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Santé en Mauritanie : quand les villages meurent sur la route des soins

En Mauritanie, l’absence d’infrastructures et la corruption condamnent des patients à mourir avant d’arriver à l’hôpital. Témoignages.

Route des soins

Par notre envoyé spécial

Le sable soulevé par les roues du vieux pick-up n’a pas encore eu le temps de retomber que déjà, le silence pèse sur le petit village.
A l’arrière du véhicule, la jeune Aïchetou, 28 ans, vient de rendre son dernier souffle, après plusieurs heures d’un trajet chaotique
vers l’hôpital régional. Evacuée pour une césarienne, elle n’aura pas franchi les portes des urgences.

« Quand on part, on ne sait jamais si on arrivera à temps »

Quelques semaines plus tôt, Moussa, adolescent de 15 ans, emporté par un neuro-paludisme foudroyant, s’était éteint à mi-chemin,
dans les bras de son père. Et hier encore, un autre habitant, transporté pour une appendicite, n’est arrivé à l’hôpital
qu’avec une péritonite avancée.

« Nous ne demandons pas le luxe. Juste une route praticable et une ambulance fonctionnelle. Quand on part, on ne sait jamais si on arrivera à temps. » – Ahmed, chef du village

Le coût invisible des soins

Au-delà de la distance, il y a le prix. Officiel d’abord — consultations, médicaments, examens — puis officieux.
Ici, tout le monde sait qu’il faut « graisser la barbe » pour espérer être pris en charge plus rapidement.

« On m’a dit clairement à l’hôpital : si tu veux que ton mari soit opéré vite, il faut donner quelque chose. Ceux qui n’ont rien, ils attendent… et parfois ils meurent. » – Fatimetou, habitante

« Nous travaillons les mains liées » : le constat des soignants

Les médecins eux-mêmes avouent leurs limites. Dans un hôpital régional, un jeune interne témoigne anonymement :

« Nous travaillons les mains liées. Manque de médicaments, matériel obsolète, patients qui arrivent trop tard…
On fait ce qu’on peut, mais parfois on est seulement des témoins impuissants. »

Une infirmière confirme :

« Les patients pensent qu’on ne veut pas les aider, mais la vérité c’est qu’on n’a pas les moyens.
Quand un enfant arrive avec un paludisme grave et qu’on n’a même pas le sérum nécessaire, c’est une douleur pour nous aussi. »

Réformes annoncées, mais terrain oublié

Le gouvernement affirme vouloir agir. La Caisse Nationale de Solidarité en Santé (CNASS) multiplie les initiatives
pour élargir la couverture maladie, et le SAMU tente de renforcer la prise en charge des urgences.

« Nous avons conscience des difficultés, en particulier dans les zones rurales.
Les réformes sont en cours, mais il faut du temps et des moyens pour que les résultats se fassent sentir. » – Responsable du ministère de la Santé

L’avenir en suspens

Garantir l’accès universel à des soins de qualité suppose d’abord de renforcer les infrastructures de base,
de multiplier le personnel de santé dans les zones isolées et de combattre la corruption.
Sans cela, les réformes resteront des slogans, et les villages comme celui d’Aïssata continueront de payer le prix le plus lourd :
des vies brisées sur la route des soins.

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