Billet d’humeur – « Citoyen, tu n’es pas dans la base de données »
🏜️ Naître ici… et ne jamais exister
Imaginez : vous naissez quelque part entre le sable et les espoirs. Vos parents aussi. Vous avez grandi ici, mangé le riz au poisson national, dansé sur les mêmes musiques que tout le monde, applaudi les Lions, pleuré les inondations et voté quand la démocratie se souvient qu’elle vous connaît.
Et pourtant, un jour, une patrouille de police vous demande vos papiers. Vous n’en avez pas. Erreur fatale.
À partir de ce moment, vous devenez :
- l’autre
- le suspect
- le faussaire par défaut
Et surtout, dans cette loterie administrative, si vous êtes négro-africain, le tirage est souvent perdant.
📂 Administration cherche citoyen désespérément
En réalité, l’ironie est mordante : dans une République qui se dit « une et indivisible », des citoyens se retrouvent divisés par l’état-civil.
Trop lent. Trop opaque. Trop capricieux.
Résultat : des milliers de personnes se retrouvent administrativement inexistantes.
Et là, tout peut basculer :
- interpellation musclée
- placement en rétention
- expulsion vers un pays « voisin » qui ne vous connaît pas non plus
« Ce n’est qu’un contrôle », dit la police. Mais parfois, ce contrôle devient une déportation express. Sans escale. Sans explication. Au nom de la régularisation migratoire.
🚓 Une campagne sécuritaire, vraiment ?
Du côté du gouvernement, le discours est clair :
- Lutter contre l’immigration irrégulière
- Tout est légal, biométrique, objectif
Cependant, sur le terrain, l’objectivité semble souffrir d’un léger daltonisme ethnique.
Les personnes expulsées sont quasiment toutes négro-africaines. Coïncidence ? L’algorithme a bon dos.
⚖️ Justice dans le brouillard
Les juges veulent faire leur travail. Mais comment défendre un citoyen dont l’État conteste jusqu’à l’existence ?
C’est le Kafka sahélien : avocats qui rament, procédures qui tanguent, prévenus qui coulent.
🌍 Et la communauté internationale ?
- Union africaine : quelques recommandations sur les droits humains
- Union européenne : très concernée… par sa frontière sud
- France : silence radio, nostalgie postcoloniale peut-être
- ONU : poliment inquiète, sans rien bousculer
La diplomatie : cet art de soutenir sans agir.
🧠 Les experts : « Rien de nouveau »
Les sociologues et historiens le disent : ce n’est pas un accident. C’est structurel.
Trop de peuples, pas assez de reconnaissance. Et quand l’État confond certificat de naissance et preuve de vie, c’est toute la société qui déraille.
⚖️ Les avocats : entre colère et impuissance
Les défenseurs dénoncent une justice à deux vitesses. Sans traducteurs. Sans audience équitable. Sans preuves suffisantes.
Ils essaient de prouver l’impensable : que leurs clients sont nés ici.
Une mission souvent plus proche de la généalogie que du droit.
⚖️ Et les autres avocats ? Gênés…
Certains rappellent que des expulsés avaient des antécédents. Mais même eux le disent :
L’absence de papiers ne devrait jamais être une condamnation.
🏛️ Parlementaires : le grand écart
- Partisans du contrôle sécuritaire : applaudis à chaque arrestation
- Opposants : dénoncent une politique ethnicisante
Le débat est houleux, les commissions musclées, et le registre d’état-civil… toujours en attente.
✊ La société civile : debout, malgré tout
ONG, activistes, jeunes engagés : ils veillent. Ils documentent. Ils dénoncent.
Derrière chaque matricule administratif : un être humain.
À qui le tour ?
📰 Les médias : entre courage et prudence
- Certains enquêtent, filment, témoignent
- D’autres relaient les communiqués sans poser de questions
Le journalisme d’investigation existe. Mais il marche sur des braises chaudes.
👤 Et ceux qu’on n’écoute jamais…
Ils parlent de :
- cris dans la nuit
- disparitions brutales
- pères absents
- enfants qui ne comprennent pas
Ils parlent de vies brisées, de blessures invisibles.
Se voir renvoyé de chez soi.
✒️ Le mot de la fin : Gourmo Lô
« Un État qui raye ses enfants de ses papiers leur trace une route vers l’exil intérieur.
Et c’est peut-être le pire bannissement qui soit : exister sans qu’on vous reconnaisse. »