Ce que l’on peut attendre du sommet de la Ligue arabe à Alger – Revue de presse

Ce que l’on peut attendre du sommet de la Ligue arabe à Alger – Revue de presse

Publié dans afrique-asie par: Amin Qamouriyale: 12 septembre, 2022 : A La Une, ACCEUIL, Actualité, Actualité Afrique, Actualité_Ameriques, Actualité_Maghreb, Actualité_Moyen_Orient, Géopolitique
La forte position anticoloniale de l’Algérie et ses liens avec la Russie, la Syrie et l’Iran font que le prochain sommet de la Ligue arabe à Alger sera tout sauf une affaire ordinaire.

Par Amin Qammouria – The Cradle

L’Algérie occupera le devant de la scène politique dans le monde arabe lorsqu’elle accueillera le 31e sommet de la Ligue arabe le 2 novembre, le premier après une interruption de trois ans.

En tant qu’ancien État révolutionnaire – autrefois à l’avant-garde de la résistance contre le colonialisme occidental du vingtième siècle, et aujourd’hui encore champion de la résistance arabe – il n’est pas surprenant que l’Algérie, à majorité sunnite, continue d’adopter des positions contraires à celles des gouvernements arabes sunnites d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord soutenus par l’Occident.

Les principes de l’Algérie qui irritent les monarchies pro-occidentales de la région comprennent son opposition véhémente au sionisme, son soutien à la cause palestinienne, son insistance à maintenir des relations avec l’Iran et son engagement envers la Syrie, Alger exigeant catégoriquement que l’État syrien soit réadmis au sein de la Ligue arabe.

Diplomatie ou distraction ?

Le pays hôte fonde de grands espoirs sur le succès de ce sommet pour plusieurs raisons, dont la plus importante est son désir d’un événement majeur qui redonne de la vitalité à la diplomatie algérienne.

Le poids régional de l’État s’est affaibli pendant les années de maladie et d’agonie prolongés de l’ancien Président Abdelaziz Bouteflika, qui l’empêchaient d’exercer ses fonctions. Au cours de cette période, de vastes manifestations de rue ont contrecarré les plans de M. Bouteflika visant à prolonger son mandat présidentiel, entraînant finalement la chute de son administration.

En accueillant le sommet, Alger cherche une occasion de briller au niveau régional et de mettre en avant sa portée diplomatique, en détournant les Algériens de la routine quotidienne qu’ils endurent depuis des années. C’est une formule que le premier ministre irakien a utilisée avec un certain succès.

Dans ce contexte, les dirigeants algériens ont veillé à ce que le sommet coïncide avec le 68e anniversaire du déclenchement de leur révolution contre la France coloniale et ont prévu une série d’activités politiques, culturelles, artistiques et de jeunesse afin de redorer l’image de l’Algérie en tant que puissance régionale.

Ces activités ont pour but de projeter l’Algérie comme la nouvelle « Mecque de la diplomatie arabe », tout comme elle reste depuis les années 1960 une plaque tournante pour les mouvements de libération du Sud et la « Mecque des révolutionnaires ».

Ce n’est pas une idée si folle. L’Algérie est entrée en jeu ces dernières années, non seulement pour avoir défendu les visions populaires du monde arabe, mais aussi pour ses choix géopolitiques en pleine ascension. Comme la Syrie, l’armée algérienne est fortement investie en équipements, formations et savoir-faire russes. L’État producteur d’énergie tire également des bénéfices exceptionnels de la montée en flèche des prix du carburant et du gaz dans le monde. Et l’influence croissante de la Russie, de l’Iran et de la Chine (RIC) en Asie occidentale – parallèlement au recul de la présence américaine – place l’Algérie arabe dans une position de départ solide.

Sécurité énergétique et alimentaire

Les récents développements mondiaux et régionaux pourraient toutefois faire de cette réunion de la Ligue arabe l’un de ses sommets les plus complexes. Les répercussions des opérations militaires russes en Ukraine, au moment même où le monde commençait à émerger des répercussions de la pandémie, ont ajouté une série de questions urgentes à la table d’Alger en novembre.

