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Mauritanie : le mur invisible qui protège les Canaries – Réflexion de Khoulsy Diakhaté « Bibi »

Khoulsy Diakhaté, dit « Bibi », Mauritanien établi aux Canaries, partage une réflexion percutante sur le rôle méconnu de la Mauritanie dans la gestion des migrations vers l’Europe. Une tribune publiée en exclusivité sur Rapide Info Mauritanie et prochainement dans le journal espagnol Tarabilla.

Il est mauritanien très connu dans son pays mais aussi  très connu également en Espagne  plus précisemment aux Canaries où il reside  depuis 2014. C’est Khoulsy Diakhaté.  Les intimes l’appelent par le sobriquet – BIBI. –  Il  collabore avec une association nationale qui, d’une part, lutte pour éradiquer les pratiques traditionnelles ancestrales néfastes,  et d’autre part, favorise l’intégration, et la participation sociale.  L’Association  s’active aussi  dans l’accompagnement psychosocial et matériel des emmigrés en Espagne.

Nous proposons à nos lecteurs la  reflexion de notre compatriote  sur l’imigration irregulière, une reflexion  qui doit paraitre aussi dans le  journal espagnol “Tarabilla”.

MAURITANIE : le mur invisible qui barre le passage aux pirogues et protège les Canaries

Sur la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest, la mer continue d’engloutir des vies. Des centaines de pirogues des  embarcations  de fortune en bois  quittent chaque année les côtes mauritaniennes  pleines de jeunes ressortissants du Sénégal, du Mali, de  la Guinée, de Gambie ou de  la Côte d’Ivoire en direction de l’Espagne. Ces  jeunes fuient la misère, les conflits, la désillusion. Tous rêvent de l’Europe, mais peu  d’entre eux  ne savent pas  que, sur leur chemin se cache un pays qui joue le rôle de barrage. C’est la Mauritanie.

Avec des moyens dérisoires, sans véritable structure humanitaire, la Mauritanie  tente tant bien que mal de freiner une marée humaine qui  submerge encore plus  les îles espagnoles. Ce travail la Mauritanie le fait presque seule  dans un silence politique assourdissant.

Une frontière oubliée

Aux Canaries, on parle de dispositifs d’urgence, de centres d’accueil, de soutien juridique et médical. À Nouadhibou, la réalité est toute autre. Les migrants interceptés   sont souvent arrêtés, enfermés sans procédure, expulsés sans recours. Pas de centres appropriés, pas de système de protection des mineurs, peu de personnel formé aux droits humains.

Ac cela s’ajoute une pression policière  qui fait monter une colère sociale qui gronde face à une situation devenue insoutenable.

La Mauritanie sert de tampon, mais à quel prix ?

Si Nouadhibou cessait de lutter contre les départs, les pirogues se multiplieraient aussitôt. Les plages de Lanzarote, de Fuerteventura et de Grande Canarie verraient affluer des milliers de personnes et à un rythme qui dépasserait les capacités des  dispositifs d’accueil déjà  très fragilisés qui ne tiendraient plus.

Tout cela  est lié à la fragilité d’un poste-frontière à Rosso ou  à l’instabilité de Nouadhibou. Les conséquences  se répercutent directement sur les Canaries. Fermer les yeux sur cette “cause-à -effet” c’est ignorer la réalité d’une route migratoire où chaque maillon compte et joue un role essentiel.

Regarder vers le sud

Pour gérer les migrations avec humanité et intelligence, les Canaries ne peuvent plus se contenter  uniquement de jouer un rôle de spectateur. Il leur faut regarder vers le sud, vers ceux qui luttent, chaque jour contre  l’exode  massif et risqué.

Soutenir la Mauritanie ne se résume pas à un acte de solidarité morale. C’est une nécessité stratégique Cela doit passer par :

  • La création de centres communautaires à Nouadhibou pour informer et sensibiliser les jeunes sur les risques de la traversée et les alternatives qui les attendent sur place ;
  • Le financement de projets agricoles et de formation professionnelle dans des régions comme Rosso où des terres familiales pourraient redevenir productives et offrir des opportinutés d’emploi à des milliers de jeunes ;
  • Des jumelages entre municipalités canariennes et mauritaniennes, pour construire ensemble des projets de développement et les soutenir;
  • encourager une coopération directe entre ONG canariennes et associations locales mauritaniennes, pour partager le savoir-faire et  les experiences ;

Plus qu’une question de frontière, une question d’avenir

Les Canaries disposent de l’expérience, de la logistique de la volonté et des capacités financières. La Mauritanie, elle, a le rôle le plus difficile à jouer. Retenir, protéger, contenir, Mmis les moyens manquent.

L’aider n’est pas faire preuve de charité. C’est prévenir une crise plus grande.  C’est reconnaître une humanité partagée. C’est construire une vision commune entre l’Afrique et l’Europe.

La migration ne commence pas à Arguineguín, sur les quais bondés des Canaries. Elle naît et se developpe  bien plus loin dans les ruelles sablonneuses de Nouakchott, dans les champs desséchés de Podor, dans les embarcations qui attendant la tombée du jour sur les rives de Nouadhibou pour prendre le départ vers le risque et l’inconnu.

La Mauritanie est aujourd’hui le mur invisible entre deux mondes. Un mur fragile, mais essentiel. Un mur que l’Europe ne peut plus d’ignorer et qu’elle doit soutenir de plus en plus.

Par Khoulsy Diakhate “DIDI”

Villaverde, 5 août 2025

Rapide Info Mauritanie

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