De la diplomatie de grande moralité et de la diplomatie de corruption.

De la diplomatie de grande moralité et de la diplomatie de corruption.
Par Mohamed El-Abassi

Depuis son indépendance, l’Algérie n’a jamais eu à rougir d’une prise de position et, est restée fidèle à sa doctrine de politique étrangère, à commencer par son soutien aux justes causes des peuples épris de justice et de liberté, son respect de la souveraineté des autres, ses principes de non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, de solidarité internationale, de la médiation internationale, du règlement des conflits par des moyens pacifiques, et l’on s’arrêtera à ceci.

La géographie a voulu que le Maroc soit un voisin à l’Ouest de l’Algérie, d’où le parallèle pertinent pour démontrer, ci-après, pourquoi et, de manière très sommaire, deux pays, si proches, ont adopté des choix diplomatiques diamétralement opposés.

Le différentiel historique.

Deux faits historiques majeurs auront façonné la pensée politique dans chacun des deux pays, leurs peuples et leurs élites : si l’Algérie fut une colonie française de peuplement avec une projection éternelle de l’enracinement de la France coloniale au moyen d’une politique de dépossession de la personnalité algérienne, le Maroc fut, quant à lui, l’objet d’un protectorat désiré et négocié par le sultan de Marrakech. En mars 1912, le sultan, Moulay Hafid signe avec le maréchal Hubert Lyautey, le traité de protectorat avec la France en échange de son aide contre les rébellions violentes qui contestaient son pouvoir dans tout le du pays.

Le 06 novembre 1955, Antoine Pinay, alors ministre des affaires étrangères français et Mohamed ben Youssef, signaient l’accord de la Celles-Saint-Cloud, qui mit fin à l’exil du monarque marocain et, quelques jours après la signature, en mars 1956 à Paris, de la déclaration d’indépendance, le Maroc accéda à son « indépendance ».

La libération de l’Algérie a été, par contre, arrachée au bout d’une lutte armée et, auparavant, d’une succession de révoltes populaires, qui ont fait plus de cinq millions de martyrs. Pas un pouce du territoire algérien n’est irrigué du sang pur de ses martyrs.

C’est ainsi que lien patriotique et national se trouve fortement nourri par cette épopée de la guerre d’Algérie et les sacrifices d’hommes d’exception.

Le différentiel historique réside aussi dans le fait qu’il n’existe aucun texte dans les archives de quelque pays que ce soit faisant état de la moindre entente entre le colonisateur français et une personnalité algérienne représentative autorisant la colonisation en Algérie. L’unique texte négocié et signé fut celui des accords d’Evian après la guerre d’Algérie et qui avaient précédé le référendum de l’indépendance algérienne.

Le système politique.

Le Maroc est une monarchie absolue. Il est adjoint au monarque la qualité hautement dissuasive de se prévaloir d’office en tant que commandeur des croyants. Une somme de pouvoirs temporel et religieux qui ne laisse aucune place à l’expression d’une quelconque critique, sinon elle est considérée comme un blasphème. Sa devise « Allah, la patrie, le Roi » est considérée par certains érudits musulmans comme une association du nom d’Allah au même niveau que le Roi, un simple mortel, à qui il lui a donné la vie et aura planifié sa mort.

L’Algérie s’est dotée dès son indépendance d’un système politique démocratique et populaire et sa devise est «Du Peuple et pour le peuple ». Durant la période de lutte de libération nationale, au plus fort de la bataille d’Alger, il est un slogan qui confirme la suprématie du peuple : « Un seul héro, le Peuple » !

Ainsi donc, si le slogan de l’Algérie se réfère au peuple et rien qu’au peuple, celui du Maroc l’ignore totalement, comme s’il n’existait pas.

En outre, face au concept algérien propre du « Nif » qui symbolise la dignité et la fierté algérienne dans la personnalité algérienne, le Makzen aura institutionnalisé le rituel archaïque du « baise main » érigé en symbole de la monarchie, qui est aux antipodes des valeurs humaines et de respect des droits de l’homme combien même il est encore honni par le Peuple marocain !

La politique intérieure.

La politique d’émancipation du Peuple algérien s’est faite, dès son indépendance, à travers une révolution dans un triple objectif politique, économique et culturel.

La démocratisation et la gratuité de l’éducation et de l’enseignement étaient obligatoires, la terre revenait à celui qui la travaille, et l’égalité des chances était le seul critère pour départager, selon la compétence et l’aptitude, les enfants du Peuple. C’est par ce moyen équitable que l’Algérie est gouvernée par les enfants du peuple, provenant de diverses couches sociales du fils de paysan, au journalier, à celui du médecin et du professeur, et de toutes les contrées de l’Algérie, par la grâce du visionnaire, feu le Président Houari Boumediene.

