de remuer encore son magma incandescent sous la pression des menaces terroristes et criminelles, aujourd’hui potentiellement « explosibles », depuis que les autorités ont décidé de mettre en liberté 201 anciens prisonniers, issues de toutes les catégories d’insécurité. Une population carcérale énorme dont les membres sont sevrés par des idéologies glorifiant les opérations kamikazes, les vols, les assassinats…

Qu’Allah nous préserve sur la voie du salut et qu’il nous protège de tout acte capable de réveiller la colère du volcan, dont le répit rassurant est toujours précaire en raison des reflexes identitaires, les conflits multiples, le poids des lobbies qui compromettent la tenue des assises des journées nationales sur l’éducation.

Ahmed Ould Bettar

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