Chinguetti, la perle enfouie sous les vagues du temps
Chinguetti, la perle enfouie sous les vagues du temps
Au cœur du Sahara, là où le vent chante des complaintes millénaires, Chinguetti se dresse encore, fragile et résiliente, témoin d’un âge où les caravanes tissaient des liens entre les civilisations. Jadis étoile scintillante du commerce transsaharien et phare du savoir, cette cité historique voit aujourd’hui son destin vaciller sous l’assaut implacable des sables mouvants.
Les dunes, telles des vagues silencieuses, avancent inexorablement, grignotant les ruelles pavées, ensevelissant les demeures, effaçant les vestiges d’une grandeur révolue. L’Associated Press rapporte que cette érosion silencieuse menace non seulement l’architecture ancestrale de la ville, mais aussi la mémoire qu’elle abrite : des bibliothèques regorgeant de manuscrits inestimables, où reposent des écrits du Coran, des traités de droit, de mathématiques et de sciences. Ces trésors, vestiges de la grandeur intellectuelle de l’Afrique de l’Ouest, risquent de disparaître sous le linceul doré du désert.
Fondée au VIIIe siècle, Chinguetti incarne une part vivante de l’histoire islamique, inscrite parmi les joyaux du patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais cette reconnaissance ne saurait suffire à enrayer le mal qui la ronge. Car, au-delà de l’usure du temps, c’est un ennemi plus insidieux qui menace la cité : le changement climatique. Le Sahara, naguère nourricier, se mue en un désert vorace, ses tempêtes de sable devenant de plus en plus fréquentes et violentes. Les habitants, résignés mais combatifs, voient leurs maisons disparaître sous la poussière du passé, contraints parfois de marcher sur leurs propres toits, dernier rempart contre l’oubli.
Pour tenter d’endiguer cette avancée inexorable, la population plante des arbres, dressant un fragile rempart contre l’envahisseur de grains. Hélas, l’aridité croissante rend ce combat presque vain, le sol craquelé refusant de donner à ces sentinelles végétales la vigueur nécessaire pour enrayer la marée de sable. Les scientifiques, eux, observent avec inquiétude l’accélération de cette désertification, qu’ils attribuent en grande partie aux bouleversements climatiques provoqués par l’homme.
Si rien n’est fait, Chinguetti, l’érudite, la spirituelle, l’immortelle, la perle enfouie pourrait être condamnée à l’oubli, engloutie par un océan de sable où ne flotterait plus qu’un souvenir évanescent, emporté par le vent du désert.
Ahmed Ould Bettar