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Mauritanie : 2 700 travailleurs précaires régularisés dans l’indifférence médiatique

Le 11 juin 2025, 2 700 précaires du secteur public mauritanien ont été régularisés. Une avancée historique passée sous silence médiatique et politique, analyse Mohamed Ould Echriv Echriv.

Le 11 juin 2025 restera une date clé dans l’histoire sociale de la Mauritanie : 2 700 agents précaires du secteur public, journalistes, techniciens, agents de la SOMELEC, ont enfin été régularisés après des décennies d’incertitude. Pourtant, cet événement d’une portée historique s’est déroulé dans un silence quasi-total, sans communication politique efficace. Mohamed Ould Echriv Echriv analyse ce paradoxe.
Le mercredi 11 juin 2025 aurait dû être un jour férié dans la mémoire administrative mauritanienne. On n’avait jamais vu ça. 2 700 travailleurs précaires du secteur public — journalistes, techniciens, agents de la SOMELEC — enfin régularisés après des décennies de limbes statutaires. Du jamais vu depuis l’indépendance.
Et pourtant… silence radio.
Pas de banderole. Pas de débat. Pas de story virale. Rien. À croire que l’histoire s’est produite… en huis clos.
Pendant que les agents dansaient de joie, pendant que les familles reprenaient souffle, les médias publics eux-mêmes — oui, ceux-là mêmes concernés par la mesure — semblaient avoir oublié de se filmer. À la une, ce n’était pas « justice sociale enfin rendue », mais l’arrivée d’un député au retour d’une tournée aux États-Unis.
Commençons par le parti au pouvoir, El Insaf. Grand absent d’une scène qu’il aurait dû orchestrer. Il a publié un communiqué — sobre, propre, poli — en arabe même pas une traduction disponible sur l’interface en langue française, sur un site internet digne de l’ère Windows XP, interface en burn-out, contenu famélique. Aucune vidéo. Aucune infographie. Rien de ce qui transforme une décision politique en capital politique.
Et puis, cette fameuse « commission des jeunes » du parti, supposée incarner l’élan, la créativité, la réactivité : silence radio. Soit ils n’ont rien à dire, soit ils ne sont plus jeunes, soit ils sont très occupés à ne rien faire. Dans tous les cas, pas un post, pas une analyse, pas même une réaction TikTok.
Pendant ce temps, au Sénégal, au Maroc, au Mali, les sites web des partis regorgent de tribunes, de débats, de réactions croisées. La régularisation d’un tiers du personnel précaire dans les médias et l’électricité y aurait été un feu d’artifice de storytelling, une tournée médiatique, un moment pédagogique pour rappeler l’héritage, chiffrer l’impact, et surtout consolider la légitimité politique de la majorité.
Chez nous ? On a coché la case « communiqué ».
Et puis plus rien. Comme si la République était un fichier à archiver.
Or, et les stratèges le savent : l’acte politique sans communication, c’est un plat sans feu. Ça a beau être bon, ça ne se mange pas.
On peut créer un fonds pour les enseignants, régulariser des centaines de familles, poser les bases d’une presse digne — mais si tout cela n’est pas raconté, illustré, relayé, expliqué… c’est comme pisser dans le désert.
L’État a agi. Fort. Juste. Structurant. Mais le relais politique et communicationnel — le rôle du parti, des jeunes cadres, des médias proches — a été absent ou dépassé.
Il est temps de se le dire entre gens qui pensent : l’État réformateur ne peut plus se contenter d’agir. Il doit savoir le dire, le montrer, le répéter, le théâtraliser s’il le faut. Pas pour flatter. Pour construire l’adhésion. Et si le parti majoritaire ne veut pas que ses réformes deviennent des faits sans porteurs, il va falloir réanimer sa cellule com’, virer le stagiaire qui gère le site, et remettre du muscle dans ce qui devrait être sa vitrine.
Parce que sinon, à trop bien faire dans le silence, c’est l’opposition qui parlera à votre place.

Mohamed Ould Echriv Echriv

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