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Billet d’humeur : « Ain », mes plaintes et moi… ou l’art d’être transparent jusqu’à l’invisibilité

Mes plaintes et moi

Ah, la plateforme Ain! Quelle belle trouvaille numérique pour rapprocher l’administration du citoyen… Enfin, de certains citoyens. Pas de moi, manifestement. Pourtant, j’ai un nom, un matricule, un cœur qui bat, et même un mot de passe complexe à six caractères dont deux majuscules – mais rien n’y fait. Ma plainte ? Perdue dans les limbes numériques. Mon audience sollicitée ? Un grand silence administratif, plus glacial qu’un fichier Excel un lundi matin.

On nous dit fièrement : 8.801 cas enregistrés, 96 % traités. Des chiffres qui font rêver. Un tel taux de réussite ferait rougir un chirurgien cardiaque ou un joueur de penalty. Mais alors, question naïve : où est passé mon dossier ? Ai-je cliqué au mauvais endroit ? Ai-je déposé ma demande dans le bac « lettre des trolls » ? Ou suis-je, sans le savoir, classé dans la catégorie hautement confidentielle des « citoyens fantômes » ?

Soyons honnêtes : je ne suis ni fils de notable, ni membre d’un grand parti, ni affilié à une tribu pouvant remplir une tente en moins de 10 minutes. Juste un modeste fonctionnaire, sans piston, sans totem ni toge. Bref, un citoyen nu, administrativement parlant. Mis au placard depuis 2009 – l’année où l’iPhone 3GS faisait encore sensation et où l’on croyait dur comme fer que l’administration allait se moderniser avant la fin du monde. Spoiler : le monde tient toujours, mon placard aussi.

Alors que les autres voient leurs réclamations traitées « avec célérité et professionnalisme » – dixit la communication officielle – moi je contemple Ain comme on regarde une caravane passer : avec fascination, un peu d’envie, mais surtout une certitude tenace… je ne suis pas à dos de chameau.

Je suis peut-être trop anonyme, trop « fonctionnaire de fond de tiroir », pas assez instagrammable administrativement. Un de ces oubliés de la modernisation, qui n’a pas su s’indigner en hashtag ni se plaindre en story.

Et si, au fond, Ain m’enseignait une grande leçon ? Celle du stoïcisme 2.0. Un art raffiné qui consiste à patienter, sans illusion ni notification.

Mais bon. L’espoir fait vivre. Je continuerai à me connecter, à cliquer sur « envoyer », à rafraîchir la page. Peut-être qu’un jour, entre deux signalements de nids-de-poule et une plainte sur la lenteur des attestations, mon humble requête sortira de l’ombre.

D’ici là, je resterai ce que je suis : un fonctionnaire sans tribu, un plaignant sans éthnie, un utilisateur d’Ain sans destin.

Mais toujours avec humour. Parce qu’à défaut d’être traité, on peut toujours se traiter… d’indésirable, avec le sourire.😄

Ahmed Ould Bettar

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