Carte de vœux aux Malinkés de Guinée. Par Ely Ould Sneiba
Carte de vœux aux Malinkés de Guinée.
Par Ely Ould Sneiba
Mes chers frères Malinkés,
En cette Nuit du Destin, Laylat al-Qadr 1445 de l’Hégire, je vous prie de recevoir mes salutations fraternelles et mes vœux les plus sincères depuis Bilad Chinguitt, à l’occasion de la fête du Aïd El-Fitr.
En outre, et c’est l’élément central de ma correspondance, nos honorables correspondants nous ont fait part de l’approbation unanime du Conseil supérieur des Malinkés pour le rapatriement de vos compatriotes peuls vers le Mali en raison de leur migration récente survenue il y a seulement trois petits siècles. C’est sans aucun doute une charge considérable en moins. Félicitations pour cette belle perspective!
Quand est-ce que cela sera possible? On nous dit que c’est juste une question de temps, pas plus.
Chers frères,
Vous êtes conscients de l’aversion profonde de la nature envers le vide. Et comme les FLAM, un groupe panafricain d’obédience pulaar fondé par le Sénégalo-Mauritanien Saidou Kane, prônant la lutte armée, ont également pour objectif de nous éloigner à cause de notre extranéité relative. Nous, les Beïdanes, aimerions être reçus chez vous.
En effet, la péninsule arabique vers laquelle ils essaient de nous renvoyer est située à l’autre bout du monde, et les vaisseaux du désert ne sont plus un moyen de transport pratique, surtout que nos oncles maternels, les Harratines, seront du voyage. Vous voyez, ça fera beaucoup de monde, la majorité écrasante de la population mauritanienne.
Il fut un temps où nos pèlerins avaient du mal à le faire, et il arrivait qu’ils s’arrêtaient au Soudan à leur retour pour y rester définitivement, découragés par la longueur du voyage et sa dureté.
Pour une solution plus pratique, il serait plus judicieux que nous nous dirigions vers la Guinée en utilisant le fleuve Sénégal ou fleuve des Sénégues, une tribu Sanhadja de chez nous. Car, d’après les experts de l’OMVS, la navigabilité du fleuve est en bonne voie de réalisation.
Chers frères,
il est indéniable que l’Arabie Saoudite est un endroit captivant. C’est là que les pétrodollars coulent à flot, et c’est là que se trouvent les lieux saints de l’Islam, et nous sommes musulmans. Cependant, nos ancêtres hachémites ont déjà été contraints de partir par les Omeyades, en raison des répercussions sociopolitiques du conflit entre Ali et Muawiya sur le choix du quatrième khalife des musulmans.
Ainsi, nos tribus qui n’étaient pas bédouines ont émigré vers le sud, vers le Yémen, qui couvrait une partie de l’Arabie Saoudite, à l’exception du Nejd et du Hijaz.
Même à l’époque de la colonisation, les Britanniques ont préféré les Ibn Saoud pour prendre le trône hachémite. En guise de compensation, Fayçal a été couronné roi d’Irak tandis qu’Abdallah a été couronné roi de Jordanie.
Pour la petite histoire, il est essentiel de noter que ce sont les Omeyades qui ont entraîné l’apparition de la première population, El-honehin, les ancêtres des Peuls du Macina, d’après El Bekri.
En ce qui concerne nos aïeux, qui ont fait le choix de se nommer Maqil, leur ancêtre éponyme, ils ont finalement manifesté un vif intérêt pour la migration. En compagnie des Souleim et des Beni Hilal, ils ont pris la direction de l’Égypte au Xème siècle. Le siècle suivant, ils sont déjà au Maroc. Un autre chapitre s’ouvre. Il s’agit de celui des Oudaya, la confédération tribale des Oudei Ben Hassan, cousins et oncles maternels des Alaouites descendants du sultan Moulay Ismail.
Après environ trois à quatre siècles, une partie des Oudaya a pris place au sud du royaume chérifien, puis s’est étendue en Mauritanie actuelle. Et en s’associant aux Sanhadja, des Yéménites anciens d’origine himyarite, qui étaient déjà présents depuis l’époque almoravide, Bilad Chinguitt a acquis son identité arabe et islamique.
Chers frères,
Bien que notre existence soit millénaire ici, nous sommes prêts à partir et à vous rejoindre, car les FLAM le désirent avec ardeur et détermination. Néanmoins, soyez rassuré, cela ne sera pas une colonie de peuplement éternelle.
En effet, les Peuls et les Toucouleurs seront également contraints de s’en aller, car ils étaient arrivés bien après les Soninkés.
Et une fois que les descendants des Bafours auront expulsé les Soninkés, qui sont moins autochtones qu’eux, nous reviendrons car les Bafours sont une population de race blanche.
Avant de finir cette carte de vœux, je tiens à vous informer que votre premier président Sékou Touré n’était pas bien vu ici, dans certains milieux politiques. On lui reprochait d’avoir accusé les Peuls de son pays d’avoir fomenté un coup d’État imaginaire pour les attaquer sauvagement. Depuis que Jacques Foccart a révélé ce projet de putsch et a donné le nom de code de cette opération, Persil, Sékou Touré est redevenu un héros qui a lutté contre le colonialisme et un digne fils de l’Afrique. Il a aussi été un ami inestimable de notre premier président, Mokhtar Ould Daddah, et a joué un rôle essentiel dans la création de notre tout premier orchestre national sous la direction de l’artiste émérite El Hadrami Ould El Meidah.
Même chose pour nous. Beaucoup de gens pensaient que le projet de tentative de 1987, conçu par de jeunes officiers peuls et toucouleurs, était une manipulation des Renseignements généraux, mais depuis que les écrits de certains officiers conspirateurs ont été rendus publics, on a enfin reconnu l’évidence.
Chers frères Malinkés, vous réalisez maintenant que nous sommes dans l’obligation de partir…
En espérant votre accueil chaleureux, je vous souhaite une merveilleuse fête de fin de ramadan.
Par Ely Ould Sneiba