L’impact de ces deux événements a rebattu les cartes géopolitiques partout, et a provoqué une crise énergétique mondiale qui a placé plusieurs nations au bord de graves crises économiques et alimentaires.

Dans le cas improbable où la guerre en Ukraine prendrait fin avant le sommet arabe de cette année, son impact restera en tête de l’ordre du jour. Sur le plan économique, les prix du pétrole et du gaz seront une priorité pour les pays arabes producteurs et consommateurs d’énergie. On s’attend à ce que le prix du baril de pétrole dépasse 160 dollars si la situation reste inchangée.

Un autre point important de l’ordre du jour est la sécurité alimentaire – en particulier les cultures vitales comme le blé et le maïs. On s’attend à ce que le sommet étudie la possibilité d’une inter-coopération pour développer l’agriculture au sein des États régionaux, avec l’espoir que les études ne resteront pas à l’état d’encre sur le papier, comme c’est le cas habituellement lors de ces rassemblements.

L’Algérie appelle au retour de la Syrie

Le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe après sa suspension très politisée et sans précédent en 2011 est un autre défi important auquel est confronté le sommet. L’Algérie, qui a maintenu de bonnes relations avec Damas, a été catégorique sur le fait que la Syrie devrait être réadmise au sein de la Ligue.

La position d’Alger est soutenue par plusieurs pays arabes tels que la Tunisie, le Liban, l’Irak, les EAU et Bahreïn. Mais le retour de la Syrie dépend également de l’adhésion des autres membres, le Qatar jouant les trouble-fête pour la réhabilitation régionale de Damas. Cette situation pourrait également changer avec le temps, car même les proches alliés turcs de Doha s’efforcent de normaliser leurs relations avec le gouvernement syrien.

L’adhésion de la Syrie a été suspendue lors d’une réunion d’urgence très irrégulière des ministres arabes des affaires étrangères au Caire en novembre 2011. Cette décision a été prise après que le gouvernement syrien n’a pas mis en œuvre les termes de l’ »initiative arabe » qui donnait au président Bachar Al-Assad un délai irréaliste de deux semaines pour mener un dialogue politique avec l’opposition, former un « gouvernement d’unité nationale » dans les deux mois et organiser des élections présidentielle et parlementaires anticipées.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a déclaré que la participation de la Syrie au prochain sommet arabe « reste soumise à un consensus arabe », qui n’a pas encore été atteint.

Il ne semble pas que les pays qui ont exigé la suspension de l’adhésion de la Syrie accepteront son retour tant que les conditions de suspension existeront. De son côté, Damas n’est pas enthousiaste à l’idée de réintégrer la Ligue avant que certains pays arabes ne présentent des excuses pour leur soutien matériel à l’opposition armée syrienne.

En fait, le 4 septembre, lors d’un appel téléphonique avec son homologue algérien Ramtane Lamamra, le ministre syrien des Affaires étrangères, Faysal Mikdad, a semblé se retirer unilatéralement du sommet de novembre, déclarant qu’il « préfère ne pas soulever » la question de la réadmission de la Syrie à la Ligue à ce stade.

Mikdad a déclaré que sa décision avait été prise afin de maintenir l’attention des Arabes sur les questions plus urgentes auxquelles la région est confrontée : « [Contribuer] à unifier les rangs dans le monde arabe pour faire face aux défis posés par la situation actuelle aux niveaux régional et international. »

La présence d’Israël à la frontière de l’Algérie

La question diplomatique la plus urgente pour Alger a toutefois été ses démêlés avec le voisin Rabat, notamment après la décision de ce dernier de reprendre ses relations et de signer des accords de défense avec Tel-Aviv, ce qui a renforcé les préoccupations sécuritaires en Algérie.

Il reste à voir si le Maroc participera au sommet après qu’Alger a rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en août 2021.

Au cœur de la querelle entre les voisins se trouve un différend territorial au Sahara occidental. Les deux États sont depuis longtemps en désaccord sur ce territoire désertique peu peuplé, où le Front Polisario, soutenu par Alger, cherche à obtenir l’indépendance vis-à-vis de Rabat. Le Maroc, quant à lui, aurait obtenu de Washington la reconnaissance de sa « revendication sur la marocanité » du Sahara occidental en échange de la normalisation de ses relations avec Tel Aviv.

