Algérie : Ben Bella a tranché la question de ses origines.

Algérie : Ben Bella a tranché la question de ses origines.

Mauritania - Arabisation or negrification?
Ely Ould Sneiba

Le défunt Président algérien Ahmed Ben Bella a révélé lors d’une émission sur la chaîne Aljazeera, intitulée « Chahid ala al asr »(1), que ses parents étaient originaires de Marrakech, plus précisément d’ Oulad Nacer. Cette déclaration personnelle, renforcée par la solennité du témoignage, confirme que Ben Bella est un Béni Hassan de cette région. En effet, dans certains pays, notamment au Maroc, le nom tribal et le nom géographique sont souvent confondus. Les Filali de Tafilalet en sont un exemple éloquent.

Si cette déclaration est venue trancher la question des origines, objet de controverses, de Ben Bella, elle consacre désormais la certitude que les Maghrébins ont, en plus d’une histoire commune, un peuplement bien enchevêtré.

Les origines de cet enchevêtrement se trouvent dans les brassages et les interpénétrations qui ont façonné le paysage ethnologique du Maghreb. Elles sont également le résultat des mouvements migratoires qui ont marqué la région depuis le déclin de l’Empire romain jusqu’à la conquête arabe.

Au nombre des mouvements migratoires majeurs, on compte forcement les invasions hilaliennes au milieu du XIe siècle. Cependant, il est hors de notre propos de revenir ici sur cette dynamique. Nous nous contenterons simplement de présenter brièvement les Banu Hassan, en mettant l’accent sur leurs branches marocaine et mauritanienne, dont l’ancien président algérien Ahmed Ben Bella fait partie.

Les Banu Hassan sont un ensemble tribal arabe hachémite qui est présent au Maghreb depuis l’arrivée des Banu Hilal en Afrique du Nord. Selon l’historien marocain Ahmed Khaled Enaçeri, auteur de Talaat Almouchteri, leur généalogie se présente globalement comme suit : Hassan, l’ancêtre éponyme, est le fils de Mokhtar, lui-même fils de M’hammed, fils de Maghil, fils de Moussa Al Harraj, fils de Jaafar Al Emir, fils d’Ibrahim Al Arbi, fils de Mohamed Al-jaouad, fils d’Ali Azzeinabi, fils d’Abdallah, fils de Jaafar Attayiar(2).

Au XIVe siècle, un flux migratoire de nature guerrière s’est produit, quittant l’Ifriqiya. En 1455, il a été repéré du côté de l’Adrar mauritanien après avoir traversé l’Algérie et le Maroc, où il a établi des colonies. Des récits d’historiens tels que Ibn Khaldoun, Léon L’Africain et Marmol font mention des Oulad Delim, Oulad Berbiche et Oudaya, qui étaient présents dans la région de Souss(3), au sud du Maroc, où ils ont participé à des campagnes militaires pour soutenir le chef berbère-hintata Ieder dans son conflit avec le sultan Almohade(4).

Au Maroc, les tribus issues de la lignée d’Oudei Ould Hassan sont communément appelées Oudaya, ce terme étant le pluriel d’Oudei. Elles se composent des Ereha, Ehel Souss, Almaghafira et Oudayas, qui se subdivisent en de nombreuses autres tribus, dont Chebanate, Edrabka, Zirara, Oulad Delim, Ould M’taa, Oulad Jerar, Rehamna et Oulad Nacer, pour n’en citer que quelques-unes, toutes « vivaient au début du XIIème siècle dans le triangle Molouia-Taza-Rif »(5).

Au fil du temps, la vocation guerrière des Banu Hassan s’est illustrée. Pépinière de la Garde Royale alaouite, ils étaient devenus de redoutables faiseurs de sultans. C’est pourquoi Moulay Abderrahmane décida de les désarticuler en 1832. Il expédia les Maghafira à Marrakech, les Oudayas à Alaraich, et les Ehl Souss (fraction des Oudaya) iront à Ribaa pour prendre et sécuriser la Kasbah d’Almansouriya et la Kasbah des Oudaya(6).

La tentative de dispersion ainsi opérée fut de courte durée eu égard à la double volonté des sultans d’étendre leurs acquis territoriaux et de maintenir leurs trônes contre vents et marées. L’idée d’une armée régulière s’imposa rapidement à l’avantage de ces tribus combattantes, transformées à cet effet en « tribus Guich », tendance qui s’accentua au XVIIe siècle sous Moulay Ismail(7).

Le Sultan alaouite, en bon stratège, a contracté une relation matrimoniale stratégique avec les Maghafira. La reine Khnatha Bent Bakar de l’Emirat du Brakna, l’heureuse élue, lui a permis de compter « sur le solide corps de l’Armée des Oudaya, issu de sa confédération tribale »(8).

Que ce soit sous la dynastie des Alaouites ou des Saadiens ou celles qui les ont précédées depuis le XIIe siècle, les Banu Hassan ont toujours joué un rôle de premier plan dans l’histoire du Maroc. Leurs cousins mauritaniens, eux aussi, ont marqué leur temps de façon indélébile.

En Mauritanie donc les Banu Hassan renferment toutes les descendances d’Oudei Ould Hassan et de ses frères Delim et Hamma.

Il faut rappeler ici que la toute première présence arabe sur le territoire mauritanien remonte au début du XIVe siècle avec les Oulad Rizg, suivis progressivement et sur plusieurs décennies par les Banu Hassan qui vivaient jusqu’ici dans la Saghié al hamra. Selon Ibn Khaldoun, à cette époque, « les Oulad Delim étaient encore dans la région côtière du Sud marocain… les Berabich n’avaient pas encore dépassé le Souss, alors que les Oudaia avaient déjà pris pied dans la région de Ouadane »(9).

À la fin du XVIIe siècle, après de solides résistances, les Banu Hassan devinrent maîtres de cet espace qui sera plus tard appelé « Mauritanie » avec la colonisation française. Auparavant, cette région était entre les mains des populations nigritiques et des populations berbères.

En établissant de puissants émirats tels que ceux de l’Adrar, du Trarza, du Brakna et des Oulad Mbareck, aux côtés de nombreuses autres chefferies tribales des Oulad Daoud, des Ould Nacer aux Hodhs et des Ould Delim dans la région de Tirs, les Banu Hassan avaient réussi à maintenir le contrôle le pays des Maures avant de le perdre avec la colonisation française à la fin du XIXe siècle.

Aussi, pour rappel, les Banu Hassan font partie de la deuxième vague d’immigration venant d’Arabie en Égypte. Leur migration a traversé la Tunisie, la Libye, l’Algérie et le Maroc au fil des siècles pour se ramifier en Afrique de l’Ouest : la Mauritanie, l’Azawad et même le Niger.

Enfin, en respectant son histoire et la composition de son tissu ethnique, le Royaume du Maroc a inscrit dans sa constitution de 2011, à l’article 5, ceci : « L’État s’engage à préserver le Hassani en tant que partie intégrante de l’identité culturelle marocaine unie ».

Ely Ould Sneiba,

Lauréat du prix Literary Titan Book Awards.

Référence bibliographiques:

https://www.youtube.com/watch?v=nMSMr5uPY7A( Chahid Ala Al Asr episode1).

2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Banu_Maqil

3. Portugais, Arabes et Français dans l’Adrar mauritanien. Bulletin du Comité d’Etudes Historiques et Scientifiques.1922, Tome V. http://www.mr.refer.org/numweb/spip.php?article23&artpage=5-18

4. Marty, Paul. Etudes Sur l’Islam et Les Tribus du Soudan. Tome III. Les Tribus Maures du Sahel et du Hodh. Paris, Ernest Leroux, 1921. P4. 5.Marty, idem.

5. https://www.oujdacity.net/regional-article-4917-ar

6. https://www.oujdacity.net/regional-article-4917-ar/

7. Hachim, Mouna. La marche vers le nord des tribus sahariennes au xvie siècle. WWW.LECONOMISTE.COM, Édition N° 3386 DU 19/10/2010.

8. Khnata-Bent-Bakkar-Reine-Marocaine.https://horizons-dz.com/

9. Portugais, Arabes et Français dans l’Adrar mauritanien. Bulletin du Comité d’Etudes Historiques et Scientifiques.1922, Tome V. http://www.mr.refer.org/numweb/spip.php?article23&artpage=5-18

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