Au sein du royaume d’à côté, ni révolution, ni bouleversement social, le Maroc d’avant et après son « indépendance », est resté figé dans la tradition monarchique de suprématie dans une totale rupture de lien avec le peuple marocain. Celui qui vendait le persil et quelques condiments dans un marché populaire a légué le même métier à ses héritiers, celui qui gravitait autour de la cour royale, était assuré de pérenniser le nom de la famille et ne s’inquiétait point de son avenir. Une société intacte avec ses injustices politiques, ses inégalités sociales et ses justiciers, ses pauvres et ses riches, le roi et sa plèbe !

L’idéal national.

Le concept d’idéal est si noble et déterminant dans la vie d’une nation qu’il induit un attachement ombilical d’un peuple à son pays. Ce sentiment d’appartenance partagé, consensuel et voulu par le Peuple transparait dans une projection patriotique en vue d’un modèle de société catalyseur de ses valeurs, ses principes et un idéal de vie meilleure pour le peuple.

L’histoire contemporaine d’Algérie est truffée d’exemples de mobilisations et de sacrifices, de soulèvements, de révoltes et enfin un « Hirak » pour s’affirmer dans une république algérienne démocratique et populaire dont il est le fondateur, le libérateur, le héros, la raison d’être, et le seul souverain. C’est ainsi que la nouvelle Algérie est née.

C’est ainsi qu’au lieu de se complaire sur sa misère et d’attendre qu’un miracle improbable survienne, l’Algérien, héritier d’un esprit frondeur et révolté qu’il tient de ses martyrs, se met en avant pour faire cesser les dérives de ses gouvernants.

Au Maroc, les nombreuses révoltes, de celle du Rif aux soulèvements populaires actuels contre la cherté de la vie, ont un gout d’inachevé, pendant que le Makhzen insensible aux souffrances de son peuple, gaspille, à tout vent, l’argent du contribuable marocain dans la corruption qui mine et déshonore sa diplomatie d’échec, de honte et d’humiliation.

De ce qui précède, l’on ne peut que déceler la différence entre une diplomatie et une autre, les valeurs de chacune d’elles, dans un balancier qui sous-pèse, d’un coté, la morale et les principes, en opposition à l’immoral érigée en diplomatie.

Quand la diplomatie algérienne s’abreuve de ses référents historiques de justice, de dignité humaine, et puisque la politique étrangère n’est que l’expression de la politique intérieure, elle s’en ressource et se fortifie, naturellement, sans propagande, sans mensonge, sans corruption, juste par conviction et grâce à sa force de persuasion car elle est de droit. Son succès réside dans la force de son argumentaire pertinent qui émane de la logique du droit international et ses moyens conceptuels diplomatiques pacifiques.

Faute d’appui populaire et historique, ni de principes fondateurs, elle empreinte des chemins sinueux en suivant son instinct expansionniste suicidaire au Sahara Occidental et en nourrissant des appétits d’annexion d’Etats voisins souverains. L’alliance au sionisme contre le peuple palestinien et malgré le ressentiment de son propre peuple est la preuve que le Makhzen n’a cure de celui-ci, ni de ses sensibilités.

C’est ainsi qu’il s’enfonce dans la gabegie en exploitant l’appétit d’anciens premiers ministres, des ministres à la retraite, des députés européens « Eurovores », des chefs d’Etat en fin de règne, de fonctionnaires et l’instrumentalisation de journalistes, tous, en quête de rétributions financières, de confort malicieux et de jouissance éphémère.

La corruption et l’achat des voix et des consciences, par l’argent du contribuable marocain en péril existentiel, est, en premier ressort, le dernier moyen de la diplomatie makhzénienne pour tenter de s’affirmer sur une scène africaine qu’elle a désertée de longues années durant, pourvu qu’elle fasse croire au monarque, qu’elle engrange des victoires, si éphémères, que fussent les simulacres d’ouverture de consulats dans les territoires occupés du Sahara Occidental ou encore le deal léonin de la normalisation avec l’ex-président Trump qui a fâché les palestiniens .

Si la diplomatie algérienne se fonde ainsi donc sur des référents historiques, s’inspire du droit international, traduit le vécu du peuple, poursuit un idéal de prospérité partagé, de paix et de stabilité pour un monde meilleur, la diplomatie makhzénienne est une sorte d’improvisation qui fait du mensonge, de la corruption et la propagande, une illusion de « grande diplomatie ».

Si la diplomatie algérienne est au service des seuls intérêts du peuple algérien, la diplomatie makhzénienne est au service de la seule survie du système monarchique ignorant les revendications du peuple marocain tout en piétinant sa dignité collective et ses profondes convictions antinomiques avec les choix du Makhzen.

algerie54

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