Afrique de l’Ouest: Les cérémonies d’investiture s’enchaînent

Afrique de l’Ouest: Les cérémonies d’investiture s’enchaînent

Par : Jean-Baptiste Placca

Les célébrations des investitures de chefs d’Etat réélus (parfois pour un controversé troisième mandat) laissent, sur le continent, une bien gênante impression de résurrection de ce que l’on appelait, autrefois, le « Syndicat des chefs d’Etat africains ». Syndicat qui n’offre, hélas, que des protections éphémères…

Alors qu’une bonne douzaine de jours nous séparent encore de la fin de 2020, l’on pourrait croire, au rythme auquel s’enchaînent les cérémonies d’investiture de chefs d’État, que les fêtes de fin d’année ont déjà commencé, en Afrique de l’Ouest. Auraient-ils raison, ceux pour qui ces célébrations semblent une extraordinaire source de réconfort, justement parce que, presque partout, elles semblent se dérouler dans le calme ?

Dans le calme, peut-être. Mais d’autres, pas moins nombreux, vous diront qu’à défaut d’être mouvementées, ces célébrations sont bien tristes, et manquent de liesse. A la décharge des autorités de la plupart de ces États, l’on pourrait convenir que les populations africaines ont de moins en moins le cœur à la fête. Il n’empêche ! Il manque à ces réjouissances ce brin de spontanéité qui distingue la ferveur populaire de l’enthousiasme de commande.

Qu’elle soit belle ou pas, la fête, de toute façon, devra se prolonger, au-delà de cette année. Car, tandis que les chefs d’État reçoivent, en grandes pompes, leurs pairs, amis et consorts, pour célébrer un pouvoir reconquis de plus ou moins haute lutte, ou de manière plus ou moins convaincante, d’autres peuples votent ou s’apprêtent à voter, en ce mois de décembre, puis durant les premières semaines de l’année prochaine. Avec, à la clé, autant de cérémonies d’investiture.

C’est dire que la fête risque de s’éterniser, et la vérité impose de se résigner à l’idée que ces festivités ne seront jamais qu’à l’image de la manière dont la victoire elle-même a été conquise. Il serait donc illusoire d’espérer impulser de la liesse et du tonus dans la célébration d’une victoire terne, par essence, ou controversée. Même convoyés par milliers, des partisans intéressés ne sauraient suffire à donner aux réjouissances cet éclat qui émane naturellement d’une foule immense, lorsqu’elle adhère à une victoire qu’elle a réellement conquise, et à laquelle elle croit.

Il n’empêche que de très nombreux chefs d’État rehaussent de leur présence chacune de ces investitures…

Du temps des partis uniques et des mandats sans fin, il existait un terme, pour désigner la solidarité indéfectible entre dirigeants africains : « Le syndicat des chefs d’État ». Ils étaient suspectés de se soutenir dans leurs travers, contre leurs peuples. Figurez-vous qu’il arrive, encore aujourd’hui, que certaines scènes donnent cette désagréable impression de solidarité sans faille entre dirigeants. Souvent, certains leaders parfaitement honorables y déploient un zèle qui pousse leurs peuples à se demander ce qu’ils vont chercher en de telles compagnies. Serait-ce parce que toute défiance peut entraîner des mesures de rétorsion du syndicat ? La pire étant de voir un État voisin donner asile et soutien total à ses opposants…

Ce n’est tout de même pas au point de déstabiliser ces pays…

Si ! Dans l’histoire, certains dirigeants ont même été renversés, grâce au soutien du pays d’à côté à leurs plus farouches opposants. Pour avoir la paix, un dirigeant « présentable » peut adhérer au syndicat, et même faire semblant d’être ami avec tel qui ne lui ressemble en rien. C’est, d’ailleurs, un exercice des plus plaisants que d’observer, dans ces mondanités et mesquineries d’État, ceux qui sont là par amitié ou par conviction, et ceux qui ne pouvaient se permettre d’être absents, par peur du gendarme….

Mais, à force de fréquenter ceux qu’il ne devrait pas côtoyer, un chef d’État respecté peut voir déteindre sur lui les travers de ses… mauvaises fréquentations. Aussi curieux que cela puisse paraître, c’est dans la légitimité, auprès de son peuple, que réside, pour tout bon leader, la parade aux représailles dont peut user le syndicat.

Hélas ! L’erreur, si souvent fatale à bien des dirigeants de l’Afrique indépendante, a consisté à préférer les garanties fugaces du syndicat au soutien ferme de leurs peuples.

RFI

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