– L’auteur de cet article, Amin Qamouriya, est un journaliste libanais diplômé en sociologie politique de l’Université libanaise. Depuis 1986, il travaille en tant que journaliste et rédacteur politique pour le journal libanais An-Nahar. Il intervient également en tant que fin analyste et grand connaisseur des relations interarabes et internationales à de nombreuses chaines de télévisions libanaises et panarabes.

Le Maroc craint que l’Algérie, en tant qu’hôte du sommet, ne soit en mesure de peser sur l’issue de cette question conflictuelle et de rallier d’autres États arabes à sa cause.

Avec l’escalade de la tension entre les deux pays, l’écrivain politique algérien Ahmed Boudaoud s’attend à ce que le Maroc ne soit pas présent à ce sommet ou qu’il réduise son niveau de représentation : « surtout avec les assurances des responsables algériens que la position de leur pays ne changera pas tant que les raisons qui ont conduit à la rupture diplomatique entre les deux pays persistent. »

Afin de légitimer l’éloignement diplomatique et économique avec Rabat, l’Algérie pourrait insister lors du sommet pour publier une déclaration condamnant la vague de normalisation arabe avec Israël.

Mais une telle déclaration ne fera pas l’unanimité tant qu’il y aura des pays influents, en plus du Maroc, avec lesquels Israël a des traités de paix, comme l’Égypte, la Jordanie, les EAU, le Soudan et le Bahreïn.

Une inébranlable solidarité avec la cause palestinienne

Comme il est de coutume dans tous les sommets arabes, la question palestinienne est inscrite en priorité à l’ordre du jour – mais généralement sans aucune mesure concrète qui soutienne réellement les Palestiniens et leur cause souvent négligée.

Mais le président algérien Abdel Majid Tebboune a fait un geste particulier envers les Palestiniens dans le but de réconcilier les principales factions présentes au sommet, notamment le Fatah et le Hamas. En effet, le 6 juillet, le chef de l’état algérien a réuni le président palestinien Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, lors de leur présence aux célébrations du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.

Bien que cette rencontre ait été qualifiée d’ »historique » après des années d’éloignement, les visages sombres des personnes présentes et les déclarations qui ont suivi indiquent que la réconciliation est loin d’être acquise.

Les limites de la diplomatie algérienne

La situation en Libye voisine, autour de laquelle les schismes régionaux et européens s’intensifient, sera une autre question importante qui devrait être discutée à Alger.

L’Algérie cherche à consolider le consensus arabe autour de l’adoption d’une « solution inter-libyenne » qui rejette toute ingérence extérieure susceptible d’entraver l’unification des parties libyennes et de perturber le déroulement des prochaines élections présidentielles.

Certains pays arabes, comme le Maroc, ont toutefois accusé l’Algérie de s’ingérer en Libye avec l’intention de dominer le discours politique de son voisin – en s’en prenant particulièrement aux propres manquements diplomatiques d’Alger en Libye et à sa tentative de médiation ratée dans le différend égypto-éthiopien sur le barrage Renaissance.

Les fissures dans l’ »unité » arabe apparaîtront également dans les discussions sur l’influence croissante de l’Iran et de la Turquie dans un certain nombre de pays arabes.

Étant donné les importantes divergences arabes sur les questions régionales et mondiales fondamentales, et la préoccupation de chacun des États à faire prévaloir ses problèmes et priorités internes, le sommet d’Algérie sera probablement semblable aux sommets qui l’ont précédé : des réceptions luxueuses, des discours retentissants, des projets, des plans et des décisions qui expirent dès que les participants retournent dans leurs pays respectifs.

Bien qu’elle nage à contre-courant d’une puissante marée d’États arabes toujours soumis aux diktats occidentaux, l’Algérie, connue pour sa lutte révolutionnaire en faveur d’une véritable indépendance, ne sera pas entièrement critiquée pour son attachement à ses principes. Au contraire, Alger pourra récolter son « succès au sommet » grâce au sentiment populaire de la rue arabe, qui partage toujours ses positions sur la vision du monde.

Amin Qamouriya

https://thecradle.co/Article/Analysis/15215
Source: afrique-asie

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