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Hivernage 2025 : La Mauritanie face à ses vulnérabilités climatiques

Comme chaque année, les premières pluies de l’hivernage ravivent en Mauritanie autant d’espoirs que d’inquiétudes. Espoir de vie, d’abondance, de pâturages et de cultures… mais aussi inquiétudes profondes liées aux inondations, à l’impréparation chronique, et à des vulnérabilités climatiques que le pays peine à juguler.

En cette année 2025, le pays se prépare à un hivernage annoncé comme « normal » du point de vue des précipitations. Mais qu’est-ce qu’une saison « normale » dans un contexte devenu anormal ? La crise climatique globale rebat les cartes : les événements extrêmes se font plus fréquents, plus soudains, plus destructeurs. La mémoire encore vive des inondations de 2022, 2023 et 2024 devrait suffire à convaincre que la menace ne relève plus de l’exception, mais bien de la norme.

Une urbanisation qui trahit la nature

Nouakchott, cœur battant du pays, est aujourd’hui un symbole de cette insécurité climatique. La capitale, construite en grande partie en dessous du niveau de la mer, s’est développée au mépris total des règles élémentaires de planification urbaine. Des milliers de logements ont été édifiés sur des lits d’oueds, dans des zones historiquement inondables, avec la bénédiction — ou la négligence — de ceux qui auraient dû les protéger.

Les conséquences sont prévisibles : à chaque pluie un peu soutenue, les quartiers se transforment en lagunes insalubres, les routes deviennent impraticables, les habitations s’effondrent, et des familles entières sont déplacées. Le tout dans une spirale d’improvisation et de gestion d’urgence.

Un tournant dans la stratégie de l’État ?

En juin, le gouvernement mauritanien a semblé vouloir rompre avec cette tradition d’attentisme. Une commission nationale d’anticipation de l’hivernage a été créée, assortie d’un plan d’action ambitieux : démolition des constructions illégales sur les canaux naturels d’écoulement, libération de zones à risque, installation d’infrastructures de drainage, déploiement d’équipements hydrauliques, et préparation de plans de contingence régionaux.

Le Premier ministre a demandé aux secteurs concernés de présenter leurs plans et leurs visions d’intervention pour la prochaine saison d’hivernage. Pour une fois, la prévention semble primer sur la réaction. Mais l’expérience nous a appris que ce n’est pas la qualité des textes ou la pertinence des décisions qui font défaut, c’est leur mise en œuvre. Les bassins de rétention seront-ils opérationnels avant les premières pluies ? La coordination intersectorielle sera-t-elle effective jusqu’au dernier village du Gorgol ou du Guidimakha ?

La pluie n’est pas l’ennemi. L’impréparation, si.

Il est temps de cesser de faire porter à la nature le poids des erreurs humaines. La pluie n’est ni ennemie ni alliée : elle est une réalité prévisible. C’est notre capacité à y répondre qui détermine si elle sera bénédiction ou fléau.

Ce que vit la Mauritanie n’est pas unique. Dans tout le Sahel, les villes croissent plus vite que les infrastructures, les systèmes de gouvernance peinent à suivre la vitesse du dérèglement climatique, et les populations les plus vulnérables paient le prix fort. Mais cela ne justifie pas l’inaction.

Le pays dispose aujourd’hui de données scientifiques solides, de financements internationaux accessibles, d’expertises locales reconnues. Il ne manque plus que la volonté politique de donner corps à la résilience. Une résilience qui ne peut se limiter à la capitale ou aux quartiers médiatisés, mais qui doit inclure les zones rurales, les femmes, les éleveurs, les enfants des quartiers informels.

Pour une culture du risque partagée

Face aux pluies de 2025, la Mauritanie joue une partie cruciale. Elle peut démontrer qu’elle a appris de ses épreuves passées et qu’elle est capable d’intégrer la gestion des risques climatiques dans son développement. Cela suppose une gouvernance plus transparente, une meilleure articulation entre les collectivités et l’État, une implication réelle des citoyens, et surtout un changement profond de culture : passer de la réaction à la prévention.

À l’heure où les pluies menacent de tomber, c’est une pluie de lucidité, de courage et de responsabilité qu’il faut espérer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : protéger la vie, la dignité et l’avenir d’un peuple tout entier.

Rédaction Rapide